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source : seronet 

Fin novembre, l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) a publié un communiqué sur la « reprogrammation des défenses immunitaires pour leur permettre de vaincre elles-mêmes le VIH » et certaines stratégies pour aller vers la guérison fonctionnelle du VIH.

« Pour enrayer l’épidémie de VIH d’ici à 2030, il faudra parvenir à éliminer complètement le virus de l’organisme, pour induire une guérison totale ; ou, plus réaliste, empêcher sa prolifération à partir des réservoirs, pour permettre une rémission au cours de laquelle le patient pourrait vivre le plus longtemps possible sans traitement », défend François Dabis, directeur de l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (une agence autonome de l’Inserm). L’idée de reprogrammer les cellules immunitaires pour relever ce défi est née il y a une dizaine d’années quand des médecins allemands de l’hôpital universitaire de la Charité de Berlin ont rapporté le premier cas de guérison fonctionnelle du VIH : celui de l’Américain Timothy Ray Brown, plus connu sous le nom de « patient de Berlin », rappelle l’ANRS. Soigné pour un cancer du sang, une leucémie myéloïde aiguë, ce dernier a eu la chance de recevoir une greffe de moelle osseuse (tissu à l’origine des cellules immunitaires) provenant d’un donneur un peu particulier. Il portait deux copies d’une mutation génétique rare, présente chez moins de 0,5 % de la population, et qui confère… une résistance naturelle à l’infection par le VIH. À savoir : la mutation « delta 32 du gène CCR5 », notée CCR5Δ32. Comme l’explique l’ANRS, normalement, le gène CCR5 (pour « récepteur à C-C chimiokine de type 5 ») permet de fabriquer une molécule du même nom, qui autorise l’ancrage du VIH aux cellules immunitaires qu’il infecte, les lymphocytes T CD4 (ou T4). En cas de mutation CCR5-Δ32, ce « récepteur membranaire » devient non fonctionnel et empêche de facto l’infection des T4. Transmise via la moelle osseuse, cette particularité génétique a permis de rétablir les niveaux de T4 chez le patient de Berlin, qui contrôle depuis le VIH seul, sans traitement, indique l’ANRS.

Le « patient de Londres »:  un deuxième exploit qui ouvre la porte à des traitements futurs

Plus récemment, en mars 2019, l’équipe de Ravindra Gupta de l’University College de Londres a annoncé avoir renouvelé l’exploit chez un deuxième patient, surnommé cette fois, le « patient de Londres » et traité pour un cancer du système lymphatique, un cancer du système lymphatique qui se développe aux dépens de lymphocytes. Problème : la greffe de moelle osseuse provenant de porteurs de la mutation CCR5-Δ32 ne peut pas être utilisée à grande échelle. « Il s’agit d’un traitement lourd qui présente plusieurs risques potentiellement fatals (immunodéficience, rejet de la greffe…). Mais surtout, comme les personnes qui résistent naturellement au VIH sont rares, il n’y aurait tout simplement pas assez de donneurs pour tous les patients séropositifs », explique Nicolas Manel, directeur de recherche Inserm et immunologiste à l’institut Curie de Paris, dans le communiqué de l’ANRS. Pour contourner cet obstacle, certains chercheurs-ses ont donc imaginé réaliser une greffe de cellules… provenant des patients eux-mêmes ! « L’idée est de prélever des cellules immunitaires et/ou des cellules souches sanguines (à l’origine des cellules immunitaires) chez la personne à traiter, de les modifier génétiquement pour les rendre aussi résistantes au VIH que celles des contrôleurs naturels, puis de les réinjecter », explique la professeure Marina Cavazzana, cheffe d’équipe Inserm à l’hôpital Necker-Enfants malades à Paris, et experte de renommée internationale en thérapie génique. Depuis quelques années, la chercheuse prépare un essai clinique qui vise à évaluer l’innocuité, la faisabilité et l’efficacité d’un tel traitement chez cinq patients séropositifs touchés eux aussi par un autre type de lymphome.

