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Cette enquête en 4 phases sur la période 2022-2023 a pour objet une comparaison des perceptions vis-à-vis de quatre types de vaccination : COVID-19, HPV, Grippe et Pneumocoque. Nous recherchons les facteurs psychosociaux impactant leur intention de vaccination ainsi que les actions à mettre en place pour améliorer ces comportements liés à la santé.

Partenaires

  • Actions Traitements est une association de patients, agréée pour représenter les usagers du système de santé. Créée en 1991 à l’initiative de personnes vivant avec le VIH, elle a pour but d’informer, d’accompagner, de soutenir et de défendre les droits des personnes vivant avec l’infection à VIH, les virus de l’hépatite, la tuberculose, les pathologies associées et les infections sexuellement transmissibles. Elle mène également des actions de prévention, notamment auprès de personnes exposées.
  • HAJIME AI est une SAS fondée par des psychologues sociaux et des ingénieurs informatiques, cette société développe des outils de prédiction de comportements et de mesure de l’observance thérapeutique. Ses travaux sont principalement basés sur des modèles existants dans la littérature scientifique de psychologie sociale.

Une synthèse des résultats de ces enquêtes a été présentée sous forme de poster, pendant le congrès de la SFLS (Société Française de Lutte contre le Sida), qui se tenait à Tours du 6 au 8 décembre 2023.

Les vaccins

COVID-19

La maladie de la covid-19, appelée SARS-CoV-2 est un variant du coronavirus, il est apparu en chine fin 2019. Ce nouveau virus provoque une maladie infectieuse respiratoire avec pour symptômes principaux de la fièvre, une toux, des maux de tête et une fatigue inhabituelle. La Covid-19 est une maladie très contagieuse qui peut avoir des conséquences graves, elle a fait 6 813 845 décès dans le monde. La campagne de vaccination a été lancée fin 2020. Aujourd’hui 4496 cas par jour en France sont recensés et 80,5% des français ont reçu au moins une dose.

HPV

Le papillomavirus est un virus sexuellement transmissible, elle touche autant les femmes que les hommes. La plupart du temps elle reste bénigne et est éliminée par l’organisme mais dans 10% des cas elle peut évoluer en cancers. Chaque année en France 3000 nouveaux cas sont recensés et provoquent 1000 décès. En 2019 seulement 28% des filles de 16 ans ont reçu un schéma vaccinal complet.

GRIPPE

La grippe est une maladie infectieuse très contagieuse, elle se transmet par voie aérienne. En France, elle est la première cause de mortalité pour ce type de maladie. Elle a comme symptômes principaux une fatigue intense, des douleurs musculaires, des maux de tête et une toux. Elle touche tout le monde mais à des conséquences plus ou moins graves selon la fragilité de l’individu. En France 2 à 8 millions de personnes contractent la grippe et 10 000 à 15 000 en décèdent. En 2022 sont recensé 52,6% des personnes à risque (personnes âgées, etc) qui ont été vaccinés.

PNEUMOCOQUE

Le pneumocoque, une bactérie présente dans les voies respiratoires, cause 15 millions d’infections graves annuelles dans le monde, avec plus de 800 000 décès d’enfants de moins de 5 ans attribués à cette infection, selon l’OMS. La mortalité associée varie de 10 % à 30 %. En France, les pneumocoques sont une cause fréquente d’otites aiguës et de méningites chez les enfants de moins de 2 ans, ainsi que la première cause de pneumonie bactérienne et de méningite chez les adultes. Le vaccin contenant 13 sérotypes offre une protection élevée, dépassant 90 % pour les nourrissons. La généralisation de la vaccination a considérablement réduit le nombre de méningites et de pneumonies à pneumocoques chez les enfants, avec un impact positif également observé chez les adultes et les personnes âgées grâce à l’immunité de groupe.

Méthodologie

Critères d’inclusion

Patients majeurs ayant accès à internet via un téléphone ou un ordinateur. L’association partenaire s’adresse essentiellement à des patients atteints de VIH, nous n’avons pas retenu cela comme un caractère discriminant à l’inclusion. Les questionnaires étaient ouverts à tous.

Mode de passation

Les questionnaires sont passés via l’interface de la plateforme KUMO appartenant à la société HAJIME AI. Le lien de passation est fourni aux participants par la ou les association(s) de patients en partenariat dans l’enquête. Ces liens sont diffusés via leurs sites internet ou blogs, via newsletter ou via leurs réseaux sociaux. Les passations de questionnaire par les participants sont anonymes. Elles sont également uniques, un même participant ne pouvant passer deux fois le même questionnaire. Chaque participant est informé du traitement qui sera fait des données collectées.

