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femme et vih

Source : Journal de Bangui

L’un des défis majeurs du siècle présent est la réelle participation des femmes et leurs apports dans le processus du développement sociopolitique, économique et culture. Toutefois, plusieurs études montrent que les femmes sont de plus en plus  marginalisées, violées et stigmatisées. Ce sombre tableau a un impact négatif et constitue un véritable obstacle à leur émancipation.

Si ce problème est d’ordre mondial, il est pire en Centrafrique qui traverse depuis plusieurs années des multiples crises militaro-politiques. Et, lors de ces crises, les groupes armés ne cessent d’utiliser les viols ou les agressions sexuelles contre les femmes. Des faits qui engendrent l’intensité de crise humanitaire pour toucher à la sensibilité du pouvoir en place. Mais, le comble est que cela a augmenté de manière considérable le taux de la contamination des maladies sexuellement transmissibles et le VIH SIDA.

Devant cette situation, le ministère de la promotion du genre, de la protection de la femme, de la famille et de l’enfant, a décidé d’organiser en collaboration avec le ministère en charge de la santé publique et de la population, avec l’appui de l’ONUSIDA et le Comité national de lutte contre le Sida (CNLS), un atelier national de validation du rapport d’évaluation du genre dans la réponse au VIH SIDA.

« Plusieurs études ont démontré que les femmes et les filles sont les plus infectées par le SIDA du faite de leur faible statut social, elles subissent des pratiques traditionnelles comme l’excision, elles sont des victimes de mariage forcé et surtout en étant mineur, certaines n’ont même pas le contrôle de leur sexualité en matière de la santé de reproduction et également  faute de moyen économique, elles sont obligées de se livrer à la prostitution.  Pour ce faire, nous allons élaborer et valider à la fin de cet atelier un plan d’action d’une durée de cinq (05) ans afin que des actions soient menées pour réduire la vulnérabilité des femmes en matière du VIH Sida », a déclaré Marguerite Ramadan, ministre en charge de la promotion du genre, de la protection de la femme, de la famille et de l’enfant.

Protéger les femmes ainsi que les enfants, du risque de contracter le VIH

Quant au docteur Eba Patrick, représentant pays de l’ONU Sida en Centrafrique, il est indispensable d’agir de manière urgente pour arrêter l’hémorragie : « La situation de la population en général mais celle des femmes et des filles en particulier est très préoccupante en Centrafrique en matière du VIH/Sida car, environ 54% des personnes vivant au VIH sont des femmes et des filles. L’accès au traitement pour éviter la transmission de la mère à l’enfant reste très limité. Si nous ne faisons rien pour améliorer cette situation, nous n’allons pas éliminer le VIH/Sida en RCA d’ici 2030. Il est donc urgent d’agir pour sauver la situation ».

Il a tout de même fait des propositions de stratégie dans l’optique de barrer la route à ce fléau : « D’abord, il faut améliorer l’accès aux services de prévention de la transmission mère-enfant pour protéger les femmes ainsi que les enfants, lever les barrières qui sont à l’origine de la vulnérabilité des femmes afin  de favoriser leur accès aux services de prise en charge. Ensuite, Il est aussi important de lutter contre les violences sexuelles faites aux femmes. Enfin, il faut tout faire pour améliorer la situation économique et sociale des femmes. Elles ont besoin d’avoir accès aux emplois, aux opportunités pour générer des revenus, car la plupart des femmes se laissent aller dans des rapports sans se protéger à cause de la pauvreté ».

L’occasion a été donnée à une personne vivant du VIH Sida de faire un témoignage, racontant comment elle a été affectée, son courage dans le processus de la prise en charge et la manière à laquelle elle gère sa vie pour faire face à cette maladie. Un témoignage édifiant qui a montré combien de fois, il est possible de combattre cette pandémie.

Rappelons que cet atelier s’est déroulé à l’hôtel Ledger Plazza à Bangui du 30 au 31 août 2021. Afin de donner des ouvertures aux participants sur la réalisation de ce projet, plusieurs thématiques sont développées par des experts de la santé et du service social. Ceci, sous la supervision du ministre en charge de la santé publique et de la population le docteur Pierre Somse  et de sa collègue en charge de la promotion du genre, de la protection de la femme, de la famille et de l’enfant Marguerite Ramadan.

militant VIH

Source : SERONET

Militant de longue date de la lutte contre le sida, d’abord à Act Up-Paris, puis à AIDES, Vincent Coquelin a travaillé sur la prévention, la recherche et la réduction des risques sexuels. Son parcours de vie avec le VIH et son engagement militant nous ont conduit à lui proposer de revenir sur ces 40 ans de lutte contre le VIH/sida.

Quand on évoque les 40 ans d’histoire du VIH, quels sont les premières images et souvenirs qui te viennent ?

Vincent Coquelin : Mon premier souvenir, c’est le début de ma sexualité. Un journal qui, je crois, s’appelait Photos avait publié un reportage sur des malades du sida aux États-Unis. Je vivais dans la campagne pas très loin de Paris, mais dans la campagne tout de même, et pas du tout dans le milieu homo. Du coup, je découvrais ces images de malades du sida en phase terminale, alors qu’il n’y avait pas vraiment de prévention chez nous. C’était en 1984. Je me suis dit en voyant ces images : c’est horrible ce qui se passe là-bas, sans jamais imaginer que cela arriverait en France. Je me rappelle que Gai Pied, qui devait être l’unique journal gay d’information de l’époque, commençait à aborder un peu le sujet. J’étais naïf dans mes premières relations sexuelles, mais je pense qu’on l’est à toutes les époques face aux choses nouvelles qu’on découvre. Aujourd’hui, on utilise beaucoup le mot clean. On demande : « Est-ce que tu es clean ? ». Je l’ai souvent dit. J’avais très, très peu de partenaires à cette période. Du coup, je faisais confiance aux garçons que je rencontrais. Ma première image, c’est ça.

Et puis j’ai rencontré mon compagnon. Nous nous sommes faits confiance. Moi, j’étais fidèle ; lui, je ne sais pas. Nous avons vécu six ans ensemble. La cinquième année, mon médecin de famille me fait faire une série de tests, dont un test Elisa, dont il ne me parle pas. Je ne le revois que six mois plus tard en consultation parce que j’ai une grippe. Il me dit : « Vous saviez que vous étiez séropositif ? » Et là, je crois que le monde s’est écroulé. Ce n’est pas tant pour moi, mais parce que je comprenais les raisons pour lesquelles mon compagnon n’arrêtait pas de tousser depuis plusieurs mois. Soit, il le savait, et n’avait pas voulu ou pu le dire. Soit, il ne savait pas qu’il était atteint. Cela a duré deux ans, puis mon compagnon est mort. Mon souvenir, c’est tout le vécu de l’époque. Il n’y avait pas le 100 % à ce moment-là. Tu étais obligé de payer toi-même tes tubulures pour les soins quand tu étais suivi à domicile. C’était vraiment une période difficile, tu ne savais pas trop à qui en parler. C’est vraiment au dernier moment que je me suis effondré chez mes parents quand je leur ai dit : « Alain a le sida. Et je pense qu’il n’en a plus pour très longtemps ». Tout le monde semblait déjà être au courant, mais personne n’avait osé aborder le sujet.

Nous sommes partis dans le sud de la France chez son frère. Je pensais qu’il allait pouvoir remonter sur Paris ; en fait, non. Nous sommes restés quatre mois là-bas et je l’ai accompagné, au jour le jour, à l’hôpital, il est mort dans mes bras. Je pense que je ne ferai jamais le deuil parce que je suis encore en colère… même si aujourd’hui je me suis reconstruit et je vis le grand bonheur depuis 25 ans avec celui qui est devenu mon mari, mais je ne veux pas l’emmerder avec ça. Alain était quelqu’un de tellement formidable, tout le monde l’aimait. C’est sa disparition qui m’a amené à militer à Act Up-Paris après ; un peu par hasard d’abord. Mais, j’avais envie de gueuler, d’hurler… J’y ai milité pendant un an et demi à peu près.

Que s’est-il passé à la suite de la disparition d’Alain ?

Au décès d’Alain, j’ai vraiment découvert ma sexualité. Avant quand j’étais en couple avec lui, j’étais dans la fidélité complète : le prince charmant et la vie merveilleuse… Après, quand il est décédé, je me suis dit : « Moi, je vais mourir. Dans a priori trois ou quatre ans, ce sera mon tour. Donc, il faut que j’aille au bout de mes envies et de mes fantasmes ». Comme j’étais au chômage à cette époque, j’ai passé mes nuits sur des lieux de sexe. C’est pour cela que je connais aussi bien les lieux de drague. Quand, comme moi, tu habites dans la campagne dans les Yvelines, le seul truc que tu avais pour vivre ta vie gay, ce sont les lieux de drague extérieurs. Ma vie, c’était : je milite à Act Up en journée et je passe mes nuits sur des lieux de drague. Je faisais des choses que je trouvais choquantes avant. Je me souviens d’une interview à la télé d’un mec qui disait se taper 2 000 à 3 000 mecs par an ; moi aussi, je devais être dans les 2 000. Ce n’était pas glauque pour autant. C’était de vrais moments de plaisir.

