Source : VIH.org
La crise du Covid-19 a frappé l’hôpital public tel un tsunami. Patients vivant avec une maladie chronique et «prépeurs» pris en charge dans les services d’infectiologie, toutes et tous se sont retrouvés dans le même bateau. Une situation inédite qui a eu des conséquences non négligeables sur la santé mentale de tous les acteurs et actrices, chahutés entre risque de contamination et confinement.
Quand le pire du Covid-19 a déferlé, il a réveillé de douloureux souvenirs dans les services d’infectiologie des hôpitaux français : c’était comme se prendre «deux tsunamis à plus de 30 ans de distance», explique Nadine Trocmé (SFLS), en ouverture de la session consacrée aux impacts psychologiques du Covid 19 chez les personnes vivant avec le VIH (PVVIH), les prépeurs et les soignants, lors de l’e-congrès 2020 de la Société française de lutte contre le sida (SFLS).
Une impression de familiarité renforcée par le fait que beaucoup d’infectiologues ont pris la parole dans les médias. «Soudain, on ne voyait plus qu’un discours médical», explique Serge Hefez, psychiatre des hôpitaux et responsable d’ESPAS, un réseau parisien de soutien psychologique et psychiatrique pour les personnes concernées par le sida et les hépatites: «Cette irruption du risque de mort dans une société qui se veut invincible a créé le même fracas que l’irruption du VIH en son temps, en “cristallisant” les mêmes terreurs que le sida.» Mais rapidement, le vécu de l’épidémie n’est pas le même: «Très peu de mes patients VIH ont fait l’analogie entre leur expérience du VIH et leur expérience de la crise du Covid malgré tous ces signifiants identiques – «séropositivité», «test de dépistage», etc.– qui circulaient. Le VIH, c’est encore aujourd’hui le virus de l’exclusion. Et le Covid a été un virus “inclusif” en quelque sorte, malgré quelques tentatives de désignations de boucs émissaires, il a beaucoup renforcé le lien social, en nous forçant à vivre une expérience commune avec, par exemple, les plus jeunes qui doivent faire attention et se « sacrifier » pour protéger les plus âgés ; ça a aussi donné un moment de cohésion.» Les personnes séropositives suivies, qui très souvent avaient été très stigmatisées dans leur parcours de vie et de soin, se retrouvaient soudainement dans une toute autre dynamique, dans des processus de protection mutuels inédits.
Une ligne d’écoute pour répondre aux questions
Patrick Papazian, médecin sexologue à Bichat et la Pitié Salpêtrière, reste lui aussi prudent quand il s’agit de comparer la crise du VIH et celle du Covid-19, même si cette nouvelle mobilisation extraordinaire a permis l’émergence, comme dans les années 1980, des initiatives inédites. C’est ainsi que la «Ligne C», une ligne d’écoute d’initiative citoyenne, dédiée à l’information des personnes vivant avec une maladie chronique en temps de Covid-19, a vu le jour: En l’absence d’une communication claire, des personnes vivant avec une maladie chronique, les «patients-experts» bien connus dans le VIH «se sont organisés, réunis sous l’impulsion de l’université des patients, avec l’aide de médecins, parce qu’il y avait beaucoup de questions et peu de réponses directes».
Face au Sras-Cov2, les personnes vivant avec une maladie chronique, dont le VIH se sont découvertes considérées comme «fragiles», «vulnérables», on leur conseillait dans un premier temps de se confiner et de faire attention à leur santé, mais sans leur donner plus de précisions, sans savoir s’ils étaient vraiment plus exposés, sans faire de différence entre les personnes en chimiothérapie avec un cancer métastatique ou les personnes séropositives en pleine santé. «Sida info service est venu apporter son savoir-faire et très rapidement, la ligne a pu répondre aux appels, dont ceux venant de personnes vivant avec le VIH», et son compte-rendu d’expériences donne un aperçu des questionnements rencontrés par ces dernières.
Au bout du fil, beaucoup d’appelants ont ainsi exprimé de l’énervement face à l’injustice d’une «double peine», celle d’être déjà stigmatisés à cause du VIH et désormais par les rumeurs sur l’origine du Sras-Cov2 (qui ont un peu circulé au début de l’épidémie), et par la résurgence de tout un vocabulaire pesant, comme l’exprimait Serge Hefez (le testing, la séropositivité). Et plus généralement, par une nouvelle stigmatisation des personnes positives, au Covid-19 cette fois, qui a ravivé de mauvais souvenirs.
Pour Patrick Papazian, la démocratie sanitaire a été très malmenée dans cette crise: «Beaucoup de choses ont été décidées sans consulter les associations de malades ou les patients, comme les conditions de confinement, de déconfinement, le port du masque. On n’a pas travaillé avec les personnes vulnérables et fragiles, qui ont pourtant démontré qu’elles sont tout sauf fragiles, et qu’elles sont capables d’une force de mobilisation et d’action incroyable.»
Beaucoup d’utilisateurs de la Ligne C avaient des questions extrêmement concrètes: Comment renouveler son traitement? Est-il prudent d’aller à la pharmacie? Dois-je m’inquiéter de mon switch de traitement effectué trois jours avant le confinement? Comment faire un bilan sanguin dans ces condition? «Apporter des réponses précises, c’était absolument clé» pour rassurer ces patients, rapporte Patrick Papazian.
C’est d’ailleurs le point commun des professionnels de santé participants à cette table ronde. Bien qu’étant eux-mêmes fortement chamboulés par la crise (Voir notre article: L’impact du Covid-19 sur l’hôpital : l’exemple de Delafontaine, à Saint-Denis), toutes et tous ont mis en place des téléconsultations, par vidéo ou par téléphone, pour maintenir le lien et la prise en charge des patients.
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