Source : Catie
On a mené de grands essais cliniques pivots sur les vaccins contre la COVID-19 auprès de dizaines de milliers de personnes séronégatives. Nous disposons cependant de peu de données sur l’effet de ces vaccins chez les personnes vivant avec le VIH.
En Angleterre, des équipes de recherche de Londres et de l’Université Oxford ont collaboré à une étude portant sur 54 adultes séropositifs qui avaient reçu deux doses du vaccin d’AstraZeneca contre la COVID-19.
Avant de s’inscrire à l’étude, toutes les personnes suivaient un traitement du VIH (TAR) et avaient une quantité indétectable de ce virus dans leur sang (charge virale), ainsi qu’un compte de cellules CD4+ relativement élevé. Le suivi a duré presque deux mois. À des fins de comparaison, les équipes ont analysé des données se rapportant à 50 adultes séronégatifs qui avaient également reçu le vaccin d’AstraZeneca.
Selon les équipes de recherche, les effets secondaires post-vaccination ont été semblables chez les deux groupes, et aucun effet secondaire grave n’a été signalé.
Les taux d’anticorps anti-SRAS-CoV-2 ont augmenté après la vaccination et sont restés détectables jusqu’à la fin de l’étude. La capacité des lymphocytes T à déclencher une réponse au SRAS-CoV-2 s’est également renforcée après la vaccination et s’est maintenue jusqu’à la fin de l’étude. Aucune différence significative n’a été constatée entre les personnes séropositives et les personnes séronégatives en ce qui concerne les taux d’anticorps et les réponses des lymphocytes T après la vaccination.
Les résultats de cette petite étude indiquent que le vaccin d’AstraZeneca est sûr, et qu’il pousse le système immunitaire à fabriquer et à maintenir des anticorps et des lymphocytes T qui s’attaquent au SRAS-CoV-2 chez des personnes séropositives en bonne santé sous TAR.
Détails de l’étude
Les sujets de cette étude participaient à un grand essai clinique de phase II/III du vaccin d’AstraZeneca contre la COVID-19. Recrutées en novembre 2020, elles ont reçu par la suite deux doses du vaccin à quatre à six semaines d’intervalle.
Les participants séropositifs (tous des hommes) avaient le profil moyen suivant au début de l’étude :
- âge : 43 ans
- principaux groupes ethnoraciaux : 85 % de Blancs; 7 % de personnes métissées, 4 % d’Asiatiques
- compte de CD4+ : 700 cellules/mm3
- charge virale en VIH : moins de 50 copies/ml
À des fins de comparaison, les équipes de recherche ont analysé les données recueillies auprès de 50 adultes séronégatifs, soit 26 hommes et 24 femmes âgés en moyenne de 39 ans à peu près.
Résultats
Aucun effet secondaire grave ne s’est produit; la plupart des effets secondaires ont été légers ou modérés dans les deux groupes.
Chez les personnes séropositives, les effets secondaires systémiques courants incluaient les suivants après la première dose du vaccin :
- fatigue : 49 %
- mal de tête : 49 %
- douleur musculaire : 36 %
- malaise général : 34 %
- frissons : 23 %
- douleur articulaire : 9 %
Les personnes séronégatives ont fait état d’effets secondaires similaires et d’intensité semblable après la première et la deuxième dose du vaccin. Cependant, chez les personnes séropositives, les effets secondaires semblent avoir été moins prononcés après la deuxième dose.
Vaccins : entraînement du système immunitaire
Les vaccins entraînent le système immunitaire à reconnaître un microbe envahissant, dans ce cas le virus appelé SRAS-CoV-2. Il existe d’ordinaire deux sortes de réponses générales à la vaccination :
- Des anticorps sont créés pour aider le système immunitaire à identifier le SRAS-CoV-2 et, dans certains cas, à empêcher ce dernier de causer l’infection.
- Certaines cellules du système immunitaire, soit les lymphocytes T et les cellules tueuses naturelles, apprennent à reconnaître et à attaquer les cellules infectées par le SRAS-CoV-2.
Résultats concernant les anticorps
Selon les analyses de sang effectuées auprès des personnes séropositives, les taux d’anticorps contre le SRAS-CoV-2 ont atteint leur sommet 14 jours après la deuxième dose du vaccin. Après ce moment, les quantités d’anticorps sont restées stables pendant toute l’étude. Aucune différence significative n’a été constatée entre les personnes séropositives et les personnes séronégatives en ce qui concerne les taux d’anticorps.