Comment t’es-tu intéressé à la prévention ?

Moi, je baisais beaucoup sans capote. Dans les discussions sur les lieux de drague, je me suis rendu compte que beaucoup des mecs qui baisaient sans capote n’étaient pas séropos. Moi qui étais complètement hors milieu, je pensais que ceux qui baisaient sans capote étaient obligatoirement séropos. Je me suis dit : « Ok, Act Up, c’est bien… On y va, on gueule, c’est utile, mais il me manquait quelque chose. J’avais vu des actions de AIDES au Palace [un des hauts lieux gays parisiens des années 80, ndlr] ou sur les plages. Je me suis dit que c’était pas mal, plus proche de ce que je voulais faire… de pouvoir agir concrètement auprès des personnes. Je suis allé voir AIDES à Saint-Germain-en-Laye. J’étais un peu provocateur en leur disant d’entrée que je baisais sans capote et que s’ils ne voulaient pas de moi pour cette raison, j’irais voir ailleurs. Je suis tombé sur la bonne personne. Il n’y a pas eu de jugement. On m’a dit : « Chacun son choix. Tu es le bienvenu ». J’ai commencé mon engagement comme ça. Mon idée, c’était d’abord de témoigner. J’avais tellement souffert de rester dans le placard sur ma sexualité et durant si longtemps, et c’était un tel soulagement d’en être sorti, que je me suis dit qu’il ne fallait pas revivre cela et mourir caché avec ma maladie. Je disais : « J’assume… Je m’en fous. De toute façon, je vais mourir, alors si je peux donner un coup de main avant de mourir, autant y aller. Alors, j’ai fait pas mal de témoignages. Dans les Yvelines, c’était lors de petites conférences, sur des télés locales. À cette époque, il n’y avait pas d’actions de prévention dans les banlieues, pas de prévention gay proprement dite. Ce qui se faisait alors c’était surtout l’aide aux malades. Mon idée et celle d’autres était de développer des actions sur des lieux de rencontres extérieurs, de voir comment se passait la vie gay dans ces coins et de voir ce que nous pourrions proposer ensuite. Je me suis formé dans AIDES. Je suis allé à Paris où il existait le seul groupe qui faisait de la prévention en direction des gays. C’était le groupe Pin’AIDES, avec notamment Jean Le Bitoux, qui était un des fondateurs du journal Gai Pied. C’était formidable. C’est là que j’ai ressenti que j’avais une nouvelle famille. Moi, j’avais ma famille perso qui me soutenait ; mais la famille du sida, c’était autre chose. C’était un endroit où je pouvais me confier, parler de mes craintes, de mes peurs. C’était en 1996. On entendait que les trithérapies commençaient à fonctionner, mais je n’en avais pas la preuve. C’était de la prudence. Je me rappelle de ces annonces avec des titres qui annonçaient régulièrement qu’on avait trouvé le remède miracle. Libération avait dû titrer sur l’AZT comme solution miracle. Du coup, je n’y croyais plus. En 1996, quand on parlait des trithérapies. Je me suis dit que cela allait durer quelques temps, puis plus rien. Par la suite, je me suis rendu compte que cela fonctionnait car j’avais un copain qui a failli mourir à cette période-là. Il n’avait quasiment plus de CD4. Je me disais qu’il n’allait pas passer l’année et avec la trithérapie en six mois, il s’est remis. C’était la preuve pour moi que potentiellement il y avait quelque chose qui pouvait marcher.

Qu’est-ce qui a été une étape marquante pour toi ?

Je me rappelle à cette époque, à partir de 1996, de cette idée dont on parlait : faire le deuil de la maladie ! Comme beaucoup, après mon diagnostic, je me suis endetté. J’ai dépensé tout le pognon que j’avais économisé avant… pour en profiter. Je me suis retrouvé dans une grosse galère financière et je suis reparti de zéro. Comme militant, je suis resté volontaire à Pin’AIDES presque à plein temps car je ne travaillais pas à cette époque. AIDES cherchait quelqu’un pour coordonner un gros dispositif de prévention à Paris à l’occasion de l’EuroPride à Paris [l’événement s’est déroulé en 1997, ndlr]. Il y avait aussi les Eurogames [une version LGBT des JO qui s’est tenu, la même année, ndlr]. J’ai été recruté comme salarié sur ce dispositif temporaire. Parallèlement, le groupe Pin’AIDES avait obtenu des financements pour développer des actions de prévention en banlieue. Il fallait d’abord faire une évaluation de ce qui se passait en banlieue, du côté des gays. Où ils étaient ? Quels étaient les lieux qu’ils fréquentaient ? Quels étaient les besoins en prévention ? Il y avait un poste de libre : un quart de temps en Seine-et-Marne, dont personne ne voulait ; loin de tout. Je dois reconnaître que j’ai eu une difficulté à admettre que je faisais un vrai job. C’était compliqué d’être payé pour faire quelque chose que je faisais déjà comme volontaire… j’ai mis du temps à me dire que c’était un vrai boulot.

Quelles ont été les occasions manquées, les erreurs ?

Je n’avais pas ce sentiment à l’époque, disons dans les années 80. Je l’ai eu après quand je suis arrivé à AIDES. J’étais un fervent admirateur de Mitterrand, puis je me suis rendu compte que la politique de lutte contre le sida des socialistes n’avait pas été à la hauteur. J’aime bien le rappeler… car on pose toujours la question : pourquoi l’épidémie est-elle si forte chez les gays ? Pour le comprendre, il est important de revenir aux années 80, aux décisions de l’époque, à la situation des gays, à celle des personnes usagères de drogues. Il faut toujours revenir à ce qui explique pourquoi ces populations ont été les plus concernées… et le sont encore. Par exemple, ce n’est pas parce que les gays ne font que baiser, mais parce qu’on ne leur a pas donné plus rapidement les outils pour mieux faire face à l’épidémie. C’est ce qui m’a le plus dérangé… que le poids de la religion, de la morale soit tellement important dans les années 80 que nous n’étions pas intéressants politiquement, pour les partis politiques ou les pouvoirs publics. On peut se rappeler de la lenteur pour obtenir une loi autorisant la publicité pour les capotes ou la vente libre des seringues dans les pharmacies.

Y-a-t-il eu des erreurs de la part des militants-es ?

J’étais en colère quand je suis arrivé à AIDES sur le mode : mais pourquoi vous n’avez pas fait de prévention avant ? En réfléchissant, je me suis dit que la priorité était alors d’aider les malades, et je me suis renvoyé la question : et toi, pourquoi n’as-tu rien fait ? Reste que c’était compliqué du côté de AIDES. Dans les années 90, il y avait un groupe, très fort, d’aide aux malades. C’était parfois conflictuel avec celles et ceux qui faisaient de la prévention. Il y avait la crainte que l’on se détourne de l’aide aux malades. Chez certains-es militants-es, on était un peu dans l’idée : « C’est mon malade ! » Je m’en suis rendu compte quand j’ai voulu faire de la prévention dans les Yvelines. AIDES dans les Yvelines avait été créé par Chrétiens et sida avec plutôt des volontaires versaillais. Nous avions organisé un premier apéro gay. Nous avions eu plus de 35 personnes, dans les locaux de AIDES, venues parler de prévention. Cela avait choqué parce que des volontaires expliquaient que nous étions une association de personnes touchées et pas une association de prévention. Ces débats ont duré longtemps, comme ceux sur le périmètre de notre combat. Par exemple, nous avons eu longtemps des discussions en interne pour savoir si la place de AIDES était à la Gay Pride ou pas.

Les années sida puis l’arrivée des trithérapies en 1996 qui ont permis de passer d’une maladie mortelle à une infection chronique, qu’est-ce qui te marque dans cette évolution ?

