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COVID-19 & VIH, QUELLES INTERACTIONS ?

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Source : JDS

Dès l’identification en janvier 2020 d’un nouveau coronavirus nommé « SARS-CoV-2 » comme responsable d’une maladie respiratoire épidémique en Chine, les personnes vivant avec le VIH (PVVIH), la communauté associative et les infectiologues se sont posé la question : est-on plus à risque d’avoir cette maladie, la COVID-19, et d’en faire une forme grave quand on vit avec le VIH ? On sait en effet que le déficit immunitaire causé par le VIH augmente déjà le risque de complications graves résultant d’une infection par des virus respiratoires tels que la grippe ou les pneumocoques.

Le coronavirus SARS-CoV-2 s’est propagé à grande vitesse. Le 11 mars 2020 l’OMS a déclaré que l’épidémie était désormais une pandémie. Pour freiner la formation de nouveaux foyers de contagion et préserver les capacités d’accueil de leurs hôpitaux, de nombreux pays dont la France ont décidé des mesures de confinement, la fermeture de leurs frontières et l’annulation des manifestations sportives et culturelles. Le monde est tétanisé, les hôpitaux débordés, l’économie en pause, la vie sociale à l’arrêt et les informations, ainsi que la désinformation, tournent en boucle. A ce jour le virus a fait plus de 4 millions de morts.

Le SARS-CoV-2 se transmet par de petites gouttelettes de salive, portées par la toux, l’éternuement ou la parole (y compris le cri ou le chant), ou bien par les mains qu’elles auront touchées et contaminées. Traitée aussi bien de grippette que de fléau, la COVID -19 est bénigne voire asymptomatique dans plus de 80% des cas. Lorsqu’elle se déclare elle est généralement violente pendant quelques jours, comme une super-grippe. Elle peut toutefois entraîner chez certaines personnes une détresse respiratoire nécessitant une hospitalisation et des soins intensifs en réanimation (ventilation, intubation…), et malgré ces soins être mortelle. D’autres symptômes sont possibles (anosmie, thromboses, vascularite, atteintes neurologiques…) et certains patients gardent des séquelles pendant des mois.

Des facteurs de risque accru

Dès mars 2020, le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) a identifié l’âge avancé et des comorbidités comme facteurs de risque ou de vulnérabilité pouvant entrainer une forme grave de la maladie, voire la mort. Ces avis sont souvent réactualisés et des facteurs de risque ajoutés (1).

Sont plus exposées à des formes graves de COVID-19

– Les personnes âgées de 65 ans et plus ;

– Les personnes aux antécédents cardiovasculaires : hypertension artérielle compliquée, accident vasculaire cérébral ou coronaropathie, insuffisance cardiaque ;

– Les diabétiques insulinodépendants non équilibrés ;

– Les personnes présentant une pathologie chronique respiratoire pouvant décompenser lors d’une infection virale (broncho pneumopathie obstructive, mucoviscidose…) ;

– Les patients avec une insuffisance rénale chronique dialysée ;

– Les personnes obèses avec Indice de Masse Corporelle (IMC) ≥ 30 ;

– Les malades atteints de cancers évolutifs sous traitement ;

– Les personnes avec une cirrhose du foie évoluée (stade B ou C du score de Child Pugh) ;

– Les personnes atteintes d’immunodépression congénitale ou acquise dont l’infection à VIH non contrôlée et/ou avec des CD4 < 200/mm3, les transplantés d’organe sous traitement immunosuppresseur etc ;

– Les personnes porteuses d’un syndrome drépanocytaire majeur, ou de certaines affections neuromusculaires.

Le HCSP indique que l’association de plusieurs comorbidités augmente le risque potentiel d’admission en réanimation et de décès et signale également l’existence de facteurs génétiques de vulnérabilité, qui peuvent se rajouter aux autres risques, ou expliquer le décès de personnes jeunes « en bonne santé » (1). Le genre masculin est listé comme un facteur de risque par le HCSP. En France, plus de 70% des personnes hospitalisées pour COVID sont des hommes. Mais selon les lieux, les femmes peuvent être autant touchées. Une hypothèse est que les hommes seraient plus concernés pour des raisons physiologiques (endocriniens et répartition des récepteurs ACE2), les femmes pour les facteurs sociodémographiques (exposition professionnelles, précarité, etc.)

