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Source: lequotidiendumedecin.fr

Le Pr Philippe Morlat, coordinateur du groupe d’experts chargé d’actualiser les recommandations de prise en charge du VIH, a présenté hier, au cours du congrès de la Société française de lutte contre le sida (SFLS), des changements importants qui seront apportés aux textes dans les prochaines semaines.

Les experts préconisent ainsi pour la première fois l’introduction de médicaments génériques, quitte à passer dans un certain cas d’un comprimé unique à deux comprimés par jour, et la substitution du dépistage ciblé au dépistage généralisé.

« Je coordonne ce groupe depuis 2013, et nous nous sommes d’emblée positionnés en faveur des génériques, rappelle au « Quotidien » le Pr Morlat, nous avons besoin de dégager un volant budgétaire pour améliorer le dépistage et la prise en charge pour un grand nombre de patients. »Problème : les molécules génériquées jusqu’à présent n’étaient plus du tout utilisées dans la pratique clinique. La situation a changé cet été avec le lancement des premiers génériques du Truvada (emtricitabine + ténofovir) et de Kivexa (abacavir + lamivudine).

Ces deux médicaments « sont inclus dans des trithérapies actuellement recommandées, associées avec un autre agent (inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse, inhibiteur de protéase…). Le fait de passer d’une trithérapie sous brevet à une association de ces génériques permet de diminuer le coût de 60 % », explique le Pr Morlat. Le prix de la trithérapie générique la moins chère est de 5 300 euros, contre 12 000 euros pour la trithérapie la plus chère.

Dans certains cas, cette nouvelle recommandation oblige à déconditionner un traitement, passant de 1 à 2 compris par jour, en une prise unique. « En première intention, nous pensons qu’il faut proposer les génériques, poursuit le Pr Morlat, pour les patients déjà sous traitement habitués à un seul comprimé, il n’est pas question d’imposer une stratégie, mais lui présenter les motifs du changement. »

Selon le spécialiste, aucune étude au monde ne montre un effet défavorable d’un traitement en 2 comprimés, d’un point de vue virologique. « Une étude aux États-Unis a montré de moins bons résultats chez les sans-abri, c’est pourquoi nous ne recommandons pas cette stratégie aux patients en situation de précarité », nuance-t-il.

Place au dépistage ciblé
Le groupe d’experts a également pris acte de l’échec du dépistage généralisé préconisé dans le plan sida 2010 et lui préfère désormais un dépistage ciblé sur les populations à risque. En 2015, on estimait que 43 % des nouvelles infections survenaient chez des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, 23 % de femmes nées à l’étranger et 15 % des hommes nés à l’étranger. « Si on ajoute les toxicomanes, c’est près de 90 % des nouvelles infections qui ont lieu dans des groupes très définis, analyse le Pr Morlat, 30 000 personnes vivent sans le savoir avec le VIH. Il faut un dépistage ciblé vers ces populations, auxquelles il faut ajouter les personnes vivant dans les DOM-TOM, en particulier la Guyane. »

Les recommandations insisteront sur la pluralité des lieux de dépistage : centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic (CEGIDD), structures associatives, services d’urgence, séjours hospitaliers, les lieux de privation de liberté… avec systématiquement une triple sérologie VIH, VHB et VHC. Le texte fera aussi des propositions en ce qui concerne le dépistage du partenaire, encore difficile à mettre en place. Le Pr Morlat reconnaît que les dispositifs actuels manquent encore d’efficacité en ce qui concerne le dépistage des personnes nées à l’étranger. « Il faut développer des médiateurs en santé, et établir des partenariats avec des acteurs communautaires », suggère-t-il.

Le retour à la ville
Le retour des patients vers la médecine de ville est aussi une nouvelle préoccupation des recommandations. « Le suivi hospitalier pourrait n’être qu’un bilan annuel, estime le Pr Morlat. Il faut que le suivi par la médecine de ville assure le dépistage du cancer du côlon, du mélanome, l’aide à l’arrêt du tabac qui est le facteur de risque le plus important chez les patients dont la charge virale est indétectable. On pourrait construire un modèle de prise en charge des maladies chroniques uniforme, dans lequel le VIH est un protocole parmi d’autre. »

Le Pr Morlat se garde toutefois de vouloir nier la spécificité des patients VIH : « Il y a des médicaments contre-indiqués comme les IPP. L’observance reste importante. Je ne veux pas qu’on banalise le VIH mais il faut l’harmoniser. » Dernier chapitre important : celui de l’accès aux soins et qualité de vie, avec un accent mis sur le vieillissement. « Les malades vieillissent, certains vont aller en HAD et en EPHAD où les personnels ne sont pas formés », prévient le Pr Morlat.

Source: seronet.info

Pour cette première journée, le 18e congrès de la SFLS (Société française de lutte contre le sida) avait – outre des présentations en plénières consacrées à « Vers Paris sans sida », aux indicateurs épidémiologiques territoriaux, aux enjeux de coordination territoriale pour un territoire sans sida – organisé des sessions parallèles avec expert-e-s sur certains sujets, dont la PrEP, les déterminants sociaux de santé, l’offre de dépistage et les enjeux de l’insularité dans la lutte contre le VIH.