Agir sur les CCR5 et les T8 pourrait être une solution

Alors que beaucoup de thérapies géniques anti-VIH testées à ce jour dans le monde misent sur une altération du gène CCR5 pour mimer la mutation CCR5-Δ32, l’équipe française mise sur non pas une, mais deux armes anti-VIH. « Nous avons imaginé introduire dans les cellules du patient une molécule génétique capable de diminuer grandement l’expression du corécepteur CCR5, et une autre qui code pour une protéine appelée C46, capable d’empêcher la fusion du VIH avec les T4. Le but : augmenter les chances de réussite du traitement, sachant que jusqu’ici l’efficacité de la stratégie qui consiste à altérer uniquement CCR5 s’est révélée modeste », détaille la professeure d’hématologie. Les premiers résultats ne devraient pas être disponibles avant trois ans minimum, prévient l’Inserm.
À l’hôpital Bicêtre de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, le professeur d’immunologie Olivier Lambotte et son équipe travaillent sur une autre approche : la « reprogrammation métabolique ». Ici, l’idée est d’« amener les cellules immunitaires à utiliser les ressources énergétiques à leur disposition, de façon aussi efficace que les cellules des contrôleurs naturels du VIH. Cela, afin qu’elles arrivent à résister aussi bien que ces dernières au virus », explique le médecin et chercheur. Cette stratégie a émergé grâce à une récente étude menée en collaboration avec une équipe de l’institut Pasteur de Paris, et publiée en juillet dernier.Lors de ces travaux, les chercheurs-ses ont décelé des caractéristiques cellulaires particulières dans les cellules immunitaires à l’origine de l’étonnante capacité des contrôleurs naturels du VIH à supprimer la multiplication du virus sans traitement : les lymphocytes T CD8 (T8). L’analyse de l’expression des gènes dans ces cellules a révélé que, pour réaliser leurs missions, elles utilisent deux sources d’énergie : le glucose et la dégradation par oxydation des acides gras dans les mitochondries (organite cellulaire qui joue un rôle crucial dans le métabolisme cellulaire en assurant la production d’énergie), ces petites usines énergétiques de nos cellules ; ce qui améliore à la fois leur potentiel de survie et leur capacité à combattre le VIH. En revanche, les cellules des non-contrôleurs ont, elles, une activité mitochondriale limitée et dépendent surtout du glucose. Forts de cette découverte, les chercheurs-ses ont alors stimulé l’activité des mitochondries dans des T8 de non-contrôleurs, via une substance sécrétée par le système immunitaire, l’interleukine 15. Et bingo ! Les T8 ont vu leur activité mitochondriale augmenter. Mis ensuite en contact avec des T4 infectés, ils ont pu détruire ces dernières… comme des T8 de contrôleurs ! « Grâce à ces travaux nous avons ouvert une nouvelle porte, passée inaperçue jusque-là », se réjouit Olivier Lambotte. Reste maintenant à tester cette approche chez l’animal puis chez l’humain. Ce qui devrait nécessiter encore au moins cinq ans, indique l’Inserm.

« De manière générale, les travaux qui visent à reprogrammer les cellules immunitaires n’en sont qu’à leurs balbutiements, commente François Dabis. Cependant, ils sont très prometteurs. » Il est donc à parier que cette recherche fera grandement parler d’elle lors des prochaines années ! », conclut le directeur de l’ANRS.

source : seronet

L’efficacité de la bithérapie associant les ARV cabotégravir + rilpivirine (CAB/RPV) sous sa forme injectable et à libération prolongée (une injection/4 à 8 semaines) a été démontrée dans les essais Flair (personnes n’ayant jamais pris de traitements anti-VIH) et ATLAS (personnes ayant déjà pris des traitements anti-VIH).

Des résultats ont été présentés récemment concernant les femmes ayant participé à ces deux essais, soit environ 28 % des participants-es, explique un article du docteur Romain Palich pour La lettre de l’infectiologue. À l’inclusion, les participantes avaient 42 ans en moyenne, environ 40 % étaient d’origine africaine ou afro-américaine, 55 % étaient caucasiennes, et 28 % avaient un IMC > 30 kg/m2. À 48 semaines, cinq participantes sur 162 (3,1 %) avaient une charge virale dans le sang supérieure à 50 copies/mL dans le groupe prenant la bithérapie CAB + RPV, contre une participante sur 168 (0,6 %) dans le groupe prenant la trithérapie. Ceci correspondait à cinq échecs virologiques dans le groupe prenant la bithérapie CAB/RPV contre un dans le groupe avec trithérapie.

Parmi les cinq échecs virologiques sous bithérapie CAB/RPV, deux participantes avaient sélectionné des mutations de résistance qui n’existaient pas à l’inclusion dans l’essai, conférant une résistance à la rilpivirine et au cabotégravir. Ces taux d’échecs virologiques étaient similaires à ceux observés chez les hommes. Les dosages dans le sang des deux traitements montraient des concentrations similaires à celles observées chez les patientes en succès thérapeutique. Il n’y avait pas de différence en termes d’effets indésirables, et aucun effet indésirable grave lié à la bithérapie CAB/RPV n’était rapporté chez les participantes, détaille l’article du docteur Palich. Les femmes rapportaient moins de douleurs aux sites d’injection que les hommes (66 contre 82 % chez les hommes). Parmi les femmes ayant répondu aux enquêtes de satisfaction à 44 semaines, 100 % dans l’essai FLAIR et 97 % dans l’essai ATLAS, étaient satisfaites du traitement injectable et souhaitaient le poursuivre. « La bithérapie CAB/RPV semble être une très bonne alternative chez les femmes. Toutefois, les données concernant la grossesse sont presque inexistantes à ce jour, et malheureusement, les données concernant l’évolution du poids sous cabotégravir n’ont pas été présentées », conclut le docteur Palich.

source : seronet

Depuis quatre ans, plus de 20 000 personnes ont initié un parcours de Prep en France. D’après les données de l’Assurance maladie, il y aurait 15 000 prepeurs-ses sur le territoire. Depuis l’été 2018, l’accélération est notable. Ces chiffres montrent également que la Prep demeure un outil « trusté » par les hommes gays citadins et financièrement protégés. En creux, l’enjeu est de continuer, même chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, d’aller plus loin et de rendre accessible la Prep à tous ceux, et surtout toutes celles, qui en ont besoin.

