Source : Ladepeche.fr
Les pénuries de médicaments sont en augmentation depuis dix ans et pourraient concerner plus de 1200 traitements ou vaccins en France pour l’année 2019. La ministre de la Santé a présenté un plan hier mais sans s’attaquer aux vraies causes, déplore France Assos Santé.
Encore une urgence sanitaire. Selon les projections de l’ANSM, plus de 1 200 traitements ou vaccins seront concernés par des situations de rupture ou tensions d’approvisionnement sur l’ensemble de l’année 2019. C’est 60 % de plus qu’en 2018 et 30 fois plus qu’en 2008, souligne France Assos Santé.
Un sujet d’autant plus sensible
Les ruptures portent sur des produits d’utilisation courante ou de première importance, comme des antibiotiques, des vaccins, des anticancéreux ou encore des traitements contre la maladie de Parkinson. Sans compter ces dernières semaines les difficultés d’approvisionnement concernant les corticoïdes qui ont provoqué l’inquiétude de médecins et de patients.
On s’étonnera cependant que sur un sujet récurrent depuis dix ans, et qui touche au plus près la santé des populations, les pouvoirs publics n’aient toujours pas pris les mesures nécessaires pour reprendre la main face justement «à la main invisible du marché» chère aux libéraux. Une «main» qui, dans le domaine de la santé ne sert ni l’intérêt général, ni celle des particuliers, sinon le seul profit des laboratoires engagés dans la mondialisation.
Car les causes, comme la difficulté des pouvoirs publics pour réguler le marché, tout le monde les connaît, rappelle Gérard Bapt, ancien député et membre de l’Agence nationale et sanitaire du médicament (lire page 3) : des grossistes qui préfèrent vendre à des pays qui «paient mieux», des labos qui délocalisent des productions à flux tendus et à bas coûts dans le Sud-Est asiatique, multipliant ainsi les causes de rupture liées aux incidents techniques ou sanitaires.
En attendant, dans les pharmacies, on tire la langue au quotidien.
Alors, le gouvernement a bien sûr sorti un «plan». Les associations du secteur pensaient qu’il serait à la mesure du constat effectué par Agnès Buzyn en mai dernier : plus d’un Français sur quatre affirme aujourd’hui avoir été en difficulté pour acheter un médicament courant». D’où leur déception exprimée face à cette feuille de route – certes provisoire», avec un plan définitif en septembre – présentée hier par la ministre.
Un «plan» qui repose sur un meilleur partage de l’information et de la gestion du circuit depuis le fabricant jusqu’à la pharmacie (lire ci-dessous) : «Cette feuille de route ministérielle (…) ne présente en l’état que très peu de mesures concrètes et dissuasives pour lutter contre ces dérives», juge ainsi France Assos Santé, fédération d’associations de patients. En reprenant ce constat d’évidence : «Industriels et grossistes répartiteurs sont les principaux responsables de cette situation : stratégies financières contestables, exportation des stocks vers des pays qui paient mieux, désengagement sur certains médicaments, ou trop forte concentration des sites de production font partie des causes identifiées de longue date».
Evidemment, du côté de l’industrie pharmaceutique, on ne partage pas la même analyse : Davantage de contraintes «n’est pas une réponse», juge le Leem, qui fédère les industriels du médicament. Et puis, là encore, de nombreux acteurs du secteur jugent que la solution pérenne est forcément de nature européenne. Auquel cas, il faudra effectivement être patient…
Une feuille de route gouvernementale qui reste timide pour les associations
La ministre de la santé Agnès Buzyn a dévoilé hier son plan contre les ruptures de stock de médicaments qui repose sur un meilleur partage de l’information et une meilleure gestion du «circuit du médicament», du fabricant jusqu’à la pharmacie, mais qui a déçu les associations de patients.
Le premier axe de ce plan provisoire vise à « promouvoir la transparence et la qualité de l’information », en généralisant en 2020 la plateforme qui permet aux pharmaciens de signaler les ruptures d’approvisionnement au laboratoire concerné et, en sens inverse, de fournir une information de meilleure qualité aux pharmaciens pour qu’ils puissent par exemple donner aux patients la «date approximative» de la prochaine disponibilité d’un médicament.
La feuille de route propose aussi «des actions ciblées et adaptées à chacun des acteurs du circuit du médicament». La loi Santé, qui devrait être adoptée d’ici fin juillet, permettra ainsi aux pharmaciens de «remplacer le médicament indisponible initialement prescrit par un autre médicament », lorsque la pénurie concerne un «médicament d’intérêt thérapeutique majeur» (MITM).
La feuille de route propose aussi de « sécuriser l’approvisionnement » de ces MITM à fort risque de pénurie, notamment les anticancéreux, en élaborant «une cartographie des sites de production» de matières premières pharmaceutiques et de médicaments et en améliorant les procédures d’achat hospitalier, autant de louables intentions mais qu’il faudra cependant concrétiser.
Le plan présenté par la ministre prône également davantage de « coopération européenne », en poursuivant «les discussions sur l’achat groupé notamment de vaccins essentiels au niveau européen» et un «partage d’information concernant les situations et les causes des pénuries à l’échelle de l’Europe». Là encore, il serait largement temps de s’y mettre, mais compte tenu de l’état de l’Union, de la longueur des procédures, et de l’influence des lobbies, il faudra une large volonté politique transfrontières pour mettre en place les coopérations nécessaires.
En attendant, un comité de pilotage sera créé pour assurer la mise en œuvre de ces mesures, associant l’Agence du médicament (ANSM) et «l’ensemble des acteurs concernés» (laboratoires pharmaceutiques, grossistes, associations de patients, etc.)
Le déremboursement de l’homéopathie sur la table
C’est un autre sujet qui agite le milieu pharmaceutique. Le gouvernement doit s’exprimer dans les prochains jours sur le sort réservé à l’homéopathie. Cette décision interviendra après l’avis transmis le 28 juin par la Haute autorité de Santé (HAS), laquelle a estimé que l’homéopathie ne devait plus être remboursée, faute d’efficacité prouvée scientifiquement. Un constat proche de celui d’Agnès Buzyn, qui avait déclaré au cours d’une séance de questions au gouvernement : «Nous avons un principe fort en France pour le remboursement des médicaments, c’est prendre en charge les traitements qui ont un effet scientifiquement prouvé.»