Mesures

L’échantillon retenu ici (porteurs du VIH) est de 141 participants, divisés ainsi : 43 participants pour le vaccin COVID-19, 14 participants pour le vaccin HPV, 37 participants pour le vaccin Grippe et 47 répondants pour le vaccin Pneumocoque.

Le questionnaire évalue l’intention d’observance, la perception du vaccin, le soutien perçu dans l’entourage, la capacité à surmonter les barrières identifiées, ainsi que le comportement passé sur le sujet de la vaccination.

Les scores sont évalués avec des échelles en 7 degrés. Nous avons pris également en compte plusieurs variables catégorielles des participants, notamment le genre, l’âge, le niveau d’études, la CSP ainsi que la séropositivité. Les analyses statistiques ont été réalisées à l’aide du logiciel JAMOVI.

Les modèles et facteurs utilisés :

La Théorie du Comportement Planifié (TCP) est l’un des modèles de prédiction et d’explication les plus utilisés dans la psychologie de la santé. Développé par Ajzen en 1991, elle permet non seulement de prédire un comportement donné mais également d’en comprendre les freins et identifier les leviers. Il est adapté ici comme décrit sur le schéma ci-dessous et se décompose en 4 sous-facteurs :

  • La perception du comportement (aussi appelé attitude) : est-il considéré comme plutôt positif ou négatif ?
  • Le soutien perçu correspond à la pression sociale perçue par l’individu pour adopter le comportement. Cela concerne les attentes et le soutien social perçus par les différents groupes qui composent l’environnement de l’individu (ses proches, ses amis, sa famille, ses professionnels de santé…) et va nourrir ses normes subjectives ;
  • La capacité à surmonter les difficultés liées au comportement (ou contrôle perçu) représente la facilité/difficulté à surmonter les différentes barrières à l’adoption du comportement. Ce facteur est ici divisé en deux parties, d’abord une évaluation de la capacité à surmonter les difficultés puis une évaluation des barrières perçues de manière plus précise.
  • L’intention de comportement, qui est à ce jour le meilleur prédicteur de l’adoption d’un comportement donné. Notre enquête porte sur l’analyse de ces 4 sous-facteurs et de leurs interactions combinées à d’autres variables sociodémographiques.

Notre enquête a inclus d’autres facteurs issus des modèles de la psychologie sociale de la santé afin d’affiner les résultats et prolonger l’analyse. Ces facteurs sont les suivants :

  • Regret anticipé : Ce concept décrit, dans la psychologie sociale, le fait de ressentir du regret pour une décision qui n’a pas encore été prise. Il se produit lorsque les individus imaginent les conséquences négatives possibles d’une décision potentielle. Le regret anticipé est souvent associé à des décisions qui ont des conséquences à long terme, comme les choix de carrière ou les décisions financières. Les individus peuvent également ressentir du regret anticipé pour des décisions qui ont des conséquences sociales, comme refuser une invitation à une fête ou rompre une relation amoureuse. Les gens peuvent utiliser le regret anticipé pour éviter de prendre des décisions difficiles ou pour éviter de prendre la responsabilité de décisions qui pourraient avoir des conséquences négatives.
  • Vulnérabilité perçue : C’est un concept clé issu du Modèle des Croyances de Santé, utilisé pour comprendre comment les individus perçoivent les risques de développer des maladies et comment ils gèrent les facteurs de risque de santé. Elle représente la croyance qu’un individu a quant à sa propre vulnérabilité à développer une maladie ou un problème de santé. Cette croyance peut être influencée par des facteurs tels que les antécédents familiaux, les résultats de dépistage médical, les comportements de santé actuels et les croyances culturelles. Les individus qui perçoivent une vulnérabilité élevée peuvent être plus susceptibles de prendre des mesures pour réduire leur risque de maladie, comme adopter des comportements sains, suivre les recommandations médicales et consulter régulièrement un médecin.
  • Gravité perçue : Ce concept est également issu du Modèle de Croyances de Santé. Il se réfère à la croyance qu’un individu a quant à la gravité d’une maladie ou d’un problème de santé potentiel. Notamment influencée par la nature des symptômes, les risques associés à la maladie, les informations médicales à disposition et les expériences de santé antérieures, la gravité perçue a une incidence sur les comportements de santé des individus comme les consultations médicales et le suivi des recommandations.

