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source : info vih

La réponse urbaine au VIH/sida est cruciale pour mettre fin à l’épidémie d’ici 2030. C’est pourquoi, à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida 2014,

Depuis 2007, plus de 50 % de la population mondiale vit dans des zones urbaines. En 2015, l’ONUSIDA estimait qu’environ 25% des personnes vivant avec le VIH vivaient dans 200 villes, et 156 de ces villes se trouvaient dans des pays où résident 90% des personnes nouvellement infectées par le VIH. Le ciblage des efforts dans les villes peut donc avoir une incidence significative sur les résultats nationaux. Par rapport aux zones rurales, les villes disposent d’une meilleure infrastructure, de meilleures ressources et de meilleurs services de santé. En outre, les villes ont tendance à avoir de bons réseaux communautaires qui relient les prestataires de soins de santé, les structures et collectivités territoriales et les organisations non gouvernementales.

Londres a été la première ville à dépasser les objectifs 95-95-95, avec ses derniers chiffres à 95-98-97. Amsterdam, Brighton, et Manchester ont également atteint ou dépassé l’objectif de 90-90-90. Des 61 villes pour lesquelles les données sont disponibles, 14 ont dépassé le premier palier de la cascade, 16 ont dépassé le second et 23 ont dépassé le 3ème palier.

Concernant Londres, le diagnostic précoce demeure néanmoins un problème puisque 37 % des découvertes de séropositivité surviennent à un stade avancé. D’autres défis subsistent, notamment le déploiement limité de la prophylaxie pré-exposition (PrEP) et les moyens pour atteindre les populations à risque restantes. Bien que les villes puissent faire face à des défis similaires, il n’existe pas de solution unique. Des approches novatrices et l’engagement communautaire sont essentiels à la réussite de l’ensemble du continuum de soins. Par exemple, l’approche neutre de New York en matière de soins est un moyen novateur de s’attaquer à la stigmatisation liée au VIH. L’approche multidimensionnelle de la ville, qui comprend également la surveillance moléculaire du VIH, le marketing social pour la PrEP et les programmes de « déstigmatisation » destinés aux jeunes lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres, l’a aidée à dépasser les 3X90.

L’approche Fast-track Cities peut être particulièrement efficace parce que les décideurs territoriaux ont une compréhension des problèmes locaux et peuvent réagir de manière plus appropriée que les stratégies nationales, parfois même en s’opposant aux contraintes nationales. Bien qu’elle ne soit pas membre du réseau, Saint-Pétersbourg, en Russie, est une ville qui s’est opposée aux politiques nationales et qui a pris des mesures positives pour lutter contre son épidémie en pleine poussée parmi les populations clés. Toutefois, la stigmatisation et la discrimination persistent, non seulement parmi la société civile, mais aussi parmi les services et les prestataires de soins de santé. En effet, l’enquête Positive Voices menée au Royaume-Uni a montré que, même parmi les villes ayant atteint les objectifs 90-90-90, la stigmatisation et la discrimination demeurent des problèmes importants.

Selon The Lancet HIV, les gouvernements nationaux peuvent s’inspirer de l’expérience des villes pour adapter leurs programmes nationaux de lutte contre le VIH de manière appropriée. Alors que le réseau Fast-Track Cities continue de se développer et que la complexité du problème du VIH dans les zones urbaines est mieux comprise, les villes peuvent montrer la voie en cette ère d’urbanisation croissante.

source : lemonde

Depuis plus de vingt ans, l’association vient en aide aux femmes africaines séropositives qui arrivent « fracassées » en France.

Le jaune et le bleu pétants de la salle de restaurant font oublier la grisaille de janvier qui colle aux rues de Saint-Denis, en proche banlieue parisienne. A deux encablures du Stade de France, dans un immeuble barbouillé par la pluie, se niche l’association Ikambéré. Là, une vingtaine de femmes africaines sont attablées et discutent en attaquant l’entrée composée de légumes frais et d’un demi-œuf dur. Un délicieux poulet braisé aux herbes suivra avec compotée d’oignons, fondue de poireaux-carottes et riz, avant de terminer avec une poire parfumée à souhait. Le soin apporté à la qualité du repas, jusque dans sa présentation, illustre l’ambition première du lieu : accueillir, réconforter, respecter, avant même de trouver un endroit où dormir.

