source : technosciences
Au cours d’un traitement antirétroviral (TAR), le VIH se cache dans des réservoirs. L’existence de ces sanctuaires viraux explique pourquoi le TAR ne permet pas la guérison. Depuis des années, des équipes scientifiques s’efforcent de déterminer comment se créent et se maintiennent les réservoirs du VIH au cours du traitement.
Grâce à un accès exceptionnel à des échantillons de sang et à des tissus de biopsies de rectum et de ganglions lymphatiques de personnes aux stades les plus précoces d’une infection par le VIH, une équipe internationale de chercheurs du Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CRCHUM), du programme de recherche de l’armée américaine sur le VIH (États-Unis) et du centre de recherche sur le sida de la Croix-Rouge thaïlandaise montre que les premiers réservoirs créés sont encore « sensibles » au cours de ces stades précoces et que leur taille peut être réduite d’environ 100 fois par le démarrage immédiat d’un traitement antirétroviral.
Dans cette étude publiée dans Science Translational Medicine, les chercheurs ont ciblé des personnes présentant une infection aigüe (stades Fiebig I et II, soit les deux premières semaines), puis les ont immédiatement soumises à un traitement antirétroviral. Pour ce faire, ils se sont appuyés sur la cohorte d’infection aigüe du programme de recherche de l’armée américaine sur le VIH, RV254/SEARCH010, qui a débuté il y a 10 ans en collaboration avec le centre de recherche sur le sida de la Croix-Rouge thaïlandaise.
« Commencer le traitement antirétroviral à ce stade très précoce conduit à une diminution importante et rapide de la taille des réservoirs viraux par l’élimination de grandes quantités de cellules infectées dans les tissus lymphoïdes et dans les ganglions lymphatiques de l’intestin. Ce sont des sites connus de persistance du VIH au cours du traitement », a déclaré Nicolas Chomont, chercheur au CRCHUM et professeur à l’Université de Montréal.
« Même si les réservoirs viraux de ces personnes traitées précocement sont extrêmement petits, le virus est encore présent. Pour le moment, on pourrait dire qu’il n’y a pas d’avantage clinique. Néanmoins, les personnes traitées de façon précoce ont des réservoirs viraux 100 fois plus petits que ceux de notre groupe témoin ayant commencé plus tard le traitement antirétroviral. Donc, on pourrait raisonnablement penser qu’il sera plus facile d’éradiquer ces miniréservoirs.
Une cohorte exemplaire
Louise Leyre, première auteure de l’étude et étudiante à la maîtrise au laboratoire de Nicolas Chomont au moment de la recherche, a analysé le sang et les tissus prélevés sur ces patients aux stades les plus précoces de l’infection par le VIH. Son objectif ? Localiser où les réservoirs du VIH s’installent et persistent au cours du TAR. Des études précédentes chez des primates ont montré que les réservoirs viraux se trouvent plutôt dans les tissus lymphoïdes.
« C’est la première fois que des chercheurs ont accès au sang et à des tissus de biopsies rectales et de ganglions lymphatiques chez les mêmes patients à ce stade si précoce de l’infection. Nous devons beaucoup à ces volontaires », a mentionné M. Chomont.
Pour cette étude, les chercheurs ont utilisé des échantillons de 170 patients thaïlandais aux prises avec une infection aigüe, d’un âge moyen de 27 ans et qui ont commencé un traitement antirétroviral dans un délai médian de deux jours après le diagnostic. Quatre-vingt-seize pour cent des participants (164) étaient des hommes.
Les chercheurs ont montré que les participants qui entamaient le TAR aux stades les plus précoces de l’infection (stades Fiebig de I à III) ont présenté une diminution considérable de la fréquence des cellules infectées, atteignant des taux presque indétectables dans le corps. Les rares cellules infectées ayant persisté ont été trouvées principalement dans leurs tissus lymphoïdes. L’instauration du TAR à des stades plus tardifs chez des sujets infectés (c’est-à-dire Fiebig IV ou V, ou infection chronique) n’a entraîné qu’une faible baisse de la fréquence des cellules infectées.
Selon l’Organisation mondiale de la santé, approximativement 37,9 millions de personnes vivaient avec le VIH à la fin de 2018. L’essentiel de ce qu’on sait du VIH provient de recherches menées dans des pays riches où prédomine le sous-type B du VIH. Ce sous-type B, toutefois, ne représente que 12 % des infections par le VIH dans le monde. Presque 50 % de toutes les personnes vivant avec le VIH ont le sous-type C. La présente étude s’est intéressée au sous-type AE, rencontré en Asie du Sud-Est.