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Le virus du Sida continue de s’étendre en Asie centrale

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Source : novastan.org

Alors que des progrès contre la propagation du virus du Sida sont observés un peu partout dans le monde, le VIH continue de se propager en Europe orientale et Asie centrale.

C’est un chiffre inquiétant. « En Europe orientale et en Asie centrale, le nombre de nouvelles infections annuelles au VIH (virus responsable du sida) a augmenté de 30 % depuis 2010 » a souligné le Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres. Un rapport publié le 2 avril dernier et discuté le 4 juin dernier à l’Assemblée générale de l’ONU. Relayée par le média ouzbek Kun.uz, cette étude de l’ONU pointe ainsi une situation délicate, alors qu’au niveau mondial « la lutte contre le virus de l’immunodéficience a fait des progrès incroyables ». En Asie centrale uniquement, l’augmentation est de 38,5 % entre 2010 et 2017.

Depuis sa découverte en 1983 à l’Institut Pasteur, le VIH s’est distingué par sa propagation rapide et taux de mortalité élevé. En 2014, 78 millions de personnes au total en avaient été infectées et un individu sur deux avait succombé du virus.

Fin 2017, on estimait à 1,4 million le nombre de personnes vivant avec le VIH en Europe orientale et en Asie centrale. C’est une des rares régions du monde où l’épidémie de VIH continue de croître rapidement, avec environ 190 000 nouvelles infections au VIH en 2017, contre 110 000 en 2013. Ces chiffres vertigineux s’avèrent être très différents d’un pays à l’autre. Ainsi, la grande majorité des personnes vivant avec le VIH en Europe orientale et en Asie centrale vivent en Russie (70%). En Asie centrale, le taux de nouvelles infections au VIH, autour de 12 000 personnes en 2017 est beaucoup moins élevé qu’en Russie, où il avoisine les 100 000 cas.

Des raisons multiples

Les raisons de cette augmentation des nouvelles infections au VIH en Asie centrale sont multiples. La région n’échappe pas aux tendances lourdes liées au virus, avec certaines populations beaucoup plus touchées que d’autres couplées à des moyens de dépistages et plus globalement de lutte et prévention qui s’avèrent insuffisants.

Concernant les populations touchées, la région « Europe orientale et Asie centrale » semble présenter une situation similaire à celle des autres ensembles. En effet, les populations atteintes par le virus s’avèrent être les travailleurs du sexe, les personnes s’injectant des drogues ainsi que les hommes ayant des relations homosexuelles.

Cependant, la région présente certaines particularités lorsque l’impact du VIH sur ces populations est abordé. Tout d’abord, environ 3,1 millions de personnes s’injectent des drogues en Europe orientale et en Asie centrale, soit une personne sur quatre dans le monde. Une surreprésentation qui augmente fortement les risques de propagation du virus.

De plus, les hommes ayant des rapports homosexuels représentaient 6 % des nouvelles infections en 2014, contre 49% pour l’Europe occidentale la même année. Un écart qui s’est cependant réduit entre 2014 et 2017 pour atteindre 21% des nouvelles infections en Europe orientale et en Asie centrale.

Les femmes et les prisonniers également touchés

Ces différences au sein des populations principalement touchées atteignent également les femmes. « Les femmes d’Europe orientale et d’Asie centrale sont particulièrement exposées au risque de contracter le VIH en raison de multiples facteurs tels que la vulnérabilité économique, la violence et les difficultés à négocier des rapports sexuels protégés » soulignait en 2012 Jean-Elie Malkin, ancien Directeur régional de l’ONUSIDA pour l’Europe orientale et l’Asie centrale. « Dans les cas extrêmes, les femmes combinent toutes les vulnérabilités associées à la consommation de drogues, au commerce du sexe, à la marginalisation sociale, à la stigmatisation et à la discrimination qui les empêchent d’accéder aux services de lutte contre le VIH », ajoutait le docteur.

Outre les femmes, les prisonniers s’avèrent particulièrement exposés au risque d’infection à VIH en Europe orientale et en Asie centrale. En 2016, les personnes qui s’injectent des drogues représentaient plus d’un tiers des détenus dans la région selon des estimations. Ce taux atteignait ainsi 30,4% au Kirghizstan selon une étude médicale publiée dans The Lancet, dont 11,3% seraient porteurs du VIH.

Cette même étude a révélé que les taux élevés d’incarcération en Europe orientale et en Asie centrale facilitaient la transmission du VIH parmi les personnes qui s’injectent des drogues. Les chercheurs estimaient alors qu’entre 28 et 55% de toutes les nouvelles infections à VIH au cours des 15 prochaines années dans la région seraient attribuables à un risque accru de transmission du VIH parmi les personnes s’injectant des drogues actuellement ou précédemment incarcérées.

Un dépistage encore trop lacunaire

Pour lutter contre le VIH, l’identification de ces populations devrait faciliter le dépistage et les politiques de prévention et de lutte contre le VIH. Malheureusement, c’est assez loin d’être le cas. Parmi les 1,4 million de personnes vivant avec le VIH dans la région en 2017, 73% étaient au courant de leur état sérologique, une augmentation de 4 point comparée à 2016. Une légère augmentation qui cache une forêt, qui s’est depuis déplacée. De fait, le nombre de tests parmi les populations potentiellement porteuses diminue, passant de 4,5% de tous les tests de dépistage du VIH effectués annuellement en 2010 à 3,2% en 2016. Parallèlement, lorsque le virus est dépisté chez l’individu, il l’est généralement à un stade avancé de la maladie, rapporte une étude publiée en mai 2018 par l’International Journal of Infectious Diseases.

Ce dépistage tardif peut être associé à deux causes. La première est le manque de services communautaires de test et le manque de connaissances du virus de la part des professionnels de la santé. La seconde est la stigmatisation et la discrimination limitant également le nombre de personnes des populations clés ayant accès aux services de test. Mais ces lacunes dans le dépistage pourraient être nuancées par des méthodes de prévention et de lutte efficaces.

Des moyens de lutte et de prévention insuffisants

Dans la plupart des pays, des informations de base sur la santé sexuelle et reproductive sont fournies au niveau secondaire dans des matières telles que la biologie. Dans trois pays de la région, dont le Kazakhstan, le VIH et d’autres maladies infectieuses et menaces pour la santé sont abordées. Ailleurs, les chiffres, quant à la connaissance de ce virus sont très bas, passant de 3,4% au Turkménistan à 23,4% au Kirghizstan chez les 15-24 ans.

Peu informés, les Centrasiatiques sont également peu nombreux à se protéger durant leurs rapports sexuels. L’utilisation de préservatifs par les personnes s’injectant des drogues illustre bien cette réalité. Ainsi, 40,4% de cette population au Kirghizstan utilise des préservatifs, 47,9% le font au Kazakhstan et 49,9% au Tadjikistan. La situation s’inverse chez les travailleurs du sexe. Cette utilisation éparse des moyens de protection participe pleinement à la propagation du VIH.

Plus largement, des obstacles juridiques, culturels et socio-économiques s’ajoutent. Les lois punitives contre les populations clés continuent d’entraver considérablement l’accès au dépistage et au traitement du VIH dans la région. Bien que de nombreux pays de la région aient abrogé des lois interdisant les rapports sexuels entre personnes du même sexe, cette pratique est criminalisée au Turkménistan et en Ouzbékistan. Face à ces obstacles, les populations les plus vulnérables pourraient se tourner vers la société civile, qui joue un rôle majeur sur ce sujet dans certains pays. Mais un certain nombre de contraintes juridiques visent les ONG et les actions qu’elles peuvent mener.

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