Source: lemonde.fr
Mêlant joyeusement les codes de l’univers drag-queen et de l’imagerie religieuse, ces fausses nonnes veillent, depuis plus de trente ans, à Paris, sur la communauté LGBT+. Avec humour, elles propagent un message d’amour et de tolérance, et remplissent un rôle essentiel en matière de prévention du VIH.
« Que sainte Pouffe, patronne des couvents de France, sainte Sapho, patronne des filles qui aiment les filles, sainte Tapiola, patronne des garçons qui aiment les garçons, sainte Cyclette, patronne des bi, (…) sainte Rita, patronne des causes désespérées – et donc des hétéros – veillent sur vous avec amour, joie et paix. »
« On ne sert à rien mais on est bonnes à tout ! », résume Youtopia en guise de présentation et avec l’humour (souvent grivois) qui caractérise les sœurs. Cornette blanche, chaussures compensées à semelle argentée, robe à sequins rouges et bas résille, colliers de perles en toc, visage peint en blanc, barbe de trois jours… Youtopia se prénomme en réalité Laurent. Depuis maintenant une douzaine d’années, ce graphiste de 48 ans fait partie de ce mouvement militant LGBT+ (lesbienne, gay, bi, trans…) qui mixe les codes de l’univers fantasque des drag-queens et l’imagerie ecclésiastique. Les missions des sœurs sont plurielles : écouter, apaiser, informer…, le tout, enrobé de beaucoup de rires.
« Expier la honte »
Le mouvement est né à San Francisco (Californie), en 1979. Un jour, quatre amis homos décident de sortir habillés en nonnes dans Le Castro, le quartier gay de la ville. Le succès est immédiat. Garçons et filles accourent auprès de ces drôles de personnages et commencent, mi-sérieux mi-amusés, à se « confesser ». Immédiatement, il apparaît évident que les membres de la communauté ont besoin d’oreilles bienveillantes. A l’époque, l’homophobie est encore très prégnante – l’Association américaine de psychiatrie n’a rayé l’homosexualité de sa liste des maladies mentales que depuis six ans, en 1973. Le premier « couvent » est fondé, qui repose alors sur deux vœux : promulguer la joie omniverselle et expier la honte et la culpabilité stigmatisantes. Le concept plaît et essaime : aujourd’hui, il existe une centaine de « couvents » à travers le monde.
La France en compte dix (à Montpellier, à Lille, à Aix-en-Provence, etc.). Le premier voit le jour à Paris en 1990, au plus fort de l’épidémie de sida. A ce moment-là, il n’existe aucun traitement efficace, et le milieu gay est décimé. Les sœurs, aux avant-postes de cette tragédie, décident de formuler un nouveau vœu : celui d’information et de prévention du VIH et des infections sexuellement transmissibles (IST). Les noms des sœurs qui ont connu cette période témoignent de sa gravité et de son aspect funeste : Rita du Calvaire, Lacryma, Dolorosa…
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