Résultats les plus marqués

On constate que le vaccin grippe (moyenne = 5.89) est celui présentant l’intention la plus élevée, mais aussi la perception la plus positive. Il est perçu comme plus utile (moyenne = 5.78) et moins risqué (moyenne = 5.97) que les autres.

Il n’y a aucune différence significative sur les normes perçues vis-à-vis de la vaccination en général. Les individus considèrent ce comportement comme socialement soutenu et même encouragé par leur entourage ainsi que par le corps médical.

Le vaccin grippe bénéficie également d’un contrôle perçu plus élevé (moyenne = 6.25). Autrement dit, il est considéré comme plus facile d’accès et ayant moins de barrières à l’accès.

Ne pas se faire vacciner contre le HPV est perçu comme plus grave (moyenne = 5.64) que les autres et les individus se considèrent comme plus vulnérables aux pathologies induites (moyenne = 5.36).

Même sur le vaccin grippe qui bénéficie de la meilleure perception et du meilleur contrôle, le taux d’oubli déclaré de la vaccination est très élevé (moyenne = 5.65).

Conclusion principale

  • Le vaccin contre la grippe bénéficie d’une image nettement plus positive que les autres vaccins. Ceci s’explique assez aisément par les efforts mis sur les nombreuses campagnes de prévention et d’appel à la vaccination depuis quelques années.
  • Le médecin est perçu par les patients comme le relai et le soutien numéro 1 sur les questions de vaccination. Il est donc essentiel de l’armer d’outils lui permettant à la fois de convaincre les patients de l’importance de la vaccination mais également de leur faciliter l’accès aux vaccins.
  • Même si le médecin est le vecteur principal, en fonction du profil comportemental du patient et du vaccin ciblé, les clefs d’action à activer pour passer de l’intention à l’action de vaccination ne sont pas les mêmes.

LE RÔLE MAJEUR DU PROFESSIONNEL DE SANTÉ

Un acteur majeur de cette information se trouve être les professionnels de santé. Une enquête de BVA (2019) a révélé que 97 % des parents répondants déclarent suivre les conseils de leur médecin (60 % toujours et 37 % souvent) lorsqu’il recommande la vaccination, et 86 % l’identifiant comme leur principale source d’information sur ce sujet. Les médecins généralistes jouent un rôle déterminant dans l’information et dans la recommandation de la vaccination contre les HPV.

 L’information que peuvent transmettre les professionnels de santé permet d’augmenter la connaissance des patients et des parents sur la vaccination, de mieux comprendre les enjeux et de favoriser les intentions de vaccination. Une communication sur le vaccin par le médecin peut notamment permettre de pallier aux intentions de vaccination plus faibles chez les femmes observées dans cette étude.

En effet, on peut relier ces résultats à une sensibilisation plus accrue des femmes sur le vaccin et donc une plus grande méfiance due aux polémiques et désinformations ayant entouré le vaccin ces dernières années. Cette méfiance se retrouve notamment dans les témoignages des participants : “Ma mère était contre, parce qu’il y avait plein de rumeurs”, “le pédiatre qui l’avait conseillé mais je n’ai pas fait les autres doses. On a déménagé et y a eu une polémique à ce moment-là.” Les professionnels de santé se posent comme des figures de confiance et de soutien dans la prise de décision de santé.

On peut par ailleurs retrouver dans la littérature des corrélations entre le niveau de connaissance sur la grippe et le taux de vaccination antigrippale, mettant en avant l’importance des campagnes d’information (Camerlynck et al., 2012).

Les professionnels de santé ont effectivement un rôle à jouer notamment au travers de leur exemplarité sur le sentiment d’efficacité du vaccin. Si le taux de vaccination de ces professions a tendance à augmenter, ce n’est pas la majorité d’entre eux qui sont vacciner contre le virus de la Grippe.

Le simple fait de montrer l’exemple influence bien l’intention de vaccination dans la population : des professionnels de santé d’un hôpital suisse portaient un badge sur lequel il était marqué « je suis vacciné·e contre la grippe pour vous protéger » (Iten et al., 2013). Ce simple nudge favorisait derrière l’intention des patients à aller se faire vacciner. L’effet de modèle est d’autant plus fort lorsque ce sont des personnes de confiance tels que des professionnels de santé qui réalisent ce comportement et montrent publiquement leur adhésion à la vaccination (Leask et al., 2012).

