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colloque femmes et VIH

Dans la foulée du colloque « Femmes & VIH : entre invisibilité et inégalités de genre » organisé par Actions Traitements le 15 novembre dernier, l’association a publié l’ensemble des vidéos captées pendant la journée. Vous pouvez ainsi découvrir l’intégralité des sessions, ateliers, tables rondes et intervention en replay sur la chaîne YouTube de l’association. À cette occasion, Actions Traitements publie le texte de Charlotte Floersheim (anthropologue de la santé, SESSTIM et IDEMEC), qui fait la synthèse de l’ensemble de la journée et pointe les enjeux spécifiques concernant les femmes vivant avec le VIH ou les femmes exposées à ce virus.

Retrouvez l’intégralité des vidéos du Colle ici : playlist YouTube

Charlotte Floersheim : anthropologue de la santé, SESSTIM et IDEMEC
Paris, mercredi 15 novembre 2015
Sorbonne Université, campus Marie & Pierre Curie

Je vous remercie pour ces riches interventions de cette journée. Elles ont un écho particulier pour moi et je vais tenter d’en restituer l’épaisseur tout en proposant des pistes de réflexion transversales. Dans cette conclusion, il s’agit de montrer les avancées non négligeables de la place des femmes dans la lutte contre le VIH et d’interroger ce qu’il reste à accomplir.

Je me présente : je suis anthropologue et réalise actuellement une thèse sur les mobilisations associatives de lutte contre le sida en Guyane. J’ai rencontré le VIH au début des années 2000 en me formant avec l’association Frisse (Femmes réduction des risques et sexualité), association importante qui a contribué à inscrire la place des femmes dans le champ de la lutte contre le sida. Puis j’ai porté cette thématique dans mon engagement dans le Planning Familial 05, lors d’émissions de radio féministes. J’ai travaillé ensuite à Aides et j’étais sa représentante dans le collectif Femmes plus à Marseille. J’ai réalisé une enquête collective sur l’histoire de Aides depuis l’arrivée des trithérapies. Élève de Sandrine Musso anthropologue, commissaire de l’exposition « VIH/Sida l’épidémie n’est pas finie », je souhaite saluer sa mémoire et me réclamer de son héritage dans la lutte contre le sida.

Comme la plupart des intervenantes d’aujourd’hui, dans la lutte contre le VIH, les femmes ont plusieurs casquettes, identités, engagements : Denyse Argence, Carole Damien, Pascale Bastiani, Florence Thune, Giovanna Rincon, Marie Basmadjian, Nicolet Nkouka en sont des exemples. Elles sont militantes, témoins, expertes, elles vivent avec le VIH, elles sont impliquées dans les associations, les hôpitaux, les études, les organisations autour du VIH, chercheuses, médiatrices, directrices de structures.

Aujourd’hui dans cette journée consacrée aux femmes, et nous l’avons vu tout au long de la journée, la catégorie « femme » est diverse. Quand je/nous parlons des femmes, nous avons conscience que c’est une catégorie qui recouvre des expériences différentes du monde. Un point important qui ressort de la journée est relatif au fait que quand nous utilisons le mot femme dans le champ du VIH, il s’agit de le faire de manière inclusive, de prendre en compte leur diversité et leurs spécificités : qu’elles soient transgenres ou cisgenres, nées ici ou ailleurs, jeunes ou vieilles. Il nous faut rendre visible et audible la diversité des femmes comme l’a affirmé Cécile Chartrain. Elles ont un dénominateur commun ; c’est celui d’avoir été assignée ou de se définir comme telle et, en tant que telle, de se voir attribuer un rôle et d’être prise dans des rapport de pouvoir. Mais dans cette diversité, selon l’appartenance à d’autres groupes, elles peuvent être plus privilégiées ou subir des discriminations. Vivre avec le VIH constitue une assignation et produit encore aujourd’hui des discriminations. Quand on regarde l’histoire du VIH, on voit clairement comment les discriminations se croisent et s’accumulent, montrant une nécessité de réfléchir les assignations et oppressions de manière intersectionnelle, comme l’a montré Fabienne El Khoury. Je soulève d’ailleurs que nous sommes restées centrées sur la France hexagonale aujourd’hui.

Pour définir l’expérience des femmes vivant avec le VIH, j’ai essayé de récolter les qualificatifs qui ont été utilisés le long de la journée pour les caractériser :

« Ignorées, sous-représentées, négligées, vie affective sexuelle sacrifiée, peu connues, pas testées, pas prises en compte, souffrances, secret, silence, violences, précarité, vulnérabilités, sous représentées, insultées. »

Cette liste de mots nous rappelle qu’elles font face à beaucoup de défis, de choses difficiles, de tabous, de discriminations.

