Tous les ans, en France, le cancer du col de l’utérus (ou cancer du col utérin) touche environ 3 000 femmes, expliquent François Bourdillon, Directeur général de Santé publique France, et Norbert Ifrah, Président de l’Institut national du cancer (1). Tous deux signent l’éditorial d’un numéro spécial du BEH (Bulletin épidémiologique hebdomadaire) consacré au dépistage du cancer du col de l’utérus (n°2-3, 24 janvier 2017).
L’enjeu est d’autant plus important qu’on estime le nombre de décès dus à ce cancer à près de 1 100 par an. Ce cancer fortement « meurtrier » est pourtant évitable. D’une part, par la vaccination contre les infections à papillomavirus humains (HPV) et le dépistage par frottis cervico-utérin. Comme le rappellent François Bourdillon et Norbert Ifrah, le dépistage « permet, d’une part, d’identifier et de traiter des lésions précancéreuses avant qu’elles n’évoluent vers un cancer et, d’autre part, de détecter des cancers a un stade précoce dont le pronostic est bien meilleur qu’a un stade avancé ». Les recommandations sont de pratiquer un frottis cervico-utérin tous les trois ans chez toutes les femmes âgées de 25 à 65 ans — 17 millions de femmes sont concernées. Pourtant, notent les spécialistes : 40 % des femmes, en moyenne, n’ont pas réalisé frottis cervico-utérin dans les trois ans. Très logiquement, cette proportion est d’autant plus élevée que les femmes sont éloignées du système de santé et que leur catégorie socioprofessionnelle est peu élevée. Un dépistage efficace est donc un enjeu majeur. Le Plan cancer 2014-2019 préconise un « programme national de dépistage organisé ».
Une expérimentation a été conduite pendant trois ans dans treize départements. Les « résultats sont très encourageants », soulignent François Bourdillon et Norbert Ifrah puisque « le taux de couverture global du dépistage a été amélioré de douze points, pour atteindre 62 % de la population-cible ». Les jeunes femmes (moins de 35 ans) se font davantage dépister que les plus âgées (60-65 ans). Par ailleurs, le dépistage organisé vient compléter le dépistage spontané et il permet ainsi de toucher les femmes qui échappent au dépistage », note le BEH. Ces résultats donnent satisfaction aux experts qui envisagent une généralisation du dispositif pour 2018. Le dépistage du cancer du col de l’utérus a une importance particulière chez les femmes vivant avec le VIH. Le rapport d’experts (Morlat 2013) y consacre un long paragraphe (pages 234 à 236). Les experts y expliquent que l’incidence du cancer du col reste élevée chez les femmes vivant avec le VIH. « En France, l’incidence du cancer du col est passée de 33,7 pour 100 000 femmes-années en 1996 à 21,5 pour 100 000 femmes-années en 2011 alors que parallèlement l’âge médian des femmes suivies dans la base hospitalière française a augmenté (…). Aux Etats-Unis, le taux d’incidence standardisé du cancer du col chez les femmes infectées par le VIH est de 2,9, significativement supérieur par rapport aux femmes séronégatives. »
Le rapport Morlat rappelle que « les données françaises montrent un risque de cancer deux fois plus faible chez les femmes sous traitement depuis plus de six mois ». L’enjeu du dépistage est d’autant plus important que ce cancer est souvent diagnostiqué à un stade avancé. Les experts français recommandent de « proposer chez toute femme infectée par le VIH : un dépistage par frottis cervical lors de la découverte de la séropositivité puis de façon annuelle en l’absence de lésion cervicale et si le nombre de CD4 est supérieur à 200/mm3, un frottis bisannuel avec colposcopie systématique [un examen qui permet de réaliser une biopsie, ndlr] en cas de frottis antérieur anormal, après conisation [une ablation d’une partie du col de l’utérus, ndlr] et en cas d’immunodépression sévère (nombre de CD4 inférieur à 200/mm3) ».
(1) : Bourdillon F, Ifrah N. Editorial. Dépistage du cancer du col de l’utérus : des évaluations pour mieux l’organiser. Bull Epidémiol Hebd. 2017;(2-3):24-5
Source: SERONET