Si on revient sur les décennies, c’est toujours une course d’obstacles. Nous avons connu la difficulté d’avoir des préservatifs et d’en autoriser la publicité, de pouvoir les mettre à disposition dans les lycées ; la difficulté d’avoir des seringues et d’en autoriser la vente libre ; les attaques contre les personnes qui baisaient sans capotes… seulement les gays… car le fait que certains hétéros fassent la même chose n’était critiqué par personne. Et puis après, c’étaient les difficultés pour faire admettre le dépistage communautaire. Certains nous disaient que ce serait n’importe quoi, que nous n’étions pas des soignants-es, que nous ne pouvions pas faire de tels gestes. Même blocage avec les autotests. Après, c’était sur la Prep que nous avons connu des obstacles… lorsqu’on se faisait traiter de criminels quand nous faisions la promotion de l’essai Ipergay dans le Marais. Et cela au prétexte que nous encouragions les gens à avoir des relations sexuelles sans capotes, etc. Chaque avancée dans la prévention s’est faite en luttant contre des obstacles. C’était parfois le fait du lobbying conduit par des syndicats professionnels (les laboratoires biologiques pour le dépistage), des médecins… mais il y a eu aussi des obstacles de la part des associations. Nous avons tellement vécu, jusque dans les années 2000, sur un discours préventif uniquement axé sur le port du préservatif que cela a construit un discours moraliste sur celles et ceux qui n’en portaient pas. C’est une évidence que dans les années 2000, un certain nombre de personnes et structures ont une responsabilité dans le fait de ne pas avoir développé certaines possibilités de stratégies de réduction des risques. Je me rappelle avoir participé à une affiche en 1997 avec mon mec qui parlait déjà de l’intérêt de la charge virale indétectable. Dans un congrès international, on constatait déjà un an après l’arrivée des trithérapies, l’intérêt de cette charge virale indétectable. En 2002, quand sont arrivés les flyers portés par AIDES Provence sur la réduction des risques sexuels, nous sommes passés d’un discours oral à un discours écrit largement diffusé qui a crispé beaucoup de gens… jusqu’à l’InVS [l’ancêtre de santé publique France, ndlr] qui a été jusqu’à réaliser des cartes pour contrecarrer notre discours de RDR… qui s’est imposé depuis. L’opposition était celle des pouvoirs publics, d’autres associations de lutte contre le sida. Comme s’il y avait eu une peur : s’il n’y a plus la capote, que va-t-il arriver ? Et la capote, c’est facile. C’est plus facile d’aller voir les gens en donnant des capotes qu’en allant les rencontrer pour discuter.

Dans la liste des exemples que tu cites, ce qui frappe, c’est le manque de confiance que semblent avoir ces structures vis-à-vis des personnes… comme si elles étaient incapables de faire les bons choix pour elles-mêmes…

Oui, il y a de ça. On le voit d’ailleurs aujourd’hui encore dans la gestion de l’épidémie de Covid-19 et ce qui s’est passé dans les premiers temps avec les masques, les contraintes, etc. Parfois, je me suis dit : que ce serait-il passé si nous avions eu les réseaux sociaux d’aujourd’hui dans les années 80 ? Quelles contraintes aurions-nous subies ? Est-ce qu’on nous aurait enfermés dans des prisons ? On a bien vu dans les premiers temps de la Covid-19, les réactions stigmatisantes à l’encontre des personnes infectées par le coronavirus et même des soignants qui s’en occupaient. Les obstacles que j’ai évoqués contre la Prep, le Tasp… sont aussi une des conséquences du discours qui a longtemps été dominant en prévention. Un discours construit sur ce qui est bien. Ce qui est bien, c’est se protéger. Et pour eux, il n’y a que la capote qui le permette. Et lorsqu’on commence à aborder autre chose, cela ne paraît pas possible. J’ai vu quand je suis revenu ici [dans un lieu de mobilisation de AIDES en grande banlieue francilienne, ndlr], il y a quatre ans. J’avais l’impression que certains acteurs de santé n’avaient jamais entendu parler du Tasp. Je rencontrais des municipalités, des travailleurs sociaux qui découvraient tout cela. Et quand j’expliquais qu’il s’agissait d’un outil de prévention, on me disait : « Ça, on ne peut pas le dire ! » En plus, je n’avais pas l’autorité d’un médecin, celle que confère la blouse blanche… alors je venais avec des tas de données, de résultats d’études pour appuyer ce que j’expliquais. On connaît le slogan « Information = pouvoir », c’est vrai, mais encore faut-il l’avoir… l’information.

Quel est l’impact de l’objectif d’une fin de l’épidémie en 2030 ?

Un effet positif, cela a créé une dynamique. C’était re-mobilisateur pour les associations, les établissements commerciaux, la communauté gay, mais pas seulement. Un objectif est fixé. On a le sentiment qu’on peut y arriver, parce qu’il semble atteignable. Après, il faut que tout le monde s’y mette. Il faut augmenter le dépistage, mettre toutes les personnes diagnostiquées sous traitements, etc. Cet objectif est atteignable chez nous et dans les pays qui ont largement accès aux médicaments. Mais la fin de l’épidémie en 2030 dans le monde… faut pas rêver !

Comment vois-tu la lutte contre le sida en France ?

Il y a une réflexion à avoir. On entend que comme il y a toujours une épidémie, il faut toujours plus de moyens. Des associations ont peur de devoir se restructurer comme nous le faisons aujourd’hui. C’est-à-dire de devoir fermer des lieux parce qu’effectivement dans la Creuse ou dans la Nièvre l’épidémie n’est plus là et mettre ces moyens en Guyane ou en Île-de-France, par exemple. Ici, on galère pour pouvoir mener des actions. Aujourd’hui, on gère le quotidien. Il y a plein d’endroits où nous pourrions faire des actions vers les publics les plus exposés, les personnes qui sont le plus dans la cible pour faire baisser l’épidémie, mais à trois personnes, qu’est-ce qu’on peut faire de plus, de mieux ? J’ai l’impression qu’on gère l’épidémie. Il nous faut de nouvelles idées. Lorsque AIDES a mis en place le dépistage communautaire, cela a permis de mobiliser de nouveaux volontaires parce que c’était un outil concret, dont on voyait les résultats. Les entretiens avec les personnes, c’est le jour et la nuit, avant et après, la mise en place du dépistage communautaire. Avant les gens nous disaient : « Non ! Moi, je ne prends pas de risque. En revanche, lui, là-bas, il en prend ». Maintenant avec l’offre de dépistage, les gens viennent te voir justement parce qu’ils ont pris un risque. Et du coup, ce que je trouve fabuleux c’est que les gens te font confiance. C’est ce que j’admire le plus dans AIDES… on peut questionner les gens sur leur sexualité, sur leurs modes de consommation, et les gens te font confiance en cinq minutes et ils te racontent leurs vies. En plus, tu peux apporter des éléments d’informations, les accompagner dans leurs pratiques… Pour moi, c’est du luxe parce que nous avons le temps de le faire alors que les soignants n’ont pas le temps de parler de sexualité.

Qu’est-ce que la séropositivité a changé en toi ?

Cela a tout changé. C’est le truc classique, mais la vie est différente. Pendant longtemps, je me suis dit : « Combien de temps, je vais pouvoir vivre comme ça ? » Quand il y a eu la Covid-19, je me suis dit : « Putain, je suis pas mort du sida et si cela se trouve je vais claquer de la Covid ». J’étais angoissé lors du premier confinement. Je flippais à cause de ça. Je me disais tant pis, si cela arrive ! Cela m’a ramené à toutes ces histoires difficiles que j’avais connues avec le VIH. J’ai changé… mais je ne sais pas si c’est le sida ou si c’est AIDES. J’ai assez rarement rencontré des gens dans la population générale qui avaient eu peur quand je leur disais : je suis séropo. Et je l’ai souvent dit parmi mes amis, les gens que je rencontre au quotidien. De mon expérience, les gens n’ont pas peur. Les gens qui ont peur, ce sont surtout des partenaires sexuels… c’est pour cela que tu ne peux pas le dire. C’est embêtant. Ce sont des gens de ma communauté qui sont, pour moi, les plus excluants. Quand je suis arrivé à AIDES, quand j’ai appris qu’on distribuait des seringues, je trouvais cela fou… J’avais plutôt envie que les gens arrêtent de s’injecter. J’ai rencontré une usagère de drogues durant ma formation qui m’a expliqué son histoire ; cela m’a fait réfléchir, puis fait voir les choses différemment. J’ai fait beaucoup de rencontres de ce type : des travailleuses du sexe, des personnes migrantes, etc. Je me rappelle avoir entendu dans un événement de AIDES auquel j’ai participé des gens dire qu’ils voulaient se débarrasser de leur virus. Moi, j’expliquais que je voulais le garder, l’avoir toujours en moi, parce qu’il fait partie de moi. Sans le VIH, je ne sais pas si je serais devenu militant… peut-être dans le combat pour les droits des LGBT… C’est une des choses que j’ai appréciées dans AIDES : que la lutte ne se limite pas au seul VIH, mais à tout ce qui peut toucher à notre vie. Avec d’autres militants, j’ai travaillé sur plein de choses et pas seulement sur la maladie. C’est ce qui m’a plu dans l’association : le fait qu’il y ait plein de combats ! Mais, si je n’avais pas vécu la perte d’un proche et la maladie moi-même, je ne sais pas… J’aurais, peut-être, été un de ces imbéciles qui disent : « T’es clean ? ». Mais, à bien y réfléchir, je ne sais pas comment je réagirais aujourd’hui si j’étais séronégatif !