Pascale Bastiani a souligné une méconnaissance, un isolement, de la sérophobie, de la maltraitance, des classements par étiquettes mais elle a aussi raconté l’entraide entre personnes vivant avec le VIH (PVVIH) à travers son travail quotidien. Elles et d’autres continuent à montrer la force tirée du retournement du stigmate, les mots et adjectifs utilisés illustrent aussi cela :

« Qualité, engagements, disponibilité, debout, forte et courageuse, pionnières, visibles, illustres ou méconnues, engagées, inspirantes, témoins, militantes, fortes, sororité, courage, force de caractère, valeureuses. »

Et ces femmes ont des besoins, comme souligné collectivement dans l’atelier animé par Giovanna Rincon et Lydie Porée. Je vous les rappellerai le long de cette conclusion. Tout d’abord elles veulent :

« Des vies sexuelles épanouies, être écoutées, régularisées, qu’on respecte leur confidentialité, limiter leur charge mentale, avoir une voix qui compte, de l’alphabétisation, de l’autonomie financière, avoir de l’information et que le grand public soit informé sur le Tasp. »

Des chiffres et des violences

Ce matin, Karen Champenois et Anne Gosselin nous ont présenté la synthèse des différentes études sur le VIH. Dans l’histoire du VIH, il y a une vraie importance à produire des chiffres pour pouvoir exister dans la réponse ; être comptées pour compter. Dans le monde les femmes représentent 51% des personnes touchées par l’épidémie, 1/3 en France et un rappel a été fait que la mortalité due au sida existe encore. Il y a des données mais pas assez : les données sont anciennes, il y a peu de données sur la France et les études avec des données socio-économiques manquent.

Les chiffrent montrent tout d’abord que les femmes cumulent les vulnérabilités. Les études soulignent que ce ne sont pas les vulnérabilités biologiques mais bien les critères économiques et sociaux qui augmentent le risque d’acquisition du VIH et qui conditionnent l’observance au traitement. Les femmes déclarent deux fois plus de discriminations que les hommes, sans les lier à leur genre. La violence, la précarité rendent vulnérables et compliquent la prise des traitements. L’étude « Trans & VIH »1 soulève aussi l’importance des discriminations systémiques : les femmes trans ont besoin d’accès au travail qu’elles choisissent, de droits pour les femmes étrangères et de faciliter leur changement d’état civil.

Giovanna Rincon nous rappelle que les femmes et hommes trans sont encore plus invisibles dans les études.

L’étude Parcours a montré que les femmes d’Afrique subsaharienne se contaminent sur le sol français. Les prises de risques sexuels sont liées au manque de domicile stable et à la plus grande précarité des premières années passées en France. Une étude similaire est en cours en Guyane sur les migrants et migrantes haïtiennes, elle montre déjà que des expériences généralisées de violences sont liées au genre et à la situation de migration ainsi qu’au manque de droits.

La question des violences subies a été évoquée ce matin et approfondie cet après-midi par Fabienne El Khouri. Elle a souligné la multiplicité des violences et attester de l’importance de la violence économique liée au genre. Ces violences touchent encore plus les femmes

appartenant à des groupes minoritaires. La question des violences est aussi un problème d’hommes qui sont les principaux auteurs de viols ou « insistent » pour avoir des rapports sexuels, et traitent les femmes comme des propriétés. Les femmes qui vivent avec le VIH sont plus à risque de subir des violences conjugales. Les crises, comme celle du Covid-19, augmentent les effets de la marginalisation. Dans le public, il a été ajouté que les femmes sont aussi victimes des violences policières. Cette violence touche des populations spécifiques : travailleuses du sexe, migrantes, femmes trans.

Comme le mouvement #MeToo l’a mis en lumière, toutes les femmes sont exposées aux violences sexuelles, mais les plus précaires sont confrontées à niveau très élevés, provoquant des formes graves d’anxiété et de dépression. Les violences silencient et invisibilisent les femmes.

Il est important de proposer des espaces pour soigner les dégâts causés par ces abus. Je tiens à soulever que la situation s’aggrave depuis dix ans avec les difficultés grandissantes des routes de migrations et les attaques récentes sur l’AME. Il faut penser des endroits pour mettre à l’abri des femmes qui fuient les violences. Le champ du VIH peut porter ces revendications et lutter contre les violences structurelles racistes, classistes et sexistes.