Les facteurs de risque sociaux

Les facteurs sociodémographiques et ethniques sont des critères de vulnérabilité au même titre que l’âge et les comorbidités.

Le risque de contagion est plus élevé pour les personnes sans domicile et pour celles qui vivent dans des établissements fermés ou logements collectifs, pour personnes handicapées, d’hébergement social, d’accueil des demandeurs d’asile, foyers de travailleurs migrants, et EHPAD, prisons, camps de réfugiés ou de rétention.

Une étude de Grande-Bretagne (3) constate que l’origine ethnique semble être un facteur significatif de vulnérabilité face au virus. Elle montre une mortalité plus élevée de la population noire, ainsi que des populations originaires d’Inde, du Pakistan et du Bangladesh. Aux Etats-Unis, même constat pour les populations noires (4), hispaniques et amérindiennes.  Les facteurs sociaux doivent être pris en compte, car ils sont souvent étroitement liés à l’origine ethnique (surpeuplement des logements, plus de chômage, pas d’assurances).

Le rapport de la DREES « Les inégalités sociales face à l’épidémie de COVID » (2) cite les critères d’exposition au virus et/ou de vulnérabilité sociale, dont le risque d’exposition plus élevé pour certaines professions (pas de télétravail possible, nécessité des transports en commun, contact avec le public), les risques accrus de contamination liés à de mauvaises conditions de vie et à la promiscuité, à l’impossibilité de se confiner ainsi qu’au manque d’accès aux mesures de protection (gants et gels payants). Les populations défavorisées présentent aussi plus souvent des facteurs de risques médicaux face au COVID (problèmes cardiaques, diabète, obésité) qui sont souvent non traités.

VIH et COVID-19

Les observations publiées au printemps 2020 ne montrent pas de sur-risque de contamination par le SARS-CoV-2 pour les PVVIH. Le nombre de cas détectés de l’infection par le coronavirus chez les PVVIH semble être similaire à celle de la population générale, voire inférieure, ce qui est peut-être dû a un sur-confinement des PVVIH (quand elles le peuvent), car beaucoup se considèrent comme fragiles et ont probablement mieux respecté les mesures de distanciation physique et de prévention. En France, les consultations de suivi du VIH n’ont souvent pas eu lieu lors du 1er confinement, les ordonnances des traitements étant prolongées par un arrêté ou envoyées par mail ou la poste.

Les études de plusieurs pays et des revues de littérature sont publiées sur des cas de COVID -19 chez des PVVIH (5, 6, 7, 8, 9, 10, 11) et souvent comparées aux résultats chez des séronégatifs atteints de COVID-19. L’infection par le VIH ne semble pas prédisposer à un sur-risque de faire une forme grave (12) sauf si les personnes présentent les facteurs de risque identifiés dans la population générale et ou en cas d’infection à VIH mal contrôlée (charge virale détectable et CD4 bas). Cependant, ces séries de cas de PVVIH comprenaient souvent des petits nombres de patients et il a été rapporté que parmi les patients hospitalisés pour COVID-19, les PVVIH étaient plus jeunes que les patients séronégatifs.

Des essais de traitements contre la COVID-19 réalisés avec des antirétroviraux (anti-protéases surtout), se sont montrés inefficaces face au SARS-CoV-2.

Des études contradictoires

Vers l’automne 2020, alors que davantage de données sont disponibles, la plupart des études signalaient un risque plus élevé de mauvais résultats chez les personnes co-infectées par le VIH et le COVID-19. En effet, deux grandes études de cohorte du Royaume-Uni ont rapporté une mortalité accrue chez les PVVIH. Une analyse des patients hospitalisés a montré une surmortalité chez les séropositifs de moins de 60 ans (13). Une analyse des données britanniques sur les soins primaires aurait mis en évidence un risque de décès quasi triplé pour les PVVIH. Après ajustement sur l’ethnie, le tabagisme, l’obésité et le fait de vivre dans une région défavorisée, ce sur-risque persiste et il est doublé. On retrouve tout de même ici les facteurs ethniques et sociaux : la plupart des PVVIH décédées avaient d’autres comorbidités, étaient des hommes, noirs et d’une zone géographique plus défavorisée (14), des critères que l’on retrouve dans une autre étude anglaise (15).

