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Source: Science et Avenir

Les antirétroviraux permettent aujourd’hui de contenir le VIH, mais pas de l’éliminer totalement car le virus persiste dans des réservoirs cellulaires. Une équipe française vient d’identifier l’un d’eux.

Eliminer complètement le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) est une gageure, car celui-ci peut se cacher dans des cellules immunitaires infectées, dites réservoirs cellulaires, pendant plusieurs dizaines d’années, sans qu’aucune protéine virale ne soit exprimée. Il échappe ainsi à la réponse immunitaire et aux traitements antirétroviraux, et se multiplie massivement en cas d’arrêt de la trithérapie.

Identifier ces réservoirs cellulaires est une étape essentielle pour envisager des traitements curatifs. Dans une étude publiée le 4 février 2019 par la revue Nature Microbiology, une équipe de l’Institut Cochin, coordonnée par Morgane Bomsel, directrice de recherche CNRS, met le doigt sur des réservoirs inconnus jusque-là : les macrophages (des cellules immunitaires) contenus dans les cellules du pénis. Cette découverte pourrait ouvrir des possibilités thérapeutiques.

Le virus en embuscade dans les cellules immunitaires

On a longtemps pensé que les réservoirs cellulaires du VIH de type 1 (qui représente 98% des infections du virus du Sida en France) se trouvaient seulement dans les lymphocytes T, un groupe de cellules immunitaires particulièrement visées par le virus. Beaucoup d’études récentes ont porté sur les moyens de réactiver ces cellules T dormantes, de les rendre repérables pour les autres cellules du système immunitaire, de façon à ce qu’elles soient détruites par les cellules cytotoxiques des patients (CLT), par des agents rétroviraux ou des anticorps. C’est la méthode dite du « shock and kill ».

Mais les résultats n’ont pas été au rendez-vous, et un indice a provoqué la curiosité des chercheurs : les séquences des génomes des virus issus des lymphocytes T réservoirs ne coïncidaient pas toujours avec ceux retrouvés dans le sang à l’arrêt du traitement antirétroviral. Ce qui ne pouvait signifier qu’une chose : une partie de ces virus venaient d’un autre type de réservoir cellulaire.

Les macrophages, un foyer infectieux oublié

C’est en étudiant les tissus péniens d’hommes séropositifs que l’équipe a découvert que les macrophages, des cellules immunitaires phagocytaires, sont d’importants réservoirs viraux. Les macrophages sont rapidement ciblés par le VIH lors de la transmission sexuelle et survivent à l’infection par le virus. Ils sont nombreux dans les tissus du pénis, zone de l’infection initiale, ce qui laisse supposer qu’ils jouent ce rôle de réservoir dès la contamination (et contribuent à la contamination du partenaire en cas de rapport non protégé, puisque le sperme et le liquide séminal contiennent des macrophages potentiellement infectés.)

L’étude soutient même que les macrophages sont des réservoirs du VIH plus importants que les lymphocytes T. En effet, chez les macrophages, l’ADN du virus est intégré à celui de la cellule, ce qui n’est pas le cas pour les lymphocytes T. Ensuite, stimuler les macrophages réactive la production du virus infectieux, tandis que la stimulation des lymphocytes n’a pas d’effet notable. Enfin, les macrophages-réservoirs forment une sous-population de cellules originales aux marqueurs cellulaires spécifiques, que l’on ne retrouve en grand nombre que chez les patients séropositifs (ce qui porte à croire qu’ils sont « modelés » par le virus).

Dans cette recherche, les auteurs vont donc à contre-courant du dogme actuel, qui situe les réservoirs de VIH-1 dans les lymphocytes T seulement. Pour eux, il est clair que, chez les hommes séropositifs, de nombreux réservoirs du virus se trouvent dans les muqueuses du pénis. Il y a fort à parier que d’autres réservoirs, non encore découverts, se trouvent dans des macrophages tissulaires situés dans d’autres muqueuses ou tissus lymphoïdes. L’objectif des recherches ultérieures sera donc de les repérer, afin de pouvoir les attaquer de façon ciblée par la méthode du « shock and kill ».