Afin d’aller au-delà des chiffres, Vanessa Fargnoli nous a présenté son travail de doctorat qui porte sur des femmes suisses vivant avec le VIH. Ces enquêtées ne rentrent pas dans les cases des populations cibles, elles et leurs expériences en deviennent oubliées, invisibles. Son travail et les expériences des femmes questionnent quelles visions sont légitimes quand on parle de vie avec le VIH, qu’il est important de continuer à poser un regard critique et réflexif quand bien même nous avons aujourd’hui des molécules plus efficaces et moins toxiques. Rappelons-nous que toutes les avancées du VIH sont venues des pratiques et de la connaissance de leurs corps des patientes eux/elles-mêmes. Vanessa rappelle qu’au-delà des chiffres, il y a des vies singulières qui ne rentrent pas dans les cases, mais qui comptent.

Sur les enjeux et besoins de santé

Comme souligné dans l’enquête Flash, on voit encore de nombreux renoncements aux soins (30%) à cause des discriminations et des problèmes financiers. La sérophobie, le manque de temps disponible des professionnel·les, le manque d’information, la difficulté des démarches administratives et l’isolement rentrent dans l’équation. L’atelier participatif a souligné les besoins médicaux des femmes : elles veulent des médecins traitants, des gynécos bienveillant·es, informé·es et être incluses dans les études. En somme, être en confiance. Elles ont aussi besoin d’accompagnement social juridique administratif, d’interprétariat.

L’infectiologue Pascale Leclerc a diagnostiqué un besoin de soin large, de prise en charge globale. « On soigne des gens, pas le virus. Ce n’est pas la personne qui est indétectable, c’est la charge virale ». Dans les consultations : « il faut laisser les gens exprimer leur vie, ce n’est pas un interrogatoire. » Les femmes PVVIH ont des pathologies spécifiques, il est important de prendre en compte leurs pratiques en essayant de sortir de nos préjugés et en écoutant les femmes. Les femmes ont besoin de connaissance sur les pathologies, d’être rassurées sur les interactions médicamenteuses avec la contraception, elles plaident pour une amélioration des traitements. Des maladies fréquentes chez le PVVIH ont été décrites : risque leucémique, du foi, cancer, dépression etc… Pascale Leclerc rejoint Pascale Bastiani, qui nous a décrit comment les PVVIH autour d’elle vieillissent. Elles et ils sont confronté·es à des nouvelles pathologies souvent aggravées par une longue vie avec le virus et des traitements qui ont épuisé les corps. Des maladies et cancers mortels mais non classé « sida ».

Il a été soulevé par le public que les médecins et les autres professionnel·les ont encore pas mal de progrès à faire sur la question trans dans le but de permettre aux personnes trans une égalité de traitement dans les soins. Que ce soit dans les études, la prise en charge et l’écoute des personnes, il faut s’intéresser à elles et eux dans leurs termes et ne pas oublier les hommes trans.

Nous avons assisté à une table ronde intitulée « La prévention du VIH, genre et inégalités sociales de santé ». En interrogeant le genre de la PrEP, Hyppolite Regnault nous a montré comment les normes influencent l’élaboration des médicaments. Avec Sarah Demart, iels ont montré les rapports de pouvoir par rapport à la PrEP, la minorisation des savoirs des femmes, notamment racisées. Une ignorance fabriquée : les femmes concernées ne sont pas à la table des négociations, elles sont assignées comme témoins, jamais expertes. En déniant ces savoirs communautaires dans un environnement par un manque de données, cela pose la question suivante : quel prix vaut la santé des femmes ? Que faire des promesses de molécules qui enrichissent les labos ?

Depuis son travail de terrain, Lola Levy décrit une société française qui se paupérise et des nouvelles travailleuses du sexe. Elle aussi nous enjoint à briser les cases et les clichés. Nous sommes dans une société où les pratiques changent, notamment avec le numérique. Ces pratiques numériques du travail du sexe peuvent créer de l’isolement, un isolement par rapport aux personnes inspirantes qui possèdent un savoir communautaire de prévention. Depuis son terrain, des concepts se fabriquent pour décrire les pratiques. Il y a aussi des nouvelles manières d’envisager le savoir, de réinterroger des mots dont le sens se vide parfois comme le mot

« empowerment ». Lola nous parle de « savoirs circulants et circulaires », et « le laisser la place » qui viennent rappeler la nécessité de s’appuyer sur l’expérience des groupes concernés. Caroline Chanvre a conclu cette table ronde en restituant les ponts clairs entre les différentes interventions et la nécessité de faire des groupes de réflexion entre personnes concernées.