Propos recueillis par Jean-François Laforgerie

VIH prep

Source : L’Express MU

Paradoxe. D’un côté, le nombre de nouveaux séropositifs au VIH est en hausse. De l’autre, le traitement préventif PrEP est peu demandé. On fait le point.

Prophylaxie pré-exposition (PrEP). Ne vous arrêtez pas au nom barbare de ce médicament. Il s’agit d’un traitement préventif contre le VIH. Ce traitement est disponible à Maurice depuis 2018. Or, à ce jour, il y a très peu de demandeurs quoique les chiffres de nouveaux séropositifs soient en hausse. Pourquoi cette hésitation ?

Le ministre de la Santé avait été questionné au Parlement le 11 mai dernier et avait fait savoir que depuis le lancement, seulement 73 personnes se sont rendues dans les hôpitaux pour ces traitements. Deux hommes en 2018, 37 hommes et une femme en 2019, 27 hommes et trois personnes transgenres en 2020 ainsi que trois hommes jusqu’en février 2021. Depuis, cinq autres personnes transgenres se sont inscrites et le nombre total est passé à 78. En ce qui concerne les chiffres des nouvelles infections, le pays a recensé 368 nouveaux cas en 2017, 382 en 2018, 374 en 2019 et 238 cas de janvier à septembre 2020.

Pourquoi une telle hésitation ? Niloufer Khodabocus, coordinatrice de recherches à PILS, explique qu’il y a plusieurs facteurs à cela. Tout d’abord, une partie de la population à risque n’est pas consciente de sa situation, ce qui fait qu’il y a moins de précautions prises. De plus, le PrEP est un traitement préventif. «Donc, les gens sont face à un médicament qu’ils doivent prendre sans être malades», avance-t-elle. Cela n’inspire pas confiance.

Un autre problème est la stigmatisation. Le traitement est non seulement lié au VIH, mais est dispensé dans les centres où les séropositifs ont leurs soins. «C’est un énorme frein. Les gens, même conscients, n’osent pas s’y rendre par peur d’association. Il y a toute une éducation à faire», explique Niloufer Khodabocus. En sus de cela, une des populations cibles est la communauté des personnes transgenres qui, déjà, dans leurs vies quotidiennes, font face aux obstacles administratifs et n’ont pas la force d’en rajouter…

L’autre facteur qui a freiné le programme est le Covid-19. Avec le confinement et les restrictions sanitaires, les gens sortent moins et font moins de rencontres, et de ce fait, le risque diminue alors que ceux qui songeaient s’y inscrire ont remis leur démarche à plus tard pour les mêmes raisons.

Effets secondaires

Qu’en est-il des effets secondaires ? Selon Saarvesh Doorjean, Outreach Worker PILS, comme avec tous les médicaments, il y en a, mais ils sont extrêmement rares. Lui, qui s’occupe du pre-counselling des personnes qui souhaitent s’y inscrire, se fait néanmoins un devoir de les mettre au courant. «On parle d’un cas sur 1 000, mais je préviens quand même. Sinon, c’est le médecin qui le fera et cela fait encore plus peur.» Même avec une incidence aussi rare, il affirme qu’il y en a qui sont découragés.

Lors de sa réponse parlementaire, Kailesh Jagutpal avait déclaré que le PrEP protège à 99 % contre le virus du VIH. D’ailleurs, dans le monde, il n’y a que quatre cas d’infections qui ont été recensés et selon les données, la prise n’était pas faite correctement dans au moins l’un de ces cas. «Il faut aussi savoir que ce traitement ne dispense pas des autres moyens de prévention comme le préservatif, car la personne reste à risque des autres IST», prévient Saarvesh Doorjean. Du reste, dans plusieurs pays, le traitement PrEP a coïncidé avec une recrudescence de la syphilis. «Le PrEP reste un moyen de se protéger, cela ne veut pas dire qu’il faut abandonner le reste», martèle-t-il.

Est-ce que trois ans après, il y a espoir que le PrEP décolle finalement ? Niloufer Khodabocus n’en démord pas. «Oui. Il y aura des campagnes de communication et de sensibilisation. Les équipes suivent régulièrement des cours de mise à jour des connaissances justement pour être à jour lors du contact avec les intéressés et les patients.»

Lorsqu’une personne se met à ce traitement préventif, elle est d’office suivie par un médecin et a une analyse sanguine chaque six mois pour surveiller les fonctions des reins, du foie et du cœur. «Il y a aussi des conseils qu’on prodigue. Par exemple, dépendant de la personne, il se peut que le médecin lui conseille de ne pas dépasser trois ans de traitement. Le suivi et l’accompagnement se font vraiment au cas par cas, selon la constitution de la personne», relève Saarvesh Dooejean.

Quid du coût ? Au Parlement, le Dr Kailesh Jagutpal avait déclaré que le traitement préventif coûte Rs 7 994 par patient par an. Le chiffre inclut le prix des analyses sanguines et des cachets à prendre tous les jours. Cependant, il y a aussi la possibilité de prendre le traitement ponctuellement.

homophobie VIH

Source : Jeune Afrique

Quarante ans après l’identification des premiers cas de VIH/sida, au Cameroun, la persécution des minorités sexuelles empêche de progresser significativement dans le combat contre ce fléau.

Je me bats depuis plusieurs années pour les droits des minorités sexuelles et de genre, et pour un monde sans sida. Dans mon pays, le Cameroun, des forces dites « de sécurité » peuvent arrêter et tabasser les personnes issues des minorités sexuelles et de genre en toute impunité, et des juges supposés sages et vertueux n’ont aucun problème à condamner deux femmes transgenres à cinq ans de prison pour « tentative d’homosexualité ». Mon combat n’est pas celui d’un Camerounais ou d’un Africain, il est celui d’un jeune citoyen du monde atterré par la violence inouïe que subissent chaque jour, sur chaque continent, des millions de personnes dont le seul crime est d’exister ou de ne pas se reconnaître dans le système binaire homme/femme.

Litanie de violences

En 2021, les personnes LGBT sont encore et toujours considérées comme des pestiférées dans de nombreuses sociétés. Au cœur de l’Europe, en Hongrie, un texte discriminatoire visant cette communauté a été adopté en dépit des protestations de Bruxelles et de nombreux États membres. Au Ghana, un projet de loi pénalisant les personnes LGBT et toute personne qui prône la défense de leurs droits a été déposé. Au Sénégal, une manifestation appelant à requalifier l’homosexualité – déjà considérée comme un délit – en crime a donné libre cours à un torrent de haine. Au Guatemala, deux femmes transgenres et un homosexuel ont été assassinés à quelques jours d’intervalle. En Belgique, un quadragénaire homosexuel a été battu à mort dans un parc… La litanie des violences est sans fin.

La pandémie de Covid-19 a aggravé la situation, déjà précaire et fragile, de ces communautés

Ces exactions sont autant le fait d’individus isolés que des autorités, les premiers profitant souvent de la complicité passive ou active des secondes. À ce jour, d’après le rapport de l’association Ilga, 69 pays dans le monde pénalisent les relations homosexuelles entre adultes consentants.

La pandémie de Covid-19 a aggravé la situation, déjà précaire et fragile, de ces communautés. Des Amériques à l’Afrique, de l’Europe à l’Océanie, les confinements répétés ont accentué leur isolement et leur marginalisation. La désinformation galopante les a fait passer pour des vecteurs de maladie. Dans les régimes autoritaires, le renforcement des mesures de police et de surveillance a permis de justifier leur persécution.

Risque accru

En Afrique comme ailleurs, les phénomènes religieux, les superstitions, les valeurs patriarcales et ancestrales cristallisent les fantasmes autour des minorités sexuelles et de genre, les désignant comme la cause de tous les maux. À grand renfort de prêches, on déclare que ces personnes sont abjectes. Les coups pleuvent sur les corps, mais ce sont les âmes qu’ils finissent par atteindre au plus profond. Cette vulnérabilité psycho-sociale plonge les victimes dans un abîme de détresse. La souffrance qui résulte de l’exclusion est immense.à lire [Tribune] Sida : en finir avec les inégalités

Au-delà de leur impact psycho-social sur les personnes, la marginalisation, la stigmatisation et la criminalisation des minorités sexuelles et de genre empêchent de progresser plus vite vers l’élimination du sida, qui touche de manière disproportionnée les groupes les plus vulnérables. D’après Onusida, le risque de contracter le VIH est 25 fois plus élevé pour les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, et 34 fois plus élevé chez les femmes transgenres. Les sociétés qui contraignent ces groupes de personnes à vivre dans l’ombre empêchent ou limitent de fait leur accès aux soins et services de santé essentiels.

