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Covid-19 : quel impact sur le VIH ? (1/2)

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Source : SERONET.info

Le congrès national de la Société française de lutte contre le sida (SFLS) a débuté mercredi 7 octobre de façon virtuelle avec un mélange d’interventions pré-enregistrées et de séquences en direct. Au cœur des discussions, la crise sanitaire liée à la Covid-19 bien sûr et son impact multiple et durable sur la lutte contre le VIH/sida. Seronet a suivi les différentes présentations et revient sur les moments forts des deux premiers jours. Première partie.

La dynamique des villes sans sida

Mercredi 7 octobre, en ouverture de ce congrès 2020, après l’habituel discours de bienvenue du président de la SLFS, le Dr Pascal Pugliese, avait lieu la première table ronde sur le thème « Impacts de la Covid 19 sur la continuité de prise en charge du VIH dans les Villes sans sida ».

Élodie Aïna, la nouvelle directrice de Vers Paris Sans Sida (qui succède à Ève Plenel qui a rejoint le cabinet de la Maire de Paris comme conseillère santé, après avoir dirigé Vers Paris Sans Sida pendant trois ans) a présenté les actions entreprises à Paris pendant et après le confinement envers les populations les plus exposées au VIH. Notamment une forte communication ciblée sur les réseaux sociaux que ce soit à travers les comptes du Dr Naked (1) destinés aux hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) ou les personnes migrantes et caribéennes à travers des campagnes vidéos traduites en 25 langues et destinées aux populations afro-caribéennes. Élodie Aïna a également parlé de l’opération « Teste-toi avant le sexe » organisée en partenariat avec AIDES avec l’envoi d’autotests de dépistage du VIH à domicile et a indiqué qu’à Paris, jusqu’à fin juillet, 550 personnes ont pu bénéficier de cette offre dont 90 % d’hommes (trois quarts de HSH, un quart d’hommes né à l’étranger). La moyenne d’âge était de 34 ans. Un tiers a été orienté vers un parcours de Prep.

À Lyon, le Dr. Jean-Michel Livrozet (président du Corevih Lyon Vallée-du-Rhône et coordinateur de Lyon sans sida) a expliqué que ses équipes ont recensé les actions mises en place par les associations membres du Corevih. Elles ont envoyé environ un millier d’autotests de dépistage du VIH, avec un annuaire actualisé des structures en s’appuyant sur les réseaux sociaux et sur le réseau Grindr. Enfin, elles ont créé des affiches pour les migrants-es en vue du déconfinement, faisant la promotion des gestes barrières et des recommandations médicales.

De son côté, Giovanna Rincon, présidente de l’association Acceptess-T, a démontré à quel point les personnes transgenres et travailleuses du sexe ont été impactées par le confinement se retrouvant, pour certaines, du jour au lendemain, sans aucun revenu et parfois même sans logement ni de quoi se nourrir. « Au déconfinement, nous avons repris les maraudes. Il y a un travail énorme pour rétablir les droits sociaux alors que les préfectures sont plus que saturées. Les expulsions continuent même pour les personnes séropositives », explique Giovanna Rincon. La question de la démocratie sanitaire a également été soulevée et c’est un vrai sujet : « À aucun moment les représentants-es des usager-ères n’ont été présents-es dans les organes décisionnaires, par exemple, au Conseil Scientifique. Cette épidémie vient rappeler que la démocratie sanitaire ne peut pas se faire sans les usager-ères. Rien n’est possible sans nous », a conclu Giovanna Rincon.

En conclusion de l’échange, Bertrand Audoin, vice-président de Iapac (2), est revenu sur certaines initiatives locales marquantes pendant le confinement et notamment à Bergame en Italie où les associations ont livré des antirétroviraux aux personnes les plus fragiles. Il mentionne aussi des dispositifs d’hébergements d’urgence pour les personnes sans domiciles fixes à Londres qui ont pu bénéficier en même temps d’une proposition de dépistages du VIH, du VHC et de la tuberculose. Lors de cette table ronde, il a été rappelé que les pouvoirs publics doivent s’appuyer sur l’expertise et le savoir-faire des acteurs-rices de terrain de la lutte contre le VIH qui ont montré qu’ils-elles avaient su faire face à cette crise sanitaire avec peu de moyens et beaucoup de bonne volonté. Il faut prolonger cette dynamique et améliorer l’articulation entre les associations, les soignants-es, les élus-es et les pouvoirs publics.

