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Source : leparisien.fr

Mardi 26 juin dernier , une plateforme réunissant des scientifiques et des équipements de pointe pour travailler sur les maladies infectieuses, notamment le VIH, a été officiellement inaugurée au centre d’énergie atomique (CEA). La ministre de la Recherche était attendue.

C’est ici, il y a 70 ans, que le célèbre chimiste Frédéric Joliot-Curie supervisait la création du premier réacteur nucléaire français, la fameuse pile Zoé. Ce n’est plus le même siècle, le CEA de Fontenay-aux-Roses s’appelle, désormais, CEA Paris-Saclay, et ses travaux sur le nucléaire ont définitivement été abandonnés. Mais derrière ses grilles ultra-sécurisées, il reste un site à la pointe réunissant des scientifiques originaires du monde entier.

Ici, l’Etat a même investi 41,5 M€ pour créer une plateforme de recherche, baptisée Idmit et dédiée aux maladies infectieuses, notamment le sida. Ce mardi matin, la ministre de la Recherche, Frédérique Vidal, est attendue pour inaugurer ce centre créé en 2012, mais qui n’avait pas encore de bâtiment dédié à l’intérieur du CEA.

Des instruments uniques au monde

Quelque 130 scientifiques y sont désormais regroupés, bénéficiant d’équipements de très haut niveau dans le domaine de l’imagerie. Dans sa visite du site, la ministre pourra découvrir des instruments, pour certains, uniques au monde, et dont le prix peut parfois dépasser le million d’euros.

« Nous sommes la seule structure qui comprend un microscope biphoton, qui permet d’observer des cellules, une par une, dans un organisme vivant », explique ainsi Roger Le Grand, le directeur d’Idmit.

Elle assistera également aux travaux d’un « TEP/Scan », cet instrument d’imagerie qui permet de mesurer en trois dimensions l’activité moléculaire d’un organe. Dans l’idée, par exemple, de « visualiser comment l’organisme répond » à ce qu’on lui injecte, que ce soit un médicament, un vaccin ou un virus, explique Roger Le Grand.

« Si ce centre n’existait pas, nous devrions certainement partir aux Etats-Unis »

En 2012, le projet avait été labellisé « Grand Emprunt » par le gouvernement. « C’est un centre unique en Europe. S’il n’existait pas, nous devrions certainement partir aux Etats-Unis pour mettre en place nos travaux », reconnaît la chercheuse allemande Michaela Muller-Trutwin, responsable de l’unité VIH à l’Institut Pasteur.

Elle travaille par exemple sur la façon dont le VIH évolue chez les singes verts d’Afrique, qui le portent depuis des milliers d’années. « Il faut pouvoir accueillir de grands animaux porteurs de maladies infectieuses potentiellement dangereuses pour l’homme et qui exigent un niveau de sécurité extrêmement important, de niveau 3 (NDLR : le deuxième niveau le plus fort) », poursuit-elle.

Et la plateforme permet aussi de réunir les chercheurs de six organismes – le CEA, donc mais aussi l’Institut Pasteur, l’université Paris Saclay, de l’Inserm, l’ANRS et la société Oncodesign – travaillant sur ces nombreuses maladies infectieuses, comme le chikungunya, la fièvre jaune, de la dengue, le virus Zika ou encore sur la tuberculose.

le CEA, mais aussi l’Institut Pasteur, l’université Paris Saclay, de l’Inserm, l’ANRS et la société Oncodesign.

Source : vih.org

Le modèle de santé français a beaucoup évolué depuis l’époque des approches psychanalytiques à l’addiction. La réduction des risques, notamment via la substitution, a débouché sur un système qui fonctionne – mais qui doit être défendu et optimisé.

Avec la loi de 1970, la France avait opté pour une politique sanitaire et sociale des drogues peu médicalisée, sans traitement de substitution, et avec une approche plus psychologique que sociale. Avec l’arrivée du VIH / sida , la RdR est introduite en France surtout par le milieu associatif, mais ne s’impose que lentement aux politiques publiques.

VIH et débuts de la réduction des risques

En 1994, sous la pression associative et celle des médecins du VIH associés à un petit groupe de généralistes, Bernard Kouchner puis Simone Veil officialise une toute nouvelle politique de santé des addictions fondée sur les traitements de substitutions (TSO) et les stratégies de réduction des risques. Celle révolution se fait malgré l’opposition d’une grande part des intervenants en toxicomanie qui n’avaient pas pris la mesure de la gravité de l’épidémie de VIH/sida. Plus encore, le dogme de l’abstinence leur était sacré comme porte d’entrée vers une réelle thérapie; prescrire et dispenser un médicament opiacé de substitution était selon leur expression «donner de la drogue aux drogués».

