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Source : Seronet 

José a 56 ans, quatre enfants et six petits-enfants. Il vit avec le VIH depuis 1992. Jean-Louis a 66 ans, quatre enfants et six petits-enfants. Il vit avec le VIH depuis 2005. Ils ne se connaissent pas et ne se sont jamais parlé. Aujourd’hui, ils participent à un entretien croisé.

Dans quelles circonstances avez-vous découvert votre séropositivité ?

Jean-Louis : Il faut savoir que j’ai eu une première vie hétérosexuelle avec femme et enfants. En parallèle, j’ai dû gérer un problème d’alcoolisme et une homosexualité refoulée. En 1999, avec l’arrêt de l’alcool, j’ai ressenti le besoin d’assumer mon homosexualité. J’en ai d’abord parlé dans un groupe de parole sur le lieu de sevrage. À l’époque, je me considérais comme un « monstre », mais j’ai intégré un groupe de pères de famille gays au sein de l’association LGBT David et Jonathan (1). Cela m’a donné la force d’en parler à mes enfants qui ont accueilli cette nouvelle, même si cela n’a pas été évident au début. Ils ne mesuraient pas en quoi ils étaient concernés. Quelques années plus tard, en 2005, j’ai fait une demande de prêt immobilier à une banque et comme j’avais eu une hospitalisation récente de 30 jours, la banque a exigé un bilan de santé. C’est à l’occasion de ce bilan que j’ai eu un dépistage VIH, sans en être informé. Je ne m’attendais pas du tout à un résultat positif. Le prêt bancaire m’a été refusé en raison du VIH ; ce que j’ai vécu comme une injustice, une incohérence et une discrimination.
José : Je suis originaire du Cap Vert et j’ai découvert ma séropositivité en prison au Portugal en 1992. Je venais d’être incarcéré pour trafic et usage de drogue. C’était un test obligatoire à l’entrée en prison. Le résultat m’a surpris sur le moment et puis, en faisant le point sur ma vie, j’ai réalisé que j’avais un parcours compliqué en tant que dealer et consommateur de drogue et puis je fréquentais des femmes, à droite à gauche, donc je n’ai jamais vraiment su si j’avais été infecté par voie sexuelle ou en consommant de la drogue par injection. Mes craintes principales au début étaient le risque de l’avoir transmis à ma compagne et aussi la peur de ne pas voir grandir mes enfants. On m’a mis sous AZT (2), mais j’avais trop de mal à supporter les effets indésirables. J’avais des vomissements, de la diarrhée, etc. J’ai fini par arrêter. Ce qui m’a sauvé, c’est le sport. J’étais très inspiré par Magic Johnson (3). En prison, je me suis mis à fond dans le sport de combat. Le sport faisait du bien à mon physique et aussi à mon mental. Malgré tout, ma santé s’est dégradée avec le temps. En 1999, j’ai été hospitalisé en stade sida avec une tuberculose de la rate. Comme j’étais mal soigné au Portugal et que je ne voulais pas finir mes jours en prison sans revoir mes enfants, j’ai décidé de m’enfuir en France. J’étais en pyjama quand j’ai fui l’hôpital ! Arrivé en France, j’ai été hospitalisé à l’hôpital Delafontaine, pendant deux mois. On m’a retiré la rate, on m’a mis sous traitement pour soigner ma tuberculose et sous trithérapie. Petit à petit, ma santé s’est améliorée. Le Portugal a demandé mon extradition, mais j’ai pu rester en France car je me suis reconstruit une vie stable avec ma famille et un emploi. L’ironie de la vie c’est que dans le cadre de mon travail (4), j’ai été nommé référent santé en prison !
Jean-Louis : Tu as un parcours extraordinaire, une belle revanche sur la vie et le VIH !

Vos parcours de vie respectifs sont à la fois très différents et avec des points communs notamment le fait d’être tous les deux pères et d’avoir connu des périodes de consommation de drogue. Quels impacts ont eu le VIH et votre consommation de drogue sur votre vie familiale ?

Jean-Louis : J’ai vite ressenti le besoin de parler du VIH que ce soit auprès de ma famille ou de mon patron. Mon patron a été très soutenant et il m’a proposé d’en faire une démarche dynamique pour l’entreprise et sensibiliser les équipes au VIH et aux maladies chroniques avec la mise en place d’une charte dans l’entreprise. Mes enfants se sont inquiétés bien sûr. Ce qui était compliqué pour moi à chaque fois que je l’annonçais à une personne différente, c’est que je ne savais à quoi les gens associaient le VIH. Est-ce qu’ils voyaient la mort ? Une sexualité multi-partenaires ? Ce qui m’a aidé, c’est de m’impliquer dans l’associatif en tant que bénévole chez Basiliade (5). La drogue est arrivée dans ma vie longtemps après, vers 2015. J’ai rencontré un homme qui m’a initié au slam et j’ai vécu une longue descente aux enfers à cause du chemsex (6). Cette relation m’a rendu accro à la drogue ; il m’a manipulé, agressé et volé de grosses sommes d’argent. J’ai dû appeler ma famille à l’aide et j’ai senti que c’était compliqué pour eux à gérer. Il y avait déjà eu l’homosexualité, puis le VIH et maintenant la drogue. Mais ils m’ont soutenu comme toujours avec bienveillance, en particulier mes fils et mon ex-femme avec qui j’ai gardé des liens très forts et qui a proposé de m’héberger à un moment où je subissais des menaces physiques graves. Mon problème avec le chemsex, c’est que j’ai commencé ma sexualité avec les hommes très tard et j’avais peur de ne pas plaire, de finir seul. La drogue était un moyen de faire des rencontres affectives et sexuelles, mais aussi de dépasser mes inhibitions. C’était illusoire bien sûr, mais j’étais dans le déni. J’en ai bavé, mais aujourd’hui je suis abstinent depuis 53 jours et c’est un combat quotidien pour ne pas replonger.
José : Quand j’ai été hospitalisé deux mois en France en stade sida, j’ai dû annoncer ma séropositivité à ma famille, ce qui n’a pas été facile car ils ne s’y attendaient pas, mais ils m’ont soutenu. En ce qui concerne ma consommation de drogue, je cachais tout à mon entourage, au début. Un jour, j’étais chez mon neveu, j’ai fait une injection dans les toilettes et puis j’ai eu une mauvaise réaction. Mon neveu a dû me maintenir au sol car je poussais des cris et ils ont retrouvé la seringue dans les toilettes. J’ai fait un autre « bad trip » dans la chambre de mon fils. Il me tenait contre lui et c’est à ce moment que j’ai eu le déclic de ce que je faisais subir à ma famille à cause de la drogue. Je suis abstinent depuis huit ans et c’est grâce à mes enfants, ils m’ont sauvé la vie.
Jean-Louis : La réaction de tes enfants a eu un impact énorme et pour moi aussi. C’est un regard très pur, très sain et qui compte beaucoup. Je me sentais démuni face au regard et à l’inquiétude de mes enfants et c’est plus ça qui m’a fait arrêter que le reste. J’avais très peur de perdre mes enfants à cause de la drogue. L’année dernière, mon fils, qui a suivi ma descente aux enfers, s’est marié et il m’a dit : « Papa, je te kiffe ». Ça m’a beaucoup ému.
José : Pour moi aussi, le soutien et l’amour de mes enfants m’ont donné la force d’arrêter.

=> Pour lire la suite de l’interview, se rendre sur : Seronet