Les agents de santé deviennent victimes de l’opprobre parce qu’ils essaient de vaincre le sida là où il se trouve

Pis encore, les agents de santé communautaires et pairs éducateurs, éléments indispensables du système de santé qui apportent soins, écoute et conseils aux plus vulnérables, deviennent à leur tour victimes de l’opprobre tout simplement parce qu’ils essaient de vaincre le sida là où il se trouve. Tant que ces visions et attitudes discriminatoires perdureront, nous ne pourrons faire de progrès décisifs contre le sida, ni contre la tuberculose, qui constitue la première cause de mortalité pour les personnes vivant avec le VIH.

Inverser la logique répressive

Face à ce tableau terrible, une seule solution : l’éducation. Nous devons permettre l’accès de tous à la connaissance, et enseigner la tolérance. Au tout début de mon engagement, j’ai dû moi-même apprendre à ne plus avoir peur des différences, de ma différence, ni que mon engagement en faveur des minorités sexuelles et de genre puisse nuire à ma santé physique et mentale. Je taxais les personnes transgenres d’ « efféminées » ou de « viragos », de « personnes particulièrement excessives qui, par leur excentricité, s’exposent à la violence et à une mort certaine »… Je ne savais pas que leur comportement social était la conjugaison d’histoires de rejet : rejet et l’incompréhension de soi, rejet familial. Je croyais ce que j’entendais autour de moi : l’homosexualité est la « chose des blancs », l’appel à respecter les minorités sexuelles est une « lubie occidentale »…

C’est aux dirigeants qu’il incombe de créer un cadre propice au savoir et à la tolérance

L’accès à l’éducation m’a permis de m’élever au-dessus de ce magma d’inepties et d’idées reçues. En m’engageant ensuite comme agent de santé communautaire avec le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, j’ai pu développer mes savoirs, notamment sur les questions d’identité de genre, les obstacles aux services de santé liés aux droits humains, l’impact du non-respect des droits sur la transmission du VIH et les techniques de résilience pour maintenir l’action de prévention et de prise en charge du VIH en contexte hostile.

Je ne crois pas que les populations puissent être tenues pour responsables de leur ignorance. C’est aux dirigeants qu’il incombe de créer un cadre propice au savoir et à la tolérance. C’est aussi à eux qu’il revient d’inverser la logique répressive : ce ne sont évidemment pas les minorités sexuelles qu’il faut sanctionner, mais bien les auteurs et promoteurs d’actes haineux à leur encontre. Face à ces violences subies au quotidien, l’inaction des décideurs est lâche et coupable dans un monde qui a profondément besoin de paix.

Lueurs d’espoir

Ces dernières années, le Botswana, l’Angola, le Mozambique, le Gabon et les Seychelles ont dépénalisé les relations entre personnes de même sexe, rejoignant le Lesotho et l’Afrique du Sud. Ces évolutions positives sont la preuve que la volonté politique permet de faire progresser un pays vers plus de justice et d’équité. Les progrès ne se limitent pas au continent africain. L’Argentine a instauré un quota de personnes transgenres dans le service public. Aux États-Unis, le président Biden a signé un décret qui engage le pays à utiliser la diplomatie et l’aide au développement pour promouvoir et protéger les droits des personnes LGBT partout dans le monde. En Europe, le Parlement européen a voté une résolution visant à accélérer la lutte contre le sida dans laquelle il appelle la Commission et les États membres de l’Union à « s’attaquer aux violations des droits de l’homme et aux inégalités entre les hommes et les femmes, qui sont des moteurs du VIH/sida, en luttant en priorité contre la stigmatisation et la discrimination, contre la violence sexuelle et de genre, contre la criminalisation des relations homosexuelles ».à lire [Tribune] Dépénalisation de l’homosexualité au Gabon : et si on en parlait ?

Ces engagements forts pour la défense des droits des minorités sexuelles et de genre doivent être salués. De manière tacite ou explicite, ils reconnaissent que la discrimination et la stigmatisation de ces dernières ont un impact direct et désastreux sur la santé publique et nourrissent l’épidémie du VIH. Ils indiquent aussi qu’une approche centrée sur le respect des droits humains est indispensable pour venir à bout des épidémies, en particulier celle du VIH/sida, qui sévit depuis quarante ans.

Pour nous et pour les générations futures, j’appelle les autorités publiques, la société civile et les organisations internationales à poursuivre et accentuer ensemble la lutte pour un monde meilleur, plus juste, plus libre, et enfin débarrassé du sida.

onusida migrations

Source : SERONET

Du fait des évolutions climatiques, de conflits armés et désormais de la crise de la Covid-19, de plus en plus de personnes sont contraintes de quitter leurs pays. Les déplacements « forcés » sont de plus en plus importants et le nombre de personnes concernées ne cesse d’augmenter. Ces personnes et groupes, notamment lorsqu’ils-elles vivent avec le VIH, sont un sujet d’inquiétude pour l’Onusida.

Dans un communiqué (fin juin), l’institution onusienne et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) ont ainsi demandé à ce que « les personnes séropositives en situation de déplacement [puissent, ndlr] avoir accès aux vaccins contre la Covid-19 ». « Les personnes en situation de déplacement sont souvent plus vulnérables aux maladies, notamment à la Covid-19 et au VIH. En outre, les personnes vivant avec le VIH et/ou touchées par le virus et les populations migrantes sont souvent victimes d’inégalités importantes. Ces populations sont régulièrement confrontées à des risques pour leur santé en raison de processus de migration parfois périlleux, de conditions de vie inférieures à la moyenne, de conditions de travail dangereuses, d’un manque général d’informations, ainsi qu’à cause de la stigmatisation, de la discrimination et de l’isolement », indiquent les deux organisations dans un communiqué commun.

Par ailleurs, les populations migrantes et les personnes déplacées sont également confrontées à un grand nombre d’obstacles administratifs, financiers, géographiques, sociaux et culturels lorsqu’il s’agit d’accéder régulièrement ou de manière ininterrompue à des soins de santé en traversant des frontières, y compris l’accès aux traitements contre le VIH. Et le communiqué de pointer qu’au cours de la pandémie, dans un contexte d’augmentation de la xénophobie et de la discrimination, certaines personnes migrantes vivant avec le VIH se sont « retrouvées confrontées à une triple stigmatisation liée à un dépistage positif pour la Covid-19, un statut sérologique positif et au fait d’être migrantes, tout cela nuisant souvent gravement à leur santé mentale ». « Pour de nombreuses personnes migrantes et déplacées vivant avec le VIH (…) ou risquant de contracter le VIH, le risque d’exposition a augmenté tandis que la disponibilité des services de lutte contre le VIH a reculé », souligne le communiqué. « Pour mettre fin aux inégalités et remettre la riposte mondiale au VIH en adéquation avec l’objectif 2030 de mettre fin au sida comme menace de santé publique, nous devons agir immédiatement pour réduire les inégalités rencontrées par les migrantes et migrants, et par les populations mobiles, notamment en offrant un accès complet aux services de prévention et de traitement du VIH et aux vaccins contre la COVID-19 », a affirmé Winnie Byanyima, directrice exécutive de l’Onusida.

Un rapport sur l’évolution des services de lutte contre le VIH pour les populations migrantes et mobiles, ainsi que pour les personnes réfugiées et les populations touchées par des crises sera prochainement publié. En juin dernier, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la Déclaration politique 2021 sur le VIH/sida, qui mentionne spécifiquement les populations migrantes, réfugiées et déplacées à l’intérieur d’un pays, et engage les gouvernements à veiller à ce que « 95 % des personnes séropositives, exposées au VIH et touchées par le virus soient protégées contre les pandémies, y compris la Covid-19 ».

VIH enfants traitements

Source : SERONET

Un nouveau rapport révèle de fortes disparités dans l’accès aux services de prévention et de traitement du VIH pour les enfants et les adolescents. Plusieurs structures appellent à agir de toute urgence. Explications.

