Source : INFO VIH
Les bithérapies sont aujourd’hui proposées chez les patients bien contrôlés sur le plan virologique pour réduire la toxicité des traitements antirétroviraux sur le long terme. Plusieurs de ces bithérapies ont démontré la non-infériorité sur le plan de l’efficacité virologique.
Néanmoins, des questions se posent toujours sur l’activation immunitaire, l’échappement virologique dans certains compartiments comme celui du SNC et conduire à plus de troubles cognitifs. Cette étude rétrospective réalisée dans une cohorte neuro-sida italienne s’intéresse aux patients symptomatiques sur le plan neurologique ou neurocognitif justifiant la ponction lombaire, avec une charge virale contrôlée sous bithérapie (n= 19) ou trithérapie (n= 78) (<200 cp/ml depuis plus de 6 mois). Ces 2 groupes de traitement ont été comparés sur le contrôle virologique et les biomarqueurs de l’inflammation dans le LCR ainsi que sur les performances neurocognitives. Globalement, les caractéristiques étaient les suivantes : 75,3 % d’hommes, âge de 51 ans (46-58 ans), taux de CD4 de 545 cellules/mm3 (349-735), durée médiane sous le traitement actuel de 18 mois (8-29), avec une durée de contrôle virologique de 32 mois (14-94). Les deux groupes ne différaient pas en termes de diagnostics neurologiques associés au VIH, de caractéristiques démographiques et viro-immunologiques.
Les bithérapies étaient les suivantes: INI + IP/r (63,2%), INI + INNTI (15,8%), IP/r + INNTI (10,5%) et IP/r + INTI (10,5%). A l’inclusion, 10 patients (52,6%) avaient une CV plasmatique <20 cp / ml, et une CV plasmatique médiane à 33 cp / ml (22-690) pour les patients avec une CV au-dessus du seuil. La durée médiane de la bithérapie était de 20 (12-60) mois, et de 27 mois (16-44) pour le traitement précédent. Les patients sous bithérapie présentaient un peu plus de virémie faible que les patients sous trithérapie (15,8% versus 3,8%) et une tendance à une proportion plus faible de CV < 20 cp/ml (78,9% vs 92,3%). Le score de pénétration-efficacité du SNC adapté de S Letendre était significativement plus faible sous bithérapie : 6 (5-6) que sous trithérapie : 7 (6-8) p= 0,02.
La CV dans le LCR inférieure au seuil ne différait pas entre les groupes : 14 sous bithérapie (73,7 %) et 61 sous trithérapie (78,2 %). Pour les patients avec une CV détectable dans le LCR, le niveau était de 120 (45-182) vs 54 cp/ml (43-77). La prévalence de l’échec virologique dans le LCR était similaire entre les 2 groupes : 4 cas en bithérapie (21,1%) et 15 cas en trithérapie (19.2%). Les tests neurocognitifs réalisés chez 63 patients (64,9 %) n’étaient pas différents, comme pour les biomarqueurs permettant d’analyser la réponse humorale intrathécale, l’inflammation, l’activation des monocytes/macrophages (cellularité, protéinorachie, néopterine), l’intégrité de la barrière hémato-encéphalique, l’astrocytose, les lésions neuronales et les plaques d’amylose. Bien que la différence n’ait pas été statistiquement significative, les résultats sur l’altération de l’intégrité de la barrière hémato-encéphalique (5,6% vs 21,9%) posent la question d’une toxicité antirétrovirale.
Ces données montrent que chez des patients contrôlés, présentant des troubles neurologiques, la bithérapie est aussi efficace et sans plus de risque que la trithérapie. L’efficacité virologique durable observée dans le sang pourrait restaurer le système immunitaire et préserver des possibles altérations du SNC. L’interprétation doit cependant rester prudente avant de généraliser car les bithérapies utilisées dans cette étude comprennent en majorité des IP.
Dr Laurence Morand-Joubert
Références
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Dual antiretroviral therapies are effective and safe regimens in the central nervous system of neurologically symptomatic people living with HIV | AIDS . 2020 Nov 1;34(13):1899-1906.