Source : Info-VIH
L’augmentation de l’incidence des infections sexuellement transmissibles (IST) a été rapportée au niveau mondial, particulièrement chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH). Des taux élevés d’IST ont également été signalés dans des essais de prophylaxie pré-exposition (PrEP) chez les HSH à risque élevé d’acquisition du VIH, probablement en raison du faible taux d’utilisation du préservatif et des dépistages fréquents des IST. Cet essai avait pour objectif d’évaluer l’intérêt d’une prophylaxie post-exposition (PPE) par doxycycline pour réduire l’incidence des IST chez les HSH. Tous les participants ayant bénéficié de la visite prévue dans le cadre du passage en ouvert de l’étude ANRS IPERGAY en France étaient éligibles à l’inclusion dans cette étude ouverte et randomisée.
Les participants ont été randomisés (1:1) pour recevoir soit une dose orale unique de 200 mg de doxycycline en PPE dans les 24 heures suivant un rapport sexuel soit ne pas prendre de prophylaxie. Le principal paramètre d’évaluation était la survenue d’une IST (gonorrhée, chlamydia ou syphilis) au cours d’un suivi de 10 mois. La probabilité cumulée de survenue du critère principal a été estimée dans chaque groupe à l’aide d’une analyse de Kaplan-Meier avec comparaison par log-rank. L’analyse primaire a été réalisée en intention de traiter, en prenant en compte tous les participants randomisés. Tous les participants ont reçu des conseils sur la réduction des risques et l’utilisation des préservatifs, et ont été testés régulièrement pour le VIH.
Entre juillet 2015 et janvier 2016, 232 participants ont été inclus dans cette étude (116 dans le groupe PPE et 116 dans le groupe contrôle) et ont été suivis pendant une durée médiane de 8.7 mois (IQR 7.8-9.7). Les participants du groupe PPE ont utilisé en médiane 680 mg de doxycycline par mois (IQR 280-1450). 73 participants ont présenté une nouvelle IST au cours du suivi, dont 28 dans le groupe PPE (probabilité à 9 mois de 22 %, IC 95% 15-32) et 45 dans le groupe contrôle (42 %, 33-53; p=0-007). La survenue d’une première IST chez les participants qui prenaient de la PPE était plus faible que chez ceux qui n’en prenaient pas (HR 0.53; IC95 % 0.33-0.85 ; p=0.008). Des résultats similaires ont été observés pour la survenue d’un premier épisode d’infection à chlamydia (HR 0.30; IC95% 0.13-0.70 ; p=0-006) ou d’une syphilis (HR 0.27; 0.07-0.98; p=0.047); Concernant la survenue d’un premier épisode de gonorrhée, les résultats sont non significatifs (HR 0.83; 0.47-1.47; p=0.52). Aucune séroconversion au VIH n’a été observée durant le suivie et 72 des 102 IST (71 %) diagnostiquées étaient asymptomatiques. Les taux d’effets secondaires graves étaient similaires dans les deux groupes d’étude. Des effets indésirables gastro-intestinaux ont été rapportés chez 62 (53 %) des participants du groupe PPE et 47 (41 %) du groupe contrôle (p=0.05).
Les auteurs concluent que dans cet essai la doxycycline en prophylaxie post-exposition a réduit le taux de survenue d’un premier épisode d’IST bactérienne chez les HSH à haut risque d’acquisition.
Cette étude est le premier grand essai ouvert et randomisé évaluant l’efficacité et l’innocuité d’une nouvelle stratégie de prophylaxie post-exposition vis à vis des IST utilisant la doxycycline (200 mg pris dans les 24 heures suivant le rapport sexuel) chez les HSH suivi en PrEP pour la prévention du VIH. Cette étude a retrouvé un taux élevé d’IST en l’absence de prophylaxie, dont la majorité était asymptomatique. Cette stratégie antibiotique s’est révélée efficace, avec une réduction relative globale de 47 % de l’incidence d’une première IST. Il n’a pas été retrouvé d’effet bénéfique pour la prévention de la gonorrhée, probablement en raison du taux déjà élevé de résistance à la doxycycline. Le profil d’innocuité est bon, en dehors d’un taux plus important d’effets secondaires gastro-intestinaux dans le groupe PPE.
Les résultats de cette étude PEP avec doxycycline pour les IST chez les HSH à risque élevé en PrEP montrent que cette stratégie peut réduire l’incidence des infections à chlamydiae et de la syphilis dans cette population avec un bon profil de tolérance. D’autres études sont néanmoins nécessaires afin d’évaluer l’impact de cette stratégie sur la sélection de la résistance aux antibiotiques des gonocoques, des tréponèmes et des chlamydiae. En effet, la sélection de la résistance à la tétracycline demeure un risque potentiel important qui n’a pas pu être évalué dans cette essaie en raison de la taille de l’échantillon et de la période de suivi relativement courte.
Les auteurs proposent qu’en attendant d’autres études, l’utilisation de la doxycycline en prophylaxie post-exposition soit limitée à la recherche. Dans le futur, en l’absence de sélection de résistance, cette stratégie pourrait devenir un complément efficace dans une approche combinée visant à réduire le taux d’IST chez les utilisateurs de PreP.