De fait, les messages transmis par les professionnels de santé, de surcroit public, seraient une bonne source d’information pour rassurer la population (Brewer et al., 2017) quant à la vaccination grippe. Il apparait même que cet effet modèle s’applique à d’autre personnes de confiance pour les individus tels que les influenceurs. En effet, une étude de 2020 (Bonnevie et al., 2020) a montré qu’une prise de position publique en faveur de la vaccination contre la grippe de la part d’influenceurs favorisait une attitude positive à la vaccination et la rétention d’informations relatives au vaccin. En d’autres termes, les cibles étaient mieux informées et plus enclines à se faire vacciner contre la grippe.

QUELQUES CLÉS D’ACTION

1. Comprendre les mécanismes cognitifs d’évaluation de la vaccination

  • Le message de santé relatif à la vaccination déclenche deux processus cognitifs chez un individu : L’évaluation de la menace, à savoir s’il se sent à risque d’attraper la pathologie et s’il la considère comme grave pour sa santé. S’il estime la menace crédible, alors il passera au deuxième processus.
  • L’évaluation de l’efficacité du comportement ciblé, le vaccin est-il efficace pour le protéger de la pathologie et se sent-il capable d’aller se faire vacciner (peur de la piqûre, des effets secondaires, accessibilité des lieux de vaccination…). Si l’individu perçoit la menace mais pas l’efficacité du comportement ciblé, alors il va activer un mécanisme de défense : il va rejeter le message d’appel à la vaccination pour contrôler sa peur. Si l’individu perçoit la menace et l’efficacité du comportement ciblé, alors il va activer un mécanisme de contrôle du danger : il va accepter le message d’appel à la vaccination et se mettre en action.

2. Utiliser la communication engageante pour changer les comportements

Source : Girandola, F., & Joule, R. V. (2008). La communication engageante. Revue électronique de psychologie sociale, 2, 41-51.
Sur des comportements tels que la vaccination, le simple apport d’information ne suffit pas. En effet, de nombreuses études (et cette enquête le démontre également) montrent que bien que les individus soient pleinement conscients des dangers de leurs comportements ils n’en changent pas pour autant. C’est ce que Lewin appelait la différence entre la « sphère des idées » et la « sphère des comportements ». Alors comment faire le lien entre ces deux sphères ?

En appliquant une communication engageante :

  • Tout d’abord préparer un argumentaire de persuasion, comme le font la plupart des campagnes de sensibilisation et de prévention. En apportant de l’information sourcée, le message est perçu plus juste et est plus impactant.
  • En accompagnant cet apport d’information d’un acte engageant. Il s’agit d’accompagner les individus dans leur décision à s’engager dans un comportement en les aidant à verbaliser ou à signifier leur engagement à le faire. Si cet engagement est public, il sera plus fort.

Exemple : Après une explication du médecin ou du pharmacien visant à expliquer les avantages de la vaccination, demander verbalement au patient s’il s’engage à se faire vacciner dans les trois prochains mois. Les patients qui auront alors accepté auront beaucoup plus de chance d’aller se faire vacciner grâce à cet acte d’engagement public !

3. Petit traité de vaccination à l’usage des honnêtes médecins

Mesurer la menace perçue : Sur une échelle de 1 à 10, à quel point pensez-vous être à risque d’attraper cette pathologie ?

De 1 à 6 : il ne se sent pas véritablement menacé, que faire :

  • Renforcer le bénéfice pour ses proches (norme altruiste), pour la société
  • Renforcer le rapport coût (faible) / bénéfice social (fort)

7 et plus : le patient se sent menacé, que faire :

  • Si le patient se sent menacé, il s’agira ainsi de rediriger ce sentiment de menace vers des actions concrètes comme la protection par le vaccin. -> efficacité du vaccin
  • Pour cela il faut s’assurer de l’efficacité perçue du patient. -> Renforcer sa confiance envers le vaccin

Mesurer l’efficacité perçue : De même sur une échelle de 1 à 10, comment noteriez-vous l’efficacité de ce vaccin ?

De 1 à 6 : il y a un doute sur l’efficacité, que faire :

  • Apporter des informations sur l’efficacité du vaccin, si possible citer des sources
  • Apporter de la transparence sur le processus de vaccination (comment cela se déroule, ce que le vaccin permet d’éviter…)
  • Rappeler ses faibles risques (pour les patients exprimant une crainte d’effets indésirables)

7 et plus : il considère le vaccin comme efficace, que faire :

  • Renforcer sa motivation / diminuer la peur par la norme sociale (x% des patients dans votre situation se font vacciner chaque année)
  • Planifier la vaccination (quand, où, comment)
  • Faire exprimer à voix haute son engagement à se faire vacciner