Source: RFI
La 6e conférence de reconstitution du Fonds mondial contre le VIH, la tuberculose et le paludisme va avoir lieu en France au mois d’octobre. Un passage obligé pour obtenir les financements nécessaires à la lutte contre ces épidémies. Celle-ci stagne aujourd’hui faute d’investissements à la hauteur. Cette conférence est donc d’une importance capitale pour espérer vaincre ces épidémies. Le Fonds mondial, et Peter Sands, son patron, publient ce vendredi 11 janvier son argumentaire pour convaincre les donateurs en octobre 2019.
RFI : Les premiers mots de votre argumentaire à l’occasion de la prochaine conférence de reconstitution du Fonds mondial sont : « C’est possible » – de mettre fin aux épidémies de VIH, tuberculose et malaria. Cependant, quelques lignes plus loin, vous écrivez que nous ne sommes pas sur la trajectoire nécessaire pour y parvenir en 2030, comme le prévoit l’ONU. Quelle est la situation aujourd’hui ?
Peter Sands : Nous constatons une réduction significative du nombre de morts et de personnes infectées sur les trois maladies. Ceci dit, cette baisse n’est pas assez rapide pour parvenir à l’objectif d’en finir avec ces épidémies en 2030. Pour mettre fin au sida, à la tuberculose et au paludisme, nous devons donc faire les choses différemment. Il est question d’argent, mais aussi d’innovation et de meilleure collaboration avec les acteurs, pour être plus efficace sur le terrain. Nous avons besoin de tout cela pour atteindre notre but. C’est pour cette raison que nous avons intitulé cet argumentaire « Accélérons le mouvement ». C’est la seule manière de remplir nos objectifs.
Sinon, tout ce qui a été entrepris jusqu’ici sera compromis ?
Oui, et c’est ça qui est compliqué avec ces maladies. On ne peut pas se contenter des résultats déjà obtenus : soit on gagne, soit on perd, et si l’on n’accélère pas le mouvement, on risquera de perdre du terrain, et de voir les infections repartir à la hausse. C’est très visible avec le paludisme. Dès que l’on lève le pied sur l’accès aux moustiquaires, l’épidémie progresse très vite. Il y a un autre défi à relever, celui de la résistance : on constate que ces trois maladies sont de plus en plus résistantes aux médicaments. C’est pour cette raison que si l’on se contente de ce que l’on fait aujourd’hui, on perdra en fait du terrain. Le deuxième enjeu est démographique. Nous parlons de populations qui augmentent très rapidement. Si on rapporte l’argent dépensé au nombre d’individus, pour le paludisme notamment, on constate que les dépenses diminuent. Alors que c’est le contraire qu’il faudrait faire. Pour le paludisme, c’est la couverture qui est la clé : il faut mettre des moustiquaires à disposition de chaque foyer, que les enfants aient accès au diagnostic et au traitement.
Quel est alors l’objectif de financement visé à l’occasion la 6e conférence de reconstitution du Fonds mondial ?
14 milliards de dollars. Cela représente une hausse de 16% par rapport à la dernière conférence. C’est ce montant qui va nous permettre de nous remettre sur les rails pour parvenir à notre objectif : en finir pour de bon avec ces épidémies.
Quels sont les acteurs qui doivent financer cette augmentation ?
A la fois les donneurs actuels, mais également de nouveaux : nous devons élargir notre base de donneurs. Aujourd’hui, la majeure partie du financement vient des pays à l’économie développée. Les Etats-Unis sont ainsi les premiers contributeurs, avec environ un tiers du montant total. La France est le second, le Royaume-Uni, l’Allemagne, le Japon, la Commission européenne … sont également de gros contributeurs.
Les pays concernés par ces épidémies doivent-ils également contribuer plus ?
C’est impératif. Dans nos projections, nous estimons que la part du financement domestique sera celle qui augmentera le plus. Nous espérons que celui-ci augmente de 48 %.
Vous l’avez mentionné : les Etats-Unis sont aujourd’hui les contributeurs les plus importants au Fonds mondial. L’exécutif américain dénonce cependant régulièrement le multilatéralisme. Craignez-vous un désengagement américain ?
Les Etats-Unis ont toujours été en première ligne dans le combat contre le VIH, la tuberculose et le paludisme. Pas seulement par leur implication dans le Fonds mondial, mais également par leurs programmes domestiques, comme le Pepfar [plan d’aide d’urgence à la lutte contre le sida à l’étranger que le président des États-Unis, George W. Bush, a lancé en 2003 – NDLR]. Nous avons un très fort soutien transpartisan aux Etats-Unis. Je ne suis, et ne serai jamais complaisant envers aucun de nos donateurs, mais il faut rappeler que les Américains ont depuis le début apporté un soutien incroyable au Fonds mondial.
Vous attendez-vous tout de même à des négociations compliquées ?
Ce n’est jamais évident de demander 14 milliards de dollars à ses donateurs. Cela fait beaucoup d’argent et c’est toujours une requête compliquée. A nous de montrer qu’avec ça, nous obtiendrons des résultats : c’est une chose essentielle pour convaincre les contributeurs privés, et les contribuables des pays dont les gouvernements nous soutiennent. Je m’attends à des négociations compliquées, mais nous avons un dossier solide. Nous avons surtout l’opportunité historique de nous débarrasser des trois maladies infectieuses les plus graves. Il ne faut pas rater cette occasion. Avec l’argent qui nous a été confié, le Fonds mondial a déjà montré qu’il avait sauvé des vies et empêché de nouvelles infections.
Cette 6ème conférence de reconstitution a lieu en France, à Lyon au mois d’octobre. Quel rôle la France peut-elle jouer pour que ce soit un succès ?
Le gouvernement français s’est déjà impliqué énormément en proposant d’accueillir cette conférence. Le président Macron nous montre également qu’il s’investit personnellement pour que cette conférence soit un succès. La France accueille également le G7 cette année. Ce sera une opportunité pour montrer aux plus grandes économies mondiales cette nécessité de financer à un niveau correct le Fonds mondial. Les pays qui assisteront à ce G7 sont en effet nos principaux donateurs.