La fin de l’épidémie reste un objectif, mais certains chiffres montrent bien que nous sommes encore loin du compte. Dans le monde, en 2020, près de la moitié (46 %) des 1,7 million d’enfants séropositifs n’étaient pas sous traitement et 150 000 nouvelles infections au VIH ont été enregistrées chez les enfants, soit quatre fois plus que l’objectif de 40 000 nouvelles contaminations pour 2020. Ces chiffres proviennent d’un récent rapport réalisé par l’initiative Start Free, Stay Free, AIDS Free, l’Onusida et ses partenaires (1). Dans ce document publié fin juillet, ces structures avertissent que les progrès en direction de « l’éradication du sida chez les enfants, les adolescentes et les jeunes femmes » sont « en retard », et qu’aucun des objectifs pour 2020 n’a été atteint. Fait grave : le rapport montre que le nombre total d’enfants sous traitement a diminué pour la première fois, alors même que près de 800 000 enfants vivant avec le VIH ne sont pas actuellement sous traitement. Facteur aggravant, le rapport avance que des « opportunités d’identifier les nourrissons et les jeunes enfants séropositifs à un stade précoce ne sont pas saisies ». Ainsi, plus d’un tiers des enfants nés-es de mères vivant avec le VIH n’ont pas été dépistés-es. En l’absence de traitement, environ 50 % des enfants vivant avec le VIH décèdent avant d’avoir deux ans. « Il y a une vingtaine d’années, les initiatives destinées aux familles et aux enfants visant à empêcher la transmission verticale [de la mère à l’enfant, ndlr] et à mettre fin à la mortalité infantile due au sida ont vraiment été à l’origine ce qui est devenu notre riposte mondiale au sida. Cela était dû à l’activation sans précédent de tous les partenaires, mais malgré de premiers progrès spectaculaires et en dépit d’un nombre d’outils et de connaissances jamais atteint auparavant, les enfants accusent un fort retard derrière les adultes et par rapport à nos objectifs », a expliqué Shannon Hader, directrice exécutive adjointe de l’Onusida. Et le rapport d’expliquer : « Les inégalités sont frappantes : les enfants ont près de 40 % moins de chances qu’un adulte de recevoir un traitement vital (54 % des enfants contre 74 % des adultes) et sont surreprésentés-es dans les chiffres de la mortalité liée au sida (les enfants représentent 5 % seulement des personnes séropositives, mais 15 % des décès liés au sida). Il s’agit ici du droit des enfants à la santé et à une vie saine, de leur valeur au sein de nos sociétés.  Il est temps de redoubler d’efforts sur tous les fronts. Nous avons besoin de leadership, de militantisme et d’investissements pour rendre justice aux enfants. »

Fortes disparités observées quant à la part des enfants séropositifs

Start Free, Stay Free, Aids Free est un plan quinquennal lancé en 2015. Son objectif est « d’agir extrêmement rapidement pour s’assurer que chaque enfant commence sa vie sans le VIH, et ce, jusqu’à l’adolescence, et que chaque enfant et adolescent-e vivant avec le VIH ait accès à un traitement antirétroviral ». Cette stratégie met principalement l’accent sur 23 pays, dont 21 en Afrique, qui représentaient 83 % des femmes enceintes vivant avec le VIH, 80 % des enfants vivant avec le VIH et 78 % des jeunes femmes âgées de 15 à 24 ans nouvellement infectées par le VIH dans le monde. Bien que les objectifs 2020 n’aient pas été atteints, les 21 pays d’Afrique ciblés ont réalisé des progrès plus importants que les pays non ciblés. Reste que de fortes disparités ont été observées d’un pays à l’autre et ces pays continuent de supporter le fardeau de l’épidémie : onze pays représentent près de 70 % des enfants séropositifs ne recevant pas de traitement anti-VIH. Entre 2015 et 2020, les nouvelles infections au VIH chez les enfants ont reculé de 24 % dans les pays prioritaires par rapport à une baisse de 20 % dans le monde. Ces pays ont également atteint une couverture de traitement de 89 % chez les femmes enceintes vivant avec le VIH, contre 85 % dans le monde. C’est certes ne progrès, mais le chiffre reste toujours en deçà de l’objectif de 95 %. Et on ne parle là que de tendances globales car les chiffres varient énormément d’un pays à l’autre. Le Botswana, par exemple, a atteint une couverture du traitement de 100 % contre 39 % seulement en République démocratique du Congo (RDC).

Comme c’est souvent le cas, ce rapport est à considérer comme un appel à agir et éviter toute autosatisfaction. C’est une invitation insistante à « combler le retard actuel ». Le rapport souligne trois actions nécessaires pour mettre fin aux nouvelles infections au VIH chez les enfants dans les pays ciblés. Premièrement, faire en sorte que le dépistage et le traitement atteignent les femmes enceintes le plus tôt possible. Un chiffre donne une idée de l’enjeu : 66 000 nouvelles infections au VIH ont été recensées chez les enfants, car leurs mères n’avaient pas reçu de traitement pendant la grossesse ou l’allaitement.

Le rapport recommande « d’assurer la continuité du traitement et de la suppression de la charge virale pendant la grossesse, l’allaitement et à vie. Le rapport indique que 38 000 enfants ont été nouvellement infectés par le VIH parce que la prise en charge de leur mère a été interrompue pendant la grossesse et l’allaitement. Le document recommande de prévenir les nouvelles infections au VIH chez les femmes enceintes et allaitantes : 35 000 nouvelles infections chez les enfants sont survenues parce qu’une femme a été contaminée par le VIH pendant la grossesse ou l’allaitement.

La crise sanitaire a perturbé l’accès au services éducatifs et de santé sexuelle

Ce n’est pas le moindre des paradoxes : de réels progrès sont réalisés dans la prévention de l’infection au VIH chez les adolescentes et les jeunes femmes, mais ils demeurent insuffisants. Dans les pays ciblés, le nombre d’adolescentes et de jeunes femmes qui contractent le VIH a diminué de 27 % entre 2015 et 2020. Cependant, le nombre d’adolescentes et de jeunes femmes infectées par le VIH dans les 21 pays ciblés atteignait 200 000, soit deux fois l’objectif mondial pour 2020 (100 000), note le rapport. La crise sanitaire actuelle a eu un impact. La survenue de la Covid-19 et la fermeture des écoles perturbent de nombreux services éducatifs et de santé sexuelle et reproductive pour les adolescentes et les jeunes femmes. C’est donc un défi supplémentaire qui se profile dans un combat, la fin du VIH en 2030, qui n’en manque pourtant pas.

« Il est clair que mettre fin à la transmission de la mère à l’enfant nécessite des approches innovantes qui soutiennent les femmes tout au long de leur vie, y compris par le biais d’efforts renforcés de prévention primaire, tels que la prophylaxie pré-exposition (Prep), l’accès à une prise en charge reproductive complète et en accordant davantage d’attention aux adolescentes et aux jeunes femmes. Le rapport Start Free, Stay Free, AIDS Free inclut de nouveaux objectifs pour 2025 qui, s’ils sont atteints, ouvriront une nouvelle page de la prévention et du traitement du VIH pour les femmes, les enfants et les familles. Ce n’est pas le moment de se reposer sur nos lauriers, mais plutôt de redoubler les investissements pour réduire et éliminer la transmission de la mère à l’enfant », a précisé Chip Lyons, président et directeur général de l’Elizabeth Glaser Pediatric AIDS Foundation, un des partenaires de l’Onusida.

(1) : Le Plan d’urgence du Président des États-Unis pour la lutte contre le sida, l’ONUSIDA, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance et l’Organisation mondiale de la Santé, avec le soutien de l’Elizabeth Glaser Pediatric AIDS Foundation.

exposition VIH

Source : Actions Traitements

Une exposition internationale d’artistes vivant avec le VIH

Bien que la science ait fait de grands progrès, la discrimination à l’égard des personnes vivant avec le VIH est restée. La peur et les préjugés sont profondément enracinés dans les gens, sans raison valable. Cependant, certaines personnes séropositives se stigmatisent elles-mêmes et beaucoup ne peuvent, à cause de la pression publique, se dire séropositifs.

ArtPositive est un projet artistique, dont le point culminant est une exposition internationale d’artistes visuels vivant avec le VIH. L’objectif de cette initiative est de combattre, à travers l’art, la stigmatisation, la discrimination et l’isolement des personnes vivant avec le virus.

Nous sommes des artistes séropositifs de différents pays et nous voulons dire NON à la stigmatisation liée au VIH ! Nous voulons montrer par notre création artistique exposée dans une galerie d’art haut de gamme, située dans l’épicentre artistique de Paris, le quartier Saint-Germain-des-Prés, que nous sommes des gens et des artistes comme tous les autres dans le monde.

Le virus dans le sang est apparemment plus facile à éliminer que le stigma dans l’esprit.
Nous voulons que les gens sachent que tout le monde a les mêmes droits, devoirs et capacités avec ou sans VIH.

Les artistes :
– Adrienne Seed, Manchester, UK,
– Bore Ivanoff, Paris, France / Bulgaria,
– Nacho Hernandez Alvarez, Barcelona, Spain,
– Philipp Spiegel, Wien / Austria.