Une étude observationnelle française (16) sur des PVVIH positifs au COVID-19 a montré par analyse multi-variée, que l’âge, le sexe masculin, l’origine d’Afrique subsaharienne et les troubles métaboliques (obésité et/ou diabète) ont été associés à des formes sévères ou critiques de COVID-19.

Dans l’État de New York, une étude a montré que les hospitalisations liées au COVID-19 étaient plus élevées chez les PVVIH, surtout ceux dont la charge virale n’était pas contrôlée, ainsi que les décès à l’hôpital (17). Une étude d’Afrique du sud (18) a également révélé que le VIH doublait le risque de décès d’un patient COVID-19 et qu’un nombre de CD4 < 200/mm3 était également associé à un risque accru de mortalité. Dans une autre étude (19), un nombre de CD4 < 350/mm3 a été associée à un risque accru de COVID-19 sévère.

Impact du VIH et des comorbidités sur la COVID-19

Une revue de toutes les études (20) sur « COVID-19 et VIH » résume bien les points marquants des analyses, les facteurs de vulnérabilité identifiés propres au VIH et les facteurs de risque classiques listés par le HCSP :

-La charge virale non contrôlée et/ou des CD4 bas (CD4 < 200/mm3 voire CD4 < 350/mm3 selon les études) sont associés à un risque aggravé de développer une forme sévère de la COVID-19, d’hospitalisation et/ou de surmortalité.

-Un âge médian des PVVIH atteints de la COVID-19 inférieur d’environ 10 ans à celui des personnes séronégatives au VIH, et ce indépendamment de la prévalence des comorbidités. La théorie de l’âge biologique plus avancé des PVVIH ou vieillissement précoce des PVVIH  n’est pas nouvelle et plusieurs études les citent. Plusieurs études notent que les PVVIH hospitalisées ou décédées étaient plus jeunes qu’en population générale.

-Une prévalence plus élevée de comorbidités chez les PVVIH avec COVID-19 (diabète, obésité, hypertension, tabagisme…) est listée dans les études comme un risque de développer des formes sévères et/ou de surmortalité liée à la COVID-19, augmenté encore par le fait d’avoir plusieurs comorbidités.

-Les PVVIH ont plus de comorbidités que la population générale. Au-delà de 55 ans, plus de 50% des PVVIH ont 2 comorbidités ou plus. Au-delà de 65 ans, ce sont 70 à 80% des PVVIH qui ont entre 2 et 3 comorbidités, contre 50% dans la population générale (21). Ces comorbidités peuvent survenir 10 ans plus tôt. Les maladies les plus citées sont l’hypertension artérielle (HTA), l’angine de poitrine, l’infarctus du myocarde, les pathologies hépatiques, rénales et les cancers (22).

– Les PVVIH hospitalisés atteints de COVID-19 ont une incidence élevée de thromboembolie veineuse (thrombose qui peut migrer et provoquer une embolie pulmonaire)

-Les critères ethniques et sociaux sont cités comme facteurs de risque aggravé de développer la maladie et de surmortalité, comme dans la population générale.

L’étude COVIDHIV

L’impact de la co-infection VIH / SARS-CoV-2 n’est pas complètement compris et demande des recherches supplémentaires. Les contributions respectives de l’origine des personnes, leur statut social et des comorbidités au possible risque accru restent à résoudre.

Une étude multicentrique est actuellement en cours en France, l’étude COVIDHIV, chez les PVVIH atteintes d’infection à SARS-CoV-2, dont l’investigateur coordonnateur est le Dr Antoine Chéret. Ses objectifs (23) sont de décrire l’évolution de la maladie COVID-19 chez les patients infectés par le VIH-1,  d’étudier les caractéristiques cliniques et biologiques de la maladie COVID-19 chez les PVVIH hospitalisés ou non, puis de les corréler avec les caractéristiques immuno-virologiques, de lister les complications majeures, de déterminer les facteurs de mauvais pronostic et d’évaluer les effets cliniques post-infectieux à distance de la phase aiguë. Les données seront comparées avec celles en cours chez les personnes séronégatives.