Chez les personnes séropositives, les comptes de cellules CD4+ se situaient entre 300 cellules/mm3 et 1 100 cellules/mm3 au cours de l’étude. Le vaccin n’a pas eu d’impact sur les comptes de cellules CD4+. De plus, les réponses des anticorps ont été semblables après la vaccination, peu importe le compte de CD4+.
Chez un sous-groupe de 15 personnes séropositives, les équipes de recherche ont analysé la capacité des anticorps générés par la vaccination à empêcher l’infection des cellules par le SRAS-CoV-2. Après la vaccination, des taux d’anticorps suffisamment élevés pour bloquer l’infection par le SRAS-CoV-2 ont été détectés chez 13 personnes sur 15, et ces taux ont continué d’augmenter au cours de l’étude.
Résultats concernant les lymphocytes T
Les équipes ont utilisé différentes techniques pour évaluer la capacité des lymphocytes T à déceler le SRAS-CoV-2 et à y répondre. Elles ont trouvé que les réponses antivirales étaient les plus fortes entre le 14e et le 28e jours suivant la première dose du vaccin. Après cette période, la capacité des lymphocytes T à répondre au virus a faibli mais elle est restée détectable jusqu’à la fin de l’étude. Aucune différence significative n’a été constatée entre les personnes séropositives et les personnes séronégatives en ce qui concerne les réponses des lymphocytes T.
Activation immunitaire excessive
L’infection au VIH, qui est chronique, provoque une activation immunologique persistante chez les personnes atteintes. Les taux d’activation immunologique sont alors plus élevés chez les personnes séropositives que chez les personnes séronégatives en bonne santé. L’amorce du TAR et l’atteinte et le maintien d’une quantité indétectable de VIH dans le sang permettent de réduire énormément l’activation immunologique excessive, mais sans pour autant la normaliser. De l’avis de nombreux scientifiques, l’activation immunologique excessive alimente l’inflammation et contribue ainsi à la lente dégradation des systèmes organiques chez les personnes vivant avec le VIH.
Compte tenu de ce risque d’activation immunologique, il est important d’évaluer les interventions comme les vaccins contre la COVID-19 pour déterminer leur impact éventuel sur le fonctionnement du système immunitaire. La bonne nouvelle à cet égard est que le vaccin d’AstraZeneca n’a pas augmenté l’activation du système immunitaire. De plus, le vaccin s’est révélé efficace, peu importe les taux d’inflammation observés chez les personnes séropositives avant la vaccination.
À retenir
Même si cette étude a porté sur un faible nombre de personnes, elle a révélé que le vaccin d’AstraZeneca contre la COVID-19 était généralement sans danger et amenait le système immunitaire des personnes séropositives à lancer une réponse appropriée. Les équipes britanniques ont effectué de nombreuses analyses immunologiques qui devraient inspirer d’autres équipes à mener des études semblables sur d’autres vaccins contre la COVID-19 administrés aux personnes séropositives.
Cette étude n’a pas été conçue pour évaluer les effets du vaccin quant à la prévention de la maladie. Les équipes de recherche britanniques ont cependant souligné ceci : les réponses immunitaires observées chez les personnes séropositives après la vaccination étaient semblables à celles rapportées lors d’études de plus grande envergure où les vaccins ont bel et bien réduit le risque d’infection par le SRAS-CoV-2 et de COVID-19 chez des personnes séronégatives. Les équipes britanniques se sentent donc encouragées par les résultats de cette petite étude.
À l’avenir
Les personnes inscrites à cette étude étaient en bonne santé, se portaient bien et avaient un compte de CD4+ de 350 cellules/mm3 ou plus. Rappelons toutefois que certaines personnes séropositives peuvent avoir un compte de CD4+ plus faible même si elles suivent fidèlement leur TAR et maintiennent une charge virale indétectable. Des études devraient être menées pour explorer l’effet des vaccins anti-COVID-19 sur les personnes ayant un compte de cellules CD4+ plus faible ou des préoccupations sous-jacentes comme les suivantes :
- cancer
- greffe d’organe
- prise d’anti-inflammatoires puissants pour la polyarthrite rhumatoïde, l’inflammation intestinale (maladie de Crohn, colite), le psoriasis ou d’autres affections
Ces équipes britanniques prévoient poursuivre la collecte et l’analyse de données auprès de ce groupe de personnes au sixième et au 12e mois suivant la vaccination. Notons que les données en provenance du Royaume-Uni dont nous venons de rendre compte ont été soumises à la revue Lancet HIV mais n’ont pas encore fait l’objet d’un examen par des pairs. Il est donc important de considérer ces résultats comme préliminaires, quoique prometteurs.