La limite de cette table ronde en direct a été le manque d’interactivité et un système de validation de questions qui a retenu seulement celles des experts-es venus-es du monde médical et aucune des experts-es associatifs-ves.

Quid de la démocratie sanitaire ?

Jeudi 9 octobre, c’est le professeur Jean-François Delfraissy qui a ouvert cette deuxième journée de congrès. On ne présente plus celui qui préside le Comité scientifique sur la Covid-19. Intitulée : « Covid, sciences, politique et société » sa présentation revenait largement sur les leçons à tirer de la lutte contre le VIH qu’il qualifie de « plus grande épidémie » de notre époque et c’est important de le rappeler car ces derniers mois, plusieurs personnalités politiques ont parlé de la Covid-19 comme de la plus grosse pandémie des 100 dernières années mettant de côté les millions de personnes décédées du sida dans le monde. Plutôt clément envers le gouvernement, le professeur Jean-François Delfraissy admet quand même l’échec du comité scientifique en matière de démocratie sanitaire : « La démocratie en santé est dans l’ADN du milieu de la lutte contre le VIH et c’est fondamental pour l’acceptabilité des décisions. Le gouvernement n’a pas voulu d’un comité citoyen », explique le professeur. Il ajoute que l’alternative pourrait se faire localement à travers des comités scientifiques dans les grandes métropoles qui incluraient des membres de la société civile. Une opportunité à saisir pour les Corevih selon lui. Par ailleurs, Jean-François Delfraissy pointe du doigt la responsabilité des médias et le manque d’éthique de la communication de celles et ceux qui facilitent la circulation de fausses informations et contribuent à faire naitre la défiance d’une partie de la population envers certaines mesures de santé publique, comme le port du masque.

Il termine sa présentation sur une note plus optimiste et espère que cette crise inédite sera l’occasion de remettre la société civile au cœur d’une nouvelle vision de la santé publique en France.

Une fusion ANRS-REACTing

La deuxième carte blanche de cette journée était donnée au professeur François Dabis, directeur de l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virale (ANRS) qui a profité de cette occasion pour annoncer officiellement la fusion de l’ANRS avec le consortium REACTing (Research and Action targeting emerging infectious diseases) (3). L’ensemble formerait une nouvelle agence indépendante dans le giron de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale). La nouvelle « agence de moyen et de coordination sur les maladies infectieuses et émergentes » doit être opérationnelle au premier janvier 2021, a annoncé François Dabis. D’après lui, ses missions seront centrées sur la recherche autour du VIH, des IST, des hépatites et des infections émergentes et résistantes et ce afin de pallier les faiblesses de la recherche française, la faible régulation des initiatives privées ou publiques et une recherche « mal préparée ».

Espérons que la société civile et les acteurs-rices associatifs-ves seront inclus-es dans les instances de cette nouvelle « super » agence de recherche et que le VIH et les hépatites virales ne seront pas reléguées au rang d’épidémies dépassées et du passé…

Vous pouvez retrouver les différentes présentations et discussions en replay, pendant trois mois à compter de la date du congrès, sur le site de la SFLS.

(1) : Dr Naked est un personnage fictif utilisé par l’association Vers Paris sans sida pour faire passer des messages de prévention sur les réseaux sociaux.
(2) : Iapac : International Association of Providers of Aids Care ou Association internationale des professionnels-les de la santé impliqués-es dans la prise en charge du VIH. 
(3) : REACTing (REsearch and ACTion targeting emerging infectious diseases), lancé par l’Inserm en 2013 sous l’égide d’Aviesan, est un consortium multidisciplinaire rassemblant des équipes et laboratoires d’excellence des partenaires français.

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