Lors de son intervention sur l’allaitement, Eva Sommerlatte nous a rappelé l’importance du nombre de femmes qui découvrent leur séropositivité pendant la grossesse, situation souvent très dure à vivre ou on apprend pour soi, pour l’enfant à venir, pour la famille… Eva a donné les recommandations sur l’allaitement de l’OMS, conseillée pour les femmes en charge virale indétectable, et pour une durée de 12 mois.

Personnellement, je suis heureuse de voir que les choses avancent, que les tabous sont retravaillés. Il est primordial de souligner l’importance de pouvoir avoir un choix dans la mise en place de l’allaitement comme dans tous les autres aspects de la vie des femmes. Il s’agit d’écouter les envies/les besoins des femmes et de prendre au sérieux l’indétectabilité. Le fait de ne pas le faire produit de grandes violences et des souffrances. Je souligne que c’est toujours étrange de voir des recommandations contradictoires, en Afrique où il est conseillé aux femmes d’allaiter alors que cela est interdit dans les pays des Nord. Il faut permettre aux femmes des Sud d’avoir accès à de l’eau de qualité, et permettre ici, aux femmes qui le souhaitent, d’allaiter leur enfant quand elles sont indétectables. Il faut les accompagner !!! Cela fait avancer tout le monde et permet de réduire les doutes, les culpabilités et les prises de risques.

C’est une question de justice reproductive.

L’histoire des femmes dans la lutte contre le sida, leur rôle hier et aujourd’hui.

Florence Thune a recontextualisé pour nous l’histoire et le rôle majeur des femmes dans la lutte contre le sida : en tant que chercheuses, témoins, activistes, expertes. Elle l’a fait en citant leurs noms, leurs combats et en montrant leurs images. Elle a cité ce magnifique documentaire :

Nothing for us without us : the Women who will end AIDS2, un film réalisé par une femme, Harriet Hirshorn, qui retrace une histoire à la fois longue et vivante de la lutte contre la VIH. Sarah Schulman a organisé quant à elle la création d’archives vidéo de Act-Up New York3 et, en produisant une histoire par le bas, par les acteurs et actrices qui l’ont portée, elle a démontré que la lutte contre le sida a depuis le départ été portée par des femmes cis et transgenres, des personnes noires, hispaniques. Des travaux sur l’histoire du VIH en France hexagonale et celle des Outre-mer pourrait s’inspirer de ce travail. Il serait bien d’écrire cette histoire, de rendre femmage à ces femmes inspirantes et à leur combats à la fois intime et souvent transnational.

Pour pallier au silence qui entoure la vie affective et sexuelle des femmes vivant avec le VIH nous avons assisté à une table ronde animée par Cécile Chartrain. Elle nous a rappelé les manques historiques de recherche sur la contraception, la PrEP, l’impact des antirétroviraux (ARV) sur la libido des femmes.

Nikolet Nkouka a rappelé qu’il ne faut pas considérer les femmes comme « vulnérables », c’est la société qui les vulnérabilise. Il faut faire attention de ne pas présenter les femmes comme des victimes avec le danger de les enfermer dans cette case. Les femmes sont fortes, agissent, proposent des solutions. Dans les associations, il y une volonté et un cadre pour permettre la libération de la parole. Nikolet a présenté le récit de personnes qui participent à ces ateliers. Elle nous enjoint à prendre le temps, et réfléchir aux espaces comme à des cocons.

Lydienne a partagé très courageusement son histoire. À travers ses expériences, elle a incarné un exemple de ce que c’est que de subir des violences, de ne pas être soutenue. Elle a aussi montré que la vie est plus complexe que ce qu’on pense et qu’on peut trouver du soutien, de l’amour. Des informations utiles qui changent la donne, donne de l’espoir.

Mary Basmadjian lie son histoire à celle des autres femmes du Réseau santé Marseille sud. Elle décrit la peur partagée par les femmes de contaminer leur partenaire, de dévoiler leur secret et la peur du rejet. Le Tasp est arrivé « à la vitesse d’un escargot » mais il produit une révolution dans la vie sexuelle, promouvons-le !