Des militant-e-s de AIDES ont assisté à ces sessions. Compte-rendus, infos clefs et impressions.

Comment mieux faire dans le déploiement de la PrEP ?

Pas une conférence désormais, qui n’aborde la question de la PrEP (prophylaxie pré-exposition ou pre-exposure prophylaxis en anglais), le congrès de la SFLS n’a pas dérogé à la règle, choisissant de traiter du passage à l’échelle. Autrement dit : comment changer de dimension pour que la PrEP soit accessible à toutes les personnes qui en ont besoin ? La PrEP est une stratégie de réduction du risque de contracter le VIH fondée sur l’utilisation d’un médicament antirétroviral à prendre au cours d’une période d’exposition à un risque de contamination. Cette stratégie s’accompagne d’un suivi renforcé et individualisé en santé sexuelle. La PrEP, outil de prévention innovant, a suscité de nombreux espoirs dans la lutte contre le VIH. Cependant en France, aujourd’hui, malgré une politique publique favorable, les résultats sont décevants. Retour sur les limites actuelles et les leviers qui permettraient un meilleur déploiement de la PreP.

Côté limites, on estime aujourd’hui le nombre de personnes qui prennent la PrEP entre 5 000 et 6 000 en France, mais il n’existe pas actuellement de chiffre précis. C’est dû à un problème de recueil du nombre de personnes usagères depuis la fin de la RTU (recommandation temporaire d’utilisation). Un nombre en deçà des prévisions et très insuffisant pour permettre un réel impact sur le nombre de nouvelles contaminations annuelles. Autre limite actuelle, un public peu diversifié : ce sont principalement des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH) qui sont utilisateurs de la PrEP, seulement 201 femmes au 1er semestre 2016 seraient utilisatrices. Autre difficulté à un accès plus large, des délais longs et très disparates selon les services de maladies infectieuses et les CeGIDD qui ont des consultations de PrEP. Autre limite, des créneaux de consultation inadaptés (trop courts, à de mauvais horaires, surchargés) et dans certains cas une frilosité du personnel de santé vis-à-vi de cet outil de prévention qui a pourtant fait ses preuves. Par ailleurs, le fait que la première prescription de prEP soit faite uniquement à l’hôpital ou en CeGIDD restreint l’accès à l’ensemble des publics clés, certaines personnes ne veulent pas se rendre à l’hôpital, aller dans un service VIH alors qu’elles ne sont pas malades. Et reste la question de la place de la médecine de ville dans la mise en place de la PrEP ?
 A cela, s’ajoute un manque de moyens financiers pour la déployer bien plus largement et communiquer sur celle-ci et notamment faire comprendre que cet outil de prévention n’est pas à l’usage unique des HSH. Du côté des problèmes, il est aussi évoqué un manque de vigilance des professionnels de santé dans le suivi des perdus de vue. Il s’agit des personnes que les acteurs de santé ne voient plus venir. Enfin, il est mentionné l’existence d’un frein assez largement partagé dans certaines communautés : une représentation péjorative de la PrEP et des personnes qui en sont utilisatrices.

Heureusement, il existe aussi des leviers. Lors de cette session, il est évoqué le renforcement de la mobilisation communautaire. Cela pourrait passer par le fait de multiplier les témoignages et les visages de la PrEP, montrer la diversité des personnes utilisatrices pour sortir de l’image d’un outil pour les seuls gays. Autre levier évoqué, la poursuite de la recherche sur les schémas de prise, les modes d’administration et la diversification des antirétroviraux utilisés. Autre piste : développer les consultations avancées, les actions hors les murs, les délégations de taches pour favoriser l’accès à la PrEP. L’absence actuelle de ces facteurs, systèmes et moyens entraîne de nombreuses occasions manquées de mise sous PrEP.
 Une étude menée par Hornet, application géo localisée pour les HSH, montre que parmi ses utilisateurs français seulement 12 % utilisent la PrEP en 2017. Ceci montre que des marges de progrès sont possibles auprès de la communauté HSH.
 Le déploiement de la PrEP auprès des femmes est encore plus difficile. Contrairement aux idées reçues, les études montrent pourtant que quand l’observance et l’adhésion sont bonnes, la PrEP est efficace chez les personnes qui ne sont pas HSH. Les femmes sont pourtant sous représentées parmi les personnes sous PrEP y compris chez celles qui sont les plus exposées. Les professionnels de santé et les acteurs associatifs ont souligné que pour les femmes migrantes du fait de leur parcours de vie (clandestinité, précarité, problèmes de logement, accès aux droits), la PrEP et plus globalement la prévention ne faisaient pas partie de leurs priorités. Les travailleuses du sexe, quant à elles, se montrent intéressées par cet outil de prévention car elles sont régulièrement confrontées à des ruptures de préservatifs. Des actions menées en Guyane et à Montreuil soulignent que cette population clé peut s’emparer de cet outil de prévention. Toutefois, un effort de communication auprès de toutes les femmes devrait être mené car le discours actuel sur la PrEP ne leur est pas adapté. En conclusion, l’ensemble des acteurs de prévention s’accordent à dire que des moyens financiers spécifiques sont nécessaires pour promouvoir la PrEP auprès de tous les groupes très fortement exposés au risque d’infection.

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