Pour plusieurs de ces migrantes au regard encore baissé, ce déjeuner sera le seul repas de la journée. Certaines n’ont pas osé quitter leur manteau, comme en transit perpétuel malgré l’accueil bienveillant. Aucune exigence horaire pour venir se restaurer. Même à 17 heures, on trouve toujours quelque chose à bricoler en cuisine pour ces femmes en grande précarité. De Côte d’Ivoire, du Cameroun, du Mali ou du Niger, elles sont parvenues en France par l’Espagne via le Maroc ou par l’Italie via la Libye. Beaucoup sont passées par la terrible traversée de la Méditerranée « pour tenter d’avoir un avenir », explique Mariam, récemment débarquée du continent où elle a laissé son mari et son fils de 7 ans.

Mais, ajoutant à la souffrance d’avoir quitté leur famille et subi racket, séquestration, esclavagisme, violences sexuelles et parfois des deuils au long d’un parcours migratoire de plusieurs années, ces femmes découvrent à leur arrivée en France qu’elles sont séropositives.

« J’étais comme morte pour les autres »

« Le repas est le cœur battant d’Ikambéré. Il nourrit le corps, mais aussi le cœur de ces femmes qui arrivent fracassées », écrit Annabel Desgrées du Loû, directrice de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), dans le livre sensible qu’elle a consacré au travail de l’association. Sorti fin 2019, Ikambéré, la maison qui relève les femmes raconte un modèle de solidarité qui permet à ces migrantes subsahariennes de retrouver leur autonomie en leur donnant les clés pour s’installer en France et vivre avec leur maladie. Pas d’assistanat ni d’infantilisation, les femmes sont tout de suite invitées à agir pour retrouver du courage.

« Elles n’ont parfois besoin que d’un petit coup de pouce, explique Bernadette Rwegera, directrice et fondatrice d’Ikambéré. Mais elles sont tellement accablées qu’elles ne savent pas par où commencer. On les aide à tout mettre à plat. Le secret d’Ikambéré, c’est d’apprendre des autres. Ici, notamment durant le repas, les femmes découvrent que d’autres femmes, porteuses comme elles du VIH, font des projets. »

C’est à l’occasion d’une visite à l’hôpital pour leur trithérapie qu’elles sont orientées vers I’association. Ici, tout est fait pour qu’au choc de la maladie ne s’ajoute pas celui de la stigmatisation. On écoute, on console, on désamorce les tabous liés au sida, encore très puissants. Car « découvrir qu’elles sont porteuses du VIH après un itinéraire vraiment rude peut les anéantir », explique Bintou Fofana, assistante sociale à Ikambéré.

« Quand les gens savent que tu as le VIH, c’est comme si tu devenais handicapée », témoigne Eva, Camerounaise de 38 ans qui a laissé deux filles au pays : « J’étais comme morte pour les autres et à l’intérieur aussi, je pensais que tout était fini. » Eva avait trouvé refuge chez son frère en arrivant à Paris, mais il a découvert sa séropositivité et sa belle-sœur a eu peur qu’elle contamine leurs enfants. Eva s’est retrouvée à la rue du jour au lendemain. « Je viens à Ikambéré depuis deux mois et demi. Ici, je vois des filles plus avancées que moi. Je ne suis plus seule, j’ai commencé à reprendre espoir, dit-elle en osant un demi-sourire. Ikambéré est plus qu’une maison d’accueil, plus que des amies, c’est devenu ma famille. Il n’y a que dans une famille que tu peux parler de choses aussi intimes. »

« L’information, c’est notre arme de guerre »

Le déjeuner est l’occasion de côtoyer des femmes qui ont progressé dans leurs démarches, d’autres qui ont été régularisées, ont trouvé une formation, un travail, un logement, mais aussi d’anciennes migrantes âgées, venues en soutien, qui se qualifient de « femmes-roseaux » pour leur résistance à l’adversité. « Le sida voulait nous emporter mais il n’a pas pu, résume l’une d’elles. Nous sommes toujours debout. » C’est tout un système de paires qui se met en place pour que chaque femme puisse mesurer ses progrès à l’aune d’une autre qui s’en est sortie.