En fin de journée, Giovanna Rincon a rappelé qu’aucune étude n’existe sur la qualité de vie des femmes trans à cause du sujet clivant : travailleuses du sexe et femmes trans. À Acceptess T, elles ont observé trois types de sexualité : affective, lié au travail du sexe, récréative. (Ce n’est à priori pas si différent de comment les femmes cisgenre peuvent définir leur sexualité ?) Les femmes se posent la question de « Comment dire sa séropositivité ? », elles ressentent une honte d’être séropo, il y a une complexité pour le dire. Giovanna rappelle les responsabilités politiques de la dégradation de la vie affective et sexuelle des femmes trans. Il faut des études pour lutter contre le stigma et des fonds pour les associations.

Conclusion :

Certains sujets n’ont pas été abordé, ou peu, comme les effets secondaires des ARV ou les enjeux spécifiques dans les pays du sud qui connaissent toujours la plus grande incidence de l’épidémie. Nous nous sommes concentrées sur les « Suds des Nords » comme le disait Sandrine Musso4, en parlant des vulnérabilités des femmes migrantes dans la France hexagonale et en prenant (enfin) en compte les expériences des femmes trans. L’accès au molécules préventives a été central pour traiter de la prévention. Nous voyons que la lutte contre le VIH a une histoire importante mais aussi une actualité. C’est une lutte dynamique avec un riche passé et un présent dans lequel la lutte continue.

Aujourd’hui encore 1/3 des nouvelles contaminations concernent les femmes dans l’hexagone, et recevoir ce diagnostic, à cause de l’image que véhicule encore le sida, reste une épreuve. Il est important d’aider à sortir de l’isolement parce que la stigmatisation pousse dans l’ombre. Dans le collectif, on trouve de la force. Quand une femme découvre sa séropositivité, c’est en rencontrant d’autres personnes qui vivent la même chose qu’elle arrive à apprivoiser « la vie avec » ce nouveau virus. La visibilité et la reconnaissance mutuelle entre femmes qui vivent avec le VIH est importante.

Les femmes ont exprimé aujourd’hui le besoin d’espaces de parole, de groupes entre femmes, de lieux, d’accès à la garde d’enfant, de pouvoir allaiter sans peur, qu’on ne parle pas à leur place.

Dans l’espace médiatique les femmes ont été soit invisibilisées, soit présentées de manière stéréotypée, les enfermant dans des représentations sexistes : la mère innocente trompée, la femme originaire d’un pays d’Afrique, la transfusée, la droguée, la pute, représentations qu’a relevé Mary Basmadjian. Avec une opposition entre des femmes qui seraient des victimes et d’autres des coupables. Aujourd’hui, elles restent invisibles en tant qu’indétectables et en tant que public de la PrEP. L’image que les femmes ont d’elles-mêmes peut être dégradée.

C’est à nous/elles de se définir, de s’expliquer, de se connaitre et de se faire connaitre. Dans les initiatives des dernières années, les femmes se racontent, que ce soit dans l’exposition du Mucem « VIH/Sida, l’épidémie n’est pas finie » ou dans le spectacle Encore heureuses qui est un exemple lumineux et sensible de prise de parole des femmes qui vivent avec le VIH. Des femmes se racontent et en racontent d’autres, les voix se mêlent pour porter la diversité des histoires, des douleurs, des victoires.

#MeToo a libéré la parole sur l’intime, mais pas seulement, ce mouvement profond a desserré l’étau qui rendait l’organisation de femmes entre elles et/ou pour elles si dur dans l’espace social. Il faut s’emparer de cette possibilité, ne pas devoir se justifier d’exister politiquement est une charge mentale à rejeter. Il s’agit de se libérer. À la fois les femmes doivent s’emparer des espaces, mais on doit aussi leur permettre de le faire et même les encourager. Il ne s’agit pas seulement de créer des moments autour de la question « femmes et VIH » mais d’inclure les femmes et toutes leurs expériences spécifiques et ceci dans tous les moments de la lutte. Et les prendre au sérieux. Dans les États généraux des personnes vivant avec le VIH qui se tiennent l’année prochaine, il faut faire une place aux femmes et mesdames n’hésitez pas la prendre.

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1 https://sesstim.univ-amu.fr/fr/projet/trans-vih-anrs-14056

2 https://womanatthereel.com/

3 https://actupny.org/divatv/netcasts.html

4 MUSSO S., 2011. « Les suds du nord. Mobilisations de personnes originaires du Maghreb face l’épidémie de sida en France », In EBOKO F., BROQUA C. et BOURDIER F. (dir.), Les Suds face au sida. Quand la société civile se mobilise. Paris, IRD Editions : 231- 279, www.academia.edu/es/6186222/_Livre_Les_Suds_face_au_sida_quand_la_soci %C3 %A9t %C3 %A9_civile_s e_mobilise