80, rue Bonaparte, 75006, Paris | + 33 (0)1 43 29 08 90 | contact@galeriemdh.fr | www.galeriemdh.fr
En partenariat avec, Elus Locaux Contre le SIDA, Forum Culturel Autrichien, EACS (European AIDS Clinical Society) Brussels, VISUAL AIDS NY

prévention VIH sida

Source : France 3 Corse

Depuis le 5 juillet, l’association de lutte contre le SIDA a commencé sa campagne de prévention estivale. Cette année, Aiutu Corsu l’a réalisé sur internet avec pour objectif : cibler la jeunesse qui méconnaît encore trop la maladie. En France, près de 6 000 contaminations sont détectées chaque année. • 

« Quand on s’aime, on se protège ». C’est le slogan de prévention affiché par Aiutu corsu. Comme chaque année, l’association de lutte contre le SIDA, a déployé depuis le mois de juillet sa campagne estivale à travers toute la Corse.

Cibler les jeunes

Depuis plusieurs années, les élèves du lycée professionnel de Finosello à Ajaccio participent à un concours de réalisation d’affiche. Pour leurs travaux, les élèves se sont inspirés de l’artiste Arthur Aeschbacher pour créer une affiche avec un visuel simple et percutant.

Grâce à ce concours, l’objectif est double. D’abord enrichir le travail de prévention réalisé auprès des jeunes toute l’année. « Il y a un manque d’interaction cruel avec les 15/25 ans. C’est aussi un public qui n’a plus peur du SIDA», s’inquiète Xavier Renucci, responsable de prévention chez Aiutu Corsu.

Alors c’est notamment chez les jeunes que l’association souhaite sensibiliser grâce à sa campagne. Pour ce faire, l’arme est simple: une campagne créée par des lycéens à destination des moins de 25 ans. « L’idée est de leur permettre de se saisir de cette campagne pour qu’ils puissent y apporter leur vision, ajoute Xavier Renucci. En communiquant avec leurs propres codes, on espère pouvoir mieux les atteindre. ».

Communiquer d’une nouvelle façon

Chaque année, l’association affiche sa prévention sur les différents points clé de l’île. Abris bus, panneaux d’affichages publics ou publicitaires. Mais cette fois-ci, quid de ces moyens de communication traditionnels et situation épidémique oblige, l’association n’a pas eu la possibilité de réaliser autant de prévention que souhaitée, notamment dans les collèges et lycées.

Pour s’adapter, il a fallu innover et réaliser une campagne numérique et moderne. « Nous avons décidé de s’implanter beaucoup plus sur internet et les réseaux sociaux. Puisque nous voulons intéresser les jeunes, il faut aller les chercher où ils sont », explique Xavier Renucci. Alors la campagne estivale se numérise sur Facebook et Instagram. « Et on est plutôt content ! On a touché plus de 220 000 personnes sur ces réseaux ! », se félicite le responsable prévention de Aiutu Corsu.

D’autant plus satisfaisant que les autres actions de sensibilisations de terrain ne sont pas au rendez-vous. Avec la nouvelle montée de l’épidémie, il est difficile d’organiser des événements et actions pour aller à la rencontre du public.

« Le VIH/SIDA existe toujours. »

38 millions. C’est le nombre de personnes qui vivent avec le virus du VIH dans le monde. Alors pour prévenir des contaminations, Aiutu Corsu met un point d’honneur à continuer les actions de prévention. Alerter et lutter contre les idées reçues notamment chez les jeunes.

Pour le responsable de la prévention chez Aiutu Corsu, il est important de rappeler en permanence que « le VIH/SIDA existe toujours ». En France, près de 6 000 contaminations sont détectées chaque année.

lutte contre le sida

Source : SERONET

C’est dans son lumineux appartement parisien, situé à quelques minutes à pied de l’hôpital de la Pitié Salpêtrière, que me reçoit la docteure Anne Simon. « Je prépare mon discours pour mon pot de départ qui aura lieu demain alors notre entretien tombe à pic », me confie celle qui a consacré 35 années de sa vie et sa carrière à la lutte contre le VIH/sida.

En quelle année avez-vous commencé à suivre des personnes séropositives en tant qu’infectiologue et comment avez-vous vécu la période 1981-1996 ?

Anne Simon : J’ai commencé en 1986 comme cheffe de clinique en médecine interne à la Pitié Salpêtrière où j’ai effectué toute ma carrière. Je venais de cardiologie et je ne connaissais pas grand-chose au VIH. Cette période fut très particulière. J’ai vécu beaucoup de changements à la fois sur le plan de ma vie personnelle, mais aussi d’un point de vue médical et scientifique. Le VIH/sida a tout changé de la relation médecin-patient, entre autres grâce aux associations avec lesquelles on a travaillé et avancé ensemble. Les associations nous ont bousculés et challengés en permanence pour faire bouger les lignes. Je me souviens, par exemple, qu’on avait monté une consultation VIH qui allait jusqu’à 20 heures, ce qui, à l’assistance publique en 1988, était du jamais vu. Et puis, bien sûr, une tristesse infinie de voir des patients mourir, en particulier les plus jeunes. À l’époque, on notait tous nos rendez-vous sur des calepins papiers et c’était terrible de voir les noms des patients disparaitre les uns après les autres. Heureusement, il y avait beaucoup d’entraide et des groupes de paroles non seulement pour les patients, mais aussi pour les soignants. Et puis je me suis lancée dans la recherche clinique en participant à des essais ANRS sur des traitements. Tout était nouveau et tout était à construire face à ce virus.

Pourquoi avez-vous décidé de vous impliquer dans la lutte contre le sida à la fois en tant que clinicienne et aussi dans des sociétés savantes comme la SFLS (Société française de lutte contre le sida) et le milieu associatif ?

C’est venu par étapes. Je suis arrivée en médecine interne et en bon petit soldat, j’ai appris et travaillé dur. Ce qui m’a marquée dès le départ avec le VIH c’est qu’il y avait moins ce lien descendant du sachant au patient et ça me correspondait beaucoup plus. Je me souviens d’un de mes premiers patients qui était arrivé avec le New England que moi-même je n’avais pas lue. J’ai aimé être challengée. Ce challenge s’est aussi exprimé avec les associations. En ce qui concerne la SFLS, j’ai adhéré à la vision d’Éric Billaud [médecin VIH et président Corevih Pays de la Loire, ndlr] sur une société savante qui lie à la fois les professionnels de santé et le milieu associatif, puis j’ai été présidente de 2014 à 2018. En parallèle, j’ai aussi été présidente de l’association Les Petits Bonheurs. Aujourd’hui, je suis à la retraite, mais j’ai récemment rejoint le conseil d’administration d’Actions Traitements.

Quelles sont les échecs et succès thérapeutiques qui vous ont le plus marquée dans votre parcours de clinicienne ?

L’AZT a été une vraie déception. On avait participé au premier protocole et on avait fondé beaucoup d’espoir sur ce traitement. Non seulement, il n’était pas efficace, mais en plus il causait beaucoup d’effets indésirables chez nos patients. La vraie révolution est arrivée en 1996 avec les anti-protéases après dix années sans traitement efficace. Je me souviens avoir entendu parler pour la première fois de ces nouvelles molécules lors de la conférence sur le sida à Yokohama en 1994 et deux ans plus tard on prescrivait ces anti-protéases à nos patients qui ont repris vie sous nos yeux. Une période extraordinaire à vivre. Et puis la seconde révolution fut l’arrivée des anti-intégrases avec beaucoup moins d’effets indésirables.

Les premières trithérapies ont causé des effets indésirables comme la lipodystrophie et l’effet « joues creuses ». En tant que clinicienne, comment avez-vous accompagné le difficile équilibre entre l’efficacité des traitements et les effets indésirables ?

On était malheureux, mais on n’avait pas le choix. C’était le seul traitement efficace. Quand les patients étaient en stade sida, la question ne se posait pas, il fallait les sauver. Mais ensuite, quand les antiprotéases sont arrivées en plus grande quantité, on s’est parfois senti coupable de les avoir prescrits à des patients qui avaient des CD4 stables à cause des diarrhées ou de la lipodystrophie. Ces effets indésirables, nous les avons découverts en même temps que nos patients. La communauté médicale, scientifique et associative était soudée pour y faire face. Heureusement, très rapidement on a répondu par la recherche et on a proposé le New Fill pour le visage, puis de nouvelles molécules avec moins d’effets indésirables.

Comment avez-vous vécu l’arrivée du Tasp en 2008 ? La France a-t-elle était trop prudente pour diffuser le message I = I ?

