L’infection par le VIH favorise-t-elle l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs ?
L’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) a un potentiel athérogène établi qui s’explique en partie par les effets iatrogènes des trithérapies et l’intervention de facteurs de risque cardiovasculaires tels le tabagisme chronique, la sédentarité, ou encore la surcharge pondérale. C’est le plus souvent la maladie coronarienne qui va exprimer le retentissement cardiovasculaire de cette infection, le risque d’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) étant du domaine des hypothèses.
Une étude de cohorte de type cas-témoins s’est penchée sur la question. Il s’agit en l’occurrence de la Veterans Aging Cohort Study qui a été suivie entre le 1er avril 2003 et le 31 décembre 2014. Ont été exclus tous les participants chez lesquels il existait : (1) une AOMI connue ; (2) une maladie cardiovasculaire hautement probable ou établie : maladie coronarienne, infarctus du myocarde (IDM), AVC ou encore insuffisance cardiaque congestive.
Deux groupes de vétérans ont été constitués et appariés sur le plan démographique : les cas comptant des patients atteints d’une infection avérée par le VIH (VIH+) et les témoins. Ils ont été comparés après ajustement selon les variables suivantes : données démographiques, facteurs de risque cardiovasculaire, toxicomanie éventuelle, taux de cellules CD4, traitement antirétroviral et ARN du VIH-1.
C’est l’incidence de l’AOMI qui a constitué le critère de jugement primaire. Les critères secondaires ont été, pour leur part, les suivants : mortalité globale, amputation en cas de survenue d’une AOMI selon le groupe, charge virale et taux de CD4.
Au total, au sein d’une cohorte de 91 953 participants, 7 708 évènements ou signes témoignant d’une AOMI sont survenus au terme d’un suivi d’une durée médiane de 9 années. Leur incidence exprimée pour 1000 sujets-années s’est avérée plus élevée chez les patients VIH+, soit 11,9 (intervalle de confiance à 95 % (IC95) de 11,5 à 12,4) versus9,9 (IC95 de 9,6 à 10,1) chez les témoins. Après ajustement en fonction des données démographiques, des facteurs de risque vasculaires et des autres covariables pertinentes, le risque d’AOMI, en fait le hazard ratio (HR), a été plus élevé chez les malades VIH+, soit 1,19 (IC95 de 1,13 à 1,25) versus les témoins. Le HR s’est avéré maximal dans les 2 cas suivants : charge virale > 500 copies/ml (HR = 1,51 ; IC95 de 1,38 à 1,65) et concentration de cellules CD4 < 200/mm3 (HR = 1,91 ; IC95 de 1,71 à 2,13). En revanche, le HR n’a pas été augmenté de manière significative en cas de CD4 ≥ 500 cellules/mm3(HR = 1,03 ; IC95 de 0,96 à 1,11). La mortalité après la survenue d’une AOMI s’est avérée élevée, de manière voisine dans les 2 groupes. L’infection par le VIH n’a pas eu d’impact sur l’incidence des amputations liées à l’AOMI.
La concentration de CD4 en première ligne
Cette étude cas-témoins suggère que l’infection par le VIH augmente très modérément (+ 19 %) le risque d’AOMI indépendamment, semble-t-il, des facteurs de risque vasculaires traditionnels. Cependant, le risque relatif serait bien plus élevé, proche de 2,00 quand les concentrations de CD4 sont < 200 /mm3, pour ne dépasser l’unité quand ces dernières sont ≥ 500 cellules/mm3. Ces résultats doivent être confirmés par d’autres études avant de considérer que l’infection par le VIH est bien en cause dans la survenue de certaines formes d’AOMI.
Dr Philippe Tellier