Moins d’anticorps neutralisants post-COVID

Une étude publiée récemment (24) a retrouvé la même faible prévalence d’infections COVID-19 chez les PVVIH (2 fois moins que dans la population générale) et le même risque accru de faire une forme grave de la maladie. Les concentrations d’anticorps neutralisants ont été comparées dans les deux groupes (VIH et non VIH) et il a été observé un taux plus bas (moins  42 %) dans le groupe des PVVIH qui ont été infectées par le coronavirus que dans le groupe non VIH. Ce taux plus faible pourrait refléter une réponse immunitaire naturelle à la COVID-19 plus faible chez les PVVIH et donc un risque potentiel accru de réinfection. Les chercheurs suggèrent  de faire des études plus poussées sur la réponse immunitaire chez les PVVIH notamment après vaccination contre le coronavirus.

L’accès aux vaccins

Malgré ces forts soupçons de plus grande vulnérabilité face au COVID, les PVVIH n’ont pas été dans la liste des personnes à vacciner en priorité, pas même les PVVIH plus fortement immunodéprimées (CD4 < 350/mm3) et/ou en échappement virologique. Malgré les recommandations des sociétés savantes européennes BHIVA, DAIG, EACS, GESIDA, Polish Scientific AIDS Society and Portuguese Association for the clinical study of AIDS (25) ainsi que celles de l’Académie nationale de médecine (26), de la Société française de Lutte contre le VIH (SFLS)  et la demande (27) associative énergique (TRT-5 CHV), seuls l’âge et les comorbidités ont permis à certaines PVVIH de se faire vacciner en priorité.

Bonne réponse au vaccin

Deux études sur le vaccin Oxford/AstraZeneca montrent que ce vaccin a produit des réponses immunitaires similaires chez les personnes avec ou sans VIH. Dans le cadre de l’étude de phase 2/3 du vaccin Oxford/AstraZeneca, une sous-étude chez 54 PVVIH (ayant un bon taux de CD4) a été réalisée à Londres (28). Leurs résultats ont été comparés à ceux d’un groupe témoin de 50 personnes séronégatives de l’étude vaccinale. Les tests n’ont montré aucune différence dans les réponses immunitaires cellulaires ou immunitaires (cellules T) entre les PVVIH et le groupe témoin séronégatif. L’activation immunitaire chez les PVVIH n’a pas affecté les réponses à médiation cellulaire ou les taux d’anticorps.

La 2eme étude a été réalisée en Afrique du Sud (29), dans le cadre des études de sécurité et d’immunogénicité de phase 1b/2a du vaccin Oxford/AstraZeneca. L’étude a recruté 104 PVVIH (dont 75% de femmes) et 70 personnes séronégatives. L’étude a mesuré les réponses des anticorps au vaccin chez les PVVIH, ainsi que la sécurité. Il n’a été trouvé aucune différence dans les réponses en anticorps entre les PVVIH et les personnes séronégatives 28 et 42 jours après la première dose. Il n’y avait pas de différence dans la fréquence des effets indésirables entre les personnes avec et sans VIH. Les chercheurs concluent que le vaccin a produit de fortes réponses en anticorps contre le SRAS-CoV-2 chez les PVVIH ayant un nombre élevé de CD4, mais les résultats peuvent ne pas être généralisables aux personnes ayant un nombre de CD4 inférieur à 500.

Une étude israélienne (30) a comparé les réponses au vaccin  Pfizer-BioNTech chez 143 PVVIH à celles des soignants de l’hôpital après les deux doses du vaccin. Une vingtaine de jours après la 2eme dose, 98 % des PVVIH ont développé des anticorps efficaces contre le SRAS-CoV-2, contre 99 % des non séropositifs, sans différence donc.

3ème dose ?

En France, certaines personnes peuvent déjà recevoir trois doses de vaccins contre le coronavirus. Il s’agit des personnes sévèrement immunodéprimées comme le recommande la Direction Générale de la Santé (DGS) dans un avis du 6 mai. Cela concerne par exemple les personnes ayant reçu une transplantation d’organe, sous chimiothérapie, dialysées chroniques… Pour les PVVIH, ce n’est pas à l’ordre du jour, il faudra des études sur le taux des anticorps neutralisants, leur durabilité, leur efficacité lors de contamination au SRAS-CoV-2. La recherche doit continuer pour mieux comprendre l’impact de la COVID-19 chez les PVVIH, ainsi que les réponses aux différents vaccins, pour pouvoir en tirer des recommandations fiables.

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