Je dois avouer que l’avis Suisse a eu un accueil mitigé. Depuis les années 80, on avait martelé auprès de nos patients que seul le préservatif protégeait du VIH, c’était déstabilisant à la fois pour les soignants, mais aussi pour certains patients qui refusaient d’y croire. Et puis, il y avait un manque de données scientifiques au départ ; et du coup : une certaine forme de prudence. Ce qui a vraiment fait bouger les lignes, ce sont les résultats de l’étude HPTN 052. À partir de ce moment-là, j’ai demandé à mon équipe d’avoir un discours clair sur l’efficacité du traitement comme prévention même si, au final, c’est à la personne de décider si oui ou non elle conserve le préservatif ; chacun fait comme il veut et comme il peut. Certains patients avaient encore une peur maladive de transmettre le VIH. On a beaucoup parlé de ces personnes séropositives qui voudraient contaminer d’autres personnes par vengeance, mais cela relève plus d’une légende urbaine que de la réalité. Avec le temps, le message a fait son chemin et notamment auprès de mes patientes africaines qui ont compris que bien prendre leur traitement leur permettrait d’avoir des enfants sans risque de transmission de la mère à l’enfant. Malheureusement, le message n’est pas du tout connu dans la population générale. Je pense qu’il faudrait l’intégrer dès le collège dans le cadre de l’éducation à la santé sexuelle.

Les experts-es estiment que d’ici 2030, il y aura 17 000 personnes vivant avec le VIH de plus de 75 ans en France », quels sont les enjeux pour que ces personnes vieillissent le mieux possible ?

Le Rapport Morlat a bien mis l’accent sur l’importance de la prise en charge globale des personnes vivant avec le VIH et notamment les bilans annuels et le suivi des comorbidités. J’ai animé plusieurs ateliers chez Actions Traitements sur l’importance de la santé individuelle. D’ailleurs, une étude suisse récente avait montré que les gays séropositifs CSP+ [catégories socio-professionnelles les plus favorisées, ndlr] avaient un suivi en santé globale si efficace qu’ils avaient une espérance de vie rejoignant celle des gays séronégatifs. Bien sûr, on ne peut pas généraliser à toutes les personnes séropositives, il y a des facteurs de genre, d’ancienneté de traitements ou encore d’origine sociale et ethnique qui comptent. Pour en revenir aux personnes qui vieillissent avec le VIH, je pense qu’il y a un gros travail de formation à faire dans les Ephad où la peur et la méconnaissance du VIH sont encore très présentes. De façon plus générale, je suis toujours choquée qu’en 2021 le Tasp ne soit toujours pas connu de certains médecins ou dentistes. Il y a aussi quelque chose qui me met en colère, c’est la question : « Comment avez-vous contracté le VIH » qui est encore trop souvent posée aux personnes séropositives par certains soignants. Cette question intrusive n’a aucun intérêt, on s’en fout !

L’allègement thérapeutique et le traitement « à la carte » sont des enjeux majeurs, comment avez-vous abordé ces questions avec vos patients-es ?

Mon service a participé à l’essai Quatuor (1) donc le sujet est venu naturellement. Il a fallu expliquer aussi à ceux qui voulaient y participer, mais qui n’étaient pas dans les critères d’inclusion. Comme d’habitude avec le VIH, tout s’est fait dans le dialogue médecin-patient et en lien avec la recherche clinique. On apprend ensemble et on avance ensemble. Il faut faire attention aussi à ne pas forcer la main à certains patients qui sont installés dans une routine thérapeutique depuis des années qui fonctionne bien et pour lesquels l’allègement thérapeutique pourrait être source de stress et d’angoisse. Certains de mes patients ont accepté presque pour me faire plaisir mais se sont retrouvés paniqués à l’idée de voir leur charge virale remonter. Le dialogue et la pédagogie sont essentiels dans l’allègement thérapeutique.

Que reste-t-il à trouver en matière d’accès aux traitements, de nouvelles classes de molécules, de progrès dans la prise en charge pour les années à venir ?

La prochaine révolution, ce sont les traitements injectables tous les deux mois qui vont arriver à la fin de l’année en France, mais, là encore, pas pour tout le monde. De nouvelles classes de molécules sont en cours d’études. Il y a aussi des essais d’immunothérapie avec les anticorps neutralisants. Et puis la recherche dans le cancer est en train de faire des progrès formidables et je pense que cela va bénéficier à la recherche VIH. Citons également Trogarzo (ibalizumab) qui fait des miracles chez les personnes qui ont développé des VIH multi-résistants. Aujourd’hui, il y a une solution thérapeutique pour tous et aucune raison de voir des personnes décéder en stade sida en France. Dans mon service, les décès liés au sida étaient très rares, peut-être un tous les deux ans. Des personnes très isolées avec des problèmes d’addiction et/ou de santé mentale. C’était d’ailleurs très difficile à vivre en tant que soignant, ça nous renvoyait aux années les plus dures de l’épidémie.

En quoi votre expérience dans la lutte contre le sida a fait de vous une soignante différente ?

J’aurais dû faire carrière dans la cardiologie et puis je me suis retrouvée au cœur de cette épidémie avec ce virus inconnu. J’ai rencontré des personnes formidables qui m’ont complètement changée professionnellement et humainement. J’étais une petite « bourgeoise de province » et je me suis retrouvée à soigner des populations dont je ne connaissais rien, des homosexuels, des migrants, des toxicomanes, etc. Je me souviens de ma toute première annonce de séropositivité. Le patient est revenu une semaine après en me disant : « Vous m’avez annoncé ça comme une patate, mais vous étiez tellement charmante, tellement adorable que je suis revenu ». Je n’avais pas su trouver les bons mots la première fois, mais avec le temps je suis devenue dans le service LA référence de l’annonce des mauvaises nouvelles. J’ai appris grâce aux retours de mes patients, mais aussi grâce aux groupes de paroles pour soignants notamment avec une psychanalyste brillante qui m’a appris à gérer mes émotions et mes frustrations et appris à me taire pour laisser le patient entendre les mauvaises nouvelles. Le fait de me retrouver confrontée aux décès de personnes jeunes, parfois de mon âge, les premières années a également profondément changé mon rapport à la vie, mon rapport à mon entourage jusqu’à l’éducation de mes enfants. Je me souviens de cette maman toxicomane qui avait mon âge et que j’ai accompagnée jusqu’à la fin. Ce sont des moments de vie très marquants. La lutte contre le sida a tout changé dans ma vie.

Propos recueillis par Fred Lebreton

(1) : L’essai ANRS Quatuor a montré l’efficacité d’une stratégie d’allègement thérapeutique d’une trithérapie prise quatre jours consécutifs par semaine en comparaison avec une prise classique sept jours par semaine. 

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greffe solidaire

Source : TRT-5 CHV

Le 15 juillet dernier, le ministère des Solidarités et de la Santé a annoncé la publication de l’arrêté autorisant le prélèvement et la greffe d’organes entre donneur.e.s et receveur.e.s vivant avec le VIH. La publication intervient après plus de 5 années de plaidoyer de la part des collectifs CHV (Colle ctif Hépatites Virales) et TRT-5, devenus depuis 2019 un seul et même collectif.

En 2018, près de 24 000 personnes étaient en attente d’une greffe d’organe quand moins de 6 000 transplantations étaient réalisées[i]. Chaque année, plus de 500 personnes décèdent en attente d’une greffe. Faut-il le répéter, la principale cause d’échec de la transplantation résulte de l’absence de greffe faute d’organe disponible. Pourtant, un seul donneur permet en moyenne de sauver la vie de trois personnes.

Pour lutter contre la pénurie de greffons, le gouvernement s’est engagé dans son Plan Greffe 2017-2022 à diversifier les prélèvements à partir de donneurs décédés et à renforcer le prélèvement et la greffe à partir de donneurs vivants. C’est dans ce cadre qu’interviennent la publication de l’arrêté du 5 juillet. Déjà possible pour les donneurs porteurs d’anticorps anti-VHB ou anti-VHC depuis 2015, l’autorisation de la greffe solidaire entre personnes vivant avec le VIH est une opportunité de sauver de nombreuses personnes et d’améliorer leur qualité de vie chaque année.

C’est également l’occasion d’associer les personnes séropositives à un effort de solidarité nationale, en leur ouvrant le droit de donner leurs organes. En 2017, un sondage réalisé par les collectifs CHV et TRT-5 montrait une très forte adhésion au projet de greffe solidaire : 85% des répondants étaient prêts à donner leurs organes.

Malgré les limites du texte dont les exigences laissent à penser que son application sera limitée, et le nécessaire travail de communication à faire pour que la greffe solidaire entre dans les pratiques, le collectif TRT-5 CHV se félicite de cette avancée majeure.

Contact Presse -– mjaudon@trt-5.org – Tél. 07 77 07 51 01

[i] http://www.francetransplant.com/wp-content/uploads/2020/10/Rapport-Enque%CC%82te-Ft-oct-2019.pdf