A Ikambéré, la personne tout entière est prise en considération. Eva, Mariam et Kariatou se dépêchent de finir leur café pour participer à l’atelier d’expression corporelle, où elles vont pouvoir « oublier leurs soucis », explique Mai Ishiwata, danseuse franco-japonaise qui intervient pour le théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis : « Certaines sont assises au début, mais se mettent en mouvement par contamination. Il y a beaucoup de joie, de rires et d’encouragements mutuels. La bienveillance domine. Elles ne sont pas du tout gênées par le regard des autres. »

Demain, elles pourront apprendre à lire et à écrire, l’informatique, feront de la gymnastique ou du yoga avec Luc, le lendemain Shérifo, maître tailleur, leur apprendra à coudre, un autre jour Elodie l’esthéticienne les prendra en main pour les aider à restaurer une belle image d’elles-mêmes. Petit à petit, les femmes redressent la tête et le corps, trouvent des espaces de liberté où elles peuvent parler sexualité, suivi thérapeutique, éducation, ménopause. « Ici on entre en pleurant, on sort en riant ! », ont coutume de dire les bénéficiaires. « Mais tout n’est pas qu’une question de partage,explique Rose Nguekeng, médiatrice en santé sexuelle au sein d’Ikambéré. L’information, c’est le pouvoir, c’est notre arme de guerre dans la lutte contre le sida. »

« Cette expérience rappelle que prendre en charge un malade dépasse largement le cadre médical », explique Annabel Desgrées du Loû. Spécialiste en sciences sociales de la santé, la chercheuse a passé une journée par semaine, durant un an, au sein d’Ikambéré pour son livre : « Bien au-delà de la question médicale, le cœur du sujet était de raconter comment les femmes peuvent retrouver le pouvoir sur leur vie. »

Une permanence dans douze hôpitaux

Ce modèle d’autonomisation s’est construit grâce à la personnalité exceptionnelle d’une femme : Bernadette Rwegera. Rwandaise installée en France depuis 1989, elle rêvait plutôt de haute couture après des études d’ingénierie en textile à Kigali. L’explosion de l’épidémie de sida, dans les années 1990, qui prend en Afrique un tour tragique et dont les femmes sont les premières victimes invisibles, va la dérouter. Elle est touchée de près puisque sa propre sœur est emportée par le sida. A ses côtés jusqu’à sa mort, elle se reproche de n’avoir pas su l’aider psychologiquement. « Ma sœur se sentait seule sur ce chemin-là, a-t-elle confié pudiquement à Annabel Desgrées du Loû. Cela m’a rendue perméable à la solitude intérieure de ces femmes qui vivent avec le VIH. Cela m’a rendue humble. Il faut beaucoup de douceur et d’amour face à la violence que suscite le sida. »

Son mari, qui termine sa thèse de doctorat en anthropologie à Paris, l’encourage à reprendre des études et à se pencher sur la problématique des femmes. Déjà mère de deux petites filles, la trentenaire s’inscrit en 1994 en anthropologie à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) et part recueillir les témoignages d’Africaines atteintes par le VIH qu’elle rencontre grâce au suivi de leurs enfants par l’association Sol En Si (Solidarité Enfants Sida). Le monde associatif qui s’ouvre à elle va la happer. En 1997, elle lance son propre projet, qui deviendra deux ans plus tard Ikambéré, littéralement « la maison située devant les autres », en kinyarwanda.

La première année, Bernadette Rwegera accompagne une trentaine de migrantes avec l’aide de deux amies. Aujourd’hui, près de 500 d’entre elles sont accueillies chaque année et, depuis sa création, la maison de Saint-Denis a remis sur pied plus de 3 500 femmes séropositives. Vingt-trois salariés travaillent à Ikambéré, dont la moitié sont d’anciennes bénéficiaires. L’association, devenue un acteur majeur du travail psychosocial, tient une permanence dans douze hôpitaux d’Ile-de-France. La région a d’ailleurs décerné en novembre son prix de la solidarité à Bernadette Rwegera.

Mais avec sa détermination discrète, la Rwandaise regarde déjà plus loin. Soutenue par l’Agence régionale de santé et le ministère des solidarités, Ikambéré s’est lancée dans la création d’une nouvelle « maison accueillante » pour proposer une prise en charge globale des personnes souffrant de maladies chroniques comme le diabète, les hépatites, le cancer. « On ne dira jamais assez que les immigrés qui arrivent en France sont des battants, rappelle Annabel Desgrées du Loû en conclusion de son livre. Ils sont pleins de ressources. »