Attendus, ils l’étaient ! Il fallait (presque) être un maître de la force pour contenir l’impatience de la salle lors de la diffusion de ces données précieuses. Limitées, par leur provenance unique des bases de la Sécurité sociale quant aux remboursements des prescriptions de Truvada et de ses génériques, elles le sont ! Mais utiles, elles le sont assurément. Alors, lorsqu’elles sont arrivées, les militants-es de la lutte contre le sida étaient prêts-es à sabrer le champagne. Dans les faits, pas de surprise, mais une confirmation que le soldat Prep est une première ligne déterminante dans cette guerre contre l’épidémie. Sur le terrain, les prepeurs-ses sont des combattants-es d’une menace qui est loin d’être fantôme. Et la revue des troupes est instructive.

Depuis la RTU (recommandation temporaire d’utilisation) de janvier 2016, on savait que 10 000 personnes avaient utilisé le traitement préventif du VIH au 1er juin 2018. Depuis, on avait l’intuition que l’adhésion à la Prep était grandissante, mais une confirmation empirique manquait cruellement. Un point, un an après, était nécessaire. Surtout, il n’existait aucun moyen de connaître le nombre de personnes qui utilisait toujours l’outil au 30 juin 2019. Et ce maintien dans la Prep est essentiel pour obtenir un impact (quantifiable) de l’outil sur les nouvelles infections au VIH. Cela permet aussi d’avoir une idée du profil de ces utilisateurs-rices pour voir où sont les marges de progression. Grâce aux données SNDS (système national des données de santé) fournies par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), des réponses à ces questions apparaissent enfin. Entre mi-2018 et mi-2019, 9 591 initiations ont eu lieu, ce qui représente 47 % de l’ensemble total des personnes ayant eu au moins une prescription de Prep, soit 20 478 personnes. Pour savoir combien utilisent encore cette prophylaxie, il fallait faire le tri entre initiation (la première prise de Prep) et renouvellement. Au 1er semestre 2019, 15 501 prepeurs-ses étaient en activité d’après le SNDS. Selon l’ANSM : « La grande majorité (80 à 85 %) des utilisateurs renouvellent leur traitement d’un semestre à l’autre, suggérant un bon niveau de maintien de la Prep après son initiation ». Donc, près du double d’utilisateurs-rices depuis les débuts de l’outil, et cela en moins de deux ans, signe d’un véritable virage dans la perception sociale de la Prep… chez les hommes gays et bisexuels du moins. Car ces derniers demeurent ultra-majoritaires, avec 96 % des utilisateurs qui se déclarent comme hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes. L’âge moyen est de 36 ans (36 % d’entre eux ont entre 26 et 35 ans). Ils vivent dans un environnement urbain, notamment en Île-de-France (41 %). Un chiffre qui est néanmoins en légère baisse, illustrant une tendance à la diffusion partout sur le territoire.

La Prep reste peu utilisée dans les DOM-TOM

Point problématique, les DOM/TOM, qui ne représentent qu’à peine plus de 1 % des utilisateurs-rices, alors que ces départements et territoires sont parmi ceux où l’épidémie de VIH est la plus dynamique. En termes de lieux de prescription, l’hôpital conserve sa mainmise, avec plus de 88 % des primo-prescriptions. Pour les renouvellements, on atteint 15 % en Cegidd (1) hors-hôpital ; mais, faute d’initiations possibles actuellement en cabinet de ville chez les généralistes, la Prep reste très accolée à des consultations hospitalières. L’ouverture de la primo-prescription aux médecins généralistes est donc très attendue, pour poursuivre la diffusion de la Prep auprès de celles et ceux qui en ont besoin. La Direction générale de la santé y travaille en lien avec les associations, dont AIDES et les sociétés savantes (SFLS, SPILF). Elle devrait être effective en 2020.

L’accélération (au rythme actuel) et le bon maintien apparent de l’utilisation de l’outil ne suffiront pas. Les 15 000 prepeurs-ses d’aujourd’hui paraissent bien peu face aux 40 000 (selon les études, le chiffre varie entre 32 000 et 50 000) hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes estimés à haut risque de contamination. Quant aux autres groupes identifiés, le chemin demeure immense, pour les femmes, les plus jeunes, les personnes précaires (seulement 7 % des prepeurs ont la CMU-C) et les personnes vivant dans les milieux ruraux. D’ailleurs, le chantier contre les délais d’attente (parfois deux mois), tout comme les « déserts de Prep » seront les premiers obstacles à franchir en 2020.

(1) : centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic des infections par le VIH et les hépatites virales et les infections sexuellement transmissibles.