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Source : Libération.fr

Une forme mutée du virus responsable du sida, résistante à tous les médicaments actuellement utilisés dans le contrôle de la maladie, a été découverte chez deux patients.

Ceci est une réponse à une question posé sur le site internet du journal.

Vous nous avez demandé s’il existe vraiment une nouvelle souche du VIH résistante aux antirétroviraux. Votre question fait référence à une publication scientifique du CHU de Toulouse, parue dans la revue scientifique britannique The Lancet début août.

Pour comprendre de quoi parle précisément cette étude, il faut d’abord s’intéresser au fonctionnement du virus : «Le VIH envahit certaines cellules immunitaires, explique à CheckNews Constance Delaugerre, professeure et virologue à l’hôpital Saint-Louis. Ce virus injecte son patrimoine génétique dans ces cellules, il va se reproduire, et plus il se reproduit plus il va tuer les cellules de défenses.» En temps normal, une personne séropositive peut être traitée à l’aide d’antirétroviraux, qui sont des médicaments qui empêchent le virus de se répliquer. Ils sont souvent utilisés par combinaison de trois, c’est ce qu’on appelle la trithérapie.

Cette publication scientifique relate la découverte d’une version mutée du VIH, chez un homme de 23 ans, multirésistante aux antirétroviraux. Pierre Delobel, chef de service des maladies infectieuses au CHU de Toulouse, à l’origine de l’article, explique à CheckNews que «ce premier patient a été découvert au moment d’un dépistage et de son diagnostic du VIH. Pour toute nouvelle infection en France, un prélèvement est effectué pour analyser sa résistance aux rétroviraux. Dans ce cas précis, nous avons constaté que les gènes sur lesquels agissent les médicaments avaient muté. Les médicaments ne peuvent donc plus s’y accrocher, ce qui induit une résistance.» Et dans le cas de ce patient, la souche de VIH présente une résistance aux quatre grandes familles d’antirétroviraux. «Tous les virologues des grands hôpitaux de France travaillent en réseaux au sein de l’Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS). Nous avons donc immédiatement signalé ce cas», indique le professeur.

Remonter la généalogie et ne pas s’alarmer

Ce jeune homme de 23 ans avait été testé négatif au VIH en juin 2019, puis positif en septembre de la même année. Il aurait donc contracté le virus durant cette période. Puisque la mutation du virus a été découverte en même temps que la contamination du patient, «il s’agissait donc dans son cas d’une infection par une forme de VIH déjà mutée. Un événement très rare puisque les virus présentant des mutations sont en général moins bien adaptés, se multiplient moins bien et perdent leur capacité de transmission et disparaissent d’elles-mêmes». Pourtant, ce patient de 23 ans a bien été contaminé par cette forme mutée. «Grâce à l’analyse des souches de chaque personne diagnostiquée en France, et au réseau de virologues, nous avons pu retrouver un patient de 54 ans porteur de la même souche virale», explique le professeur Pierre Delobel. Dans le cas de cet homme, les médecins ont observé le virus muté en lui, au fil des années, à cause d’une mauvaise observance de son traitement. Bien que vivant dans la même région, les deux patients ne se connaissent pas.

Ce serait donc l’homme de 54 ans qui a transmis cette souche mutée à une ou plusieurs personnes, qui l’ont ensuite transmise au patient de 23 ans. «Il manque un ou plusieurs maillons de la chaîne de transmission et tout le réseau est en alerte pour repérer d’éventuels nouveaux cas», indique-t-il.

«Il ne circule pas activement»

Pour autant, il ne faut pas s’alarmer d’après le professeur Delobel, car «cela fait déjà un an que ces cas ont été repérés et aucun nouveau patient infecté par cette souche n’a été signalé. C’est bien qu’il ne circule pas activement. Les formes de virus mutées se transmettent classiquement moins bien, même si dans ce cas, le virus semble mieux adapté pour se répliquer activement et se transmettre, ce qui est l’élément nouveau». Par ailleurs, les deux hommes sont régulièrement suivis par leurs médecins et le professeur précise que les équipes soignantes «s’assurent qu’ils aient bien compris les enjeux et les mesures de protections». L’homme de 54 ans a également rejoint un essai clinique.

Ce n’est pas la première fois qu’une forme du VIH multirésistante est découverte. En 2004, à New York, un patient était porteur d’une souche résistante aux trois familles d’antirétroviraux disponibles à l’époque.

De plus, Constance Delaugerre rappelle que les antirétroviraux sont très efficaces pour la plupart des patients : «On ne voit plus le virus se répliquer pour tuer les cellules immunitaires chez 90% des patients en France.»