Dans un premier temps, forte de son expérience internationale, notamment en Amérique du Nord, en Grande Bretagne et aux Pays-Bas, c’est la méthadone qui est préconisée dès 1994 (elle reçoit l’AMM début 1995). Initialement, celle-ci doit être délivrée dans des centres spécialisés (CSST, centres de soin spécialisés en toxicomanie). Elle peine à s’installer, étant donnée la persistance d’une forte opposition. Les médecins généralistes peuvent prendre le relais des prescriptions quand le patient est stabilisé.

Un an plus tard, devant la lenteur de la mise en place du dispositif, les autorités de santé donnent le feu vert à la buprénorphine haut dosage (BHD ou Subutex®). Elle recevra son AMM début 1996. Vu l’absence théorique de risque d’overdose, le Subutex® peut être «primoprescrit» par les généralistes.

Transformation de la prise en charge

Ce dispositif extrêmement souple laisse une large place aux médecins généralistes et constitue une révolution dans la prise en charge médicale des usagers. Pour la première fois, les médecins disposent d’un outil efficace pour permettre aux patients de réduire ou supprimer leur consommation d’héroïne, et qui correspond à une demande des usagers.

Au-delà du traitement, c’est la relation médecin-usager qui va se transformer: le médecin n’est plus là seulement pour traiter les conséquences les plus dramatiques des usages intraveineux (abcès, septicémies, endocardites, contaminations virales), il est enfin directement impliqué dans le traitement de la dépendance. C’est un élément essentiel quand l’épidémie de VIH battait son plein. Au moment où arrivent les premiers traitements antirétroviraux efficaces, les usagers de drogues sont exclus des premiers protocoles au prétexte de leur mode de vie instable. Les TSO, en permettant une plus grande stabilité aux usagers, vont leur permettre d’accéder aux trithérapies puis plus tardivement aux traitements de l’hépatite C. Dans l’esprit des médecins, les usagers acquièrent désormais un statut de patients (et non plus de «mauvais malades») à partir du moment où ils optent pour la substitution. L’entrée dans un suivi TSO représente à cette époque une sorte de clef, de passeport pour accéder aux autres traitements.

Buprénorphine: l’exception française

France : dates d’introduction

France : dates d’introduction

La France est le seul pays qui a donné une place aussi large à la buprénorphine haut dosage (BHD), prescrite à 90 % par les médecins généralistes. Au début des années 2000, 90 000 patients bénéficient d’un traitement par la BHD, 10 000 par la méthadone. Environ 10 000 médecins sont prescripteurs de TSO, soit près d’un médecin sur 10. Entre 2002 et 2017, le nombre de prescriptions de méthadone augmente régulièrement pour concerner environ 50 000 patients. Le nombre de personnes traitées avec la BHD reste stable autour de 100/120 000.

Le bénéfice des TSO a été massif. La grande majorité des addictologues, initialement opposée pour des raisons idéologiques à la substitution dans la mesure où elle ne «libérait» pas le sujet de la dépendance mais substituait une dépendance à une autre, est maintenant convaincue de son utilité et en prescrit sans réticence. Quant aux pouvoirs publics, ils continent de faire pression sur les centres d’addictologie (rebaptisés Csapa en 2005), pour qu’ils assument leur mission de prescription des TSO et d’application des stratégies de réduction des risques.

Bienfaits de la substitution

La première conséquence a été de rendre possible le traitement et la prévention des infections virales. Le nombre de nouvelles infections par le VIH s’effondre chez les usagers de drogue par voie veineuse. Aujourd’hui les UDIV ne représentent plus que 1 % des nouvelles contaminations VIH (70 sur 7 000); la séroprévalence chez les UDIV est passée de 40 à 50%, à moins de 10%. Cette chute de la prévalence est en partie liée à l’hécatombe des premières générations qui n’ont pas pu attendre les traitements efficaces. Si les stratégies de réduction des risques (accès aux seringues stériles, Stéribox®, programmes d’échanges de seringues) ont eu un rôle important dans la diminution du nombre d’infections VIH, les TSO ont certainement eu un fort impact car c’est surtout après leur introduction que la courbe du VIH s’est drastiquement infléchie.

La deuxième conséquence des TSO est un effondrement des overdoses. Elles diminuent drastiquement, de plus de 450 par an (chiffre officiel sous-estimé) à moins de 200 en 1996. Depuis 2003, elles remontent pour atteindre 350 en 2015, augmentation en partie liée à une recrudescence de l’héroïne, souvent plus fortement dosée, et à l’augmentation des mésusages de méthadone et de sulfates de morphine, parfois associés à d’autres substances psychoactives: alcool, benzodiazépines, cocaïne et nouveaux produits de synthèse.

La troisième conséquence est l’amélioration partielle du parcours jadis chaotique des héroïnodépendants; la baisse du nombre d’incarcérations et la diminution de la petite et moyenne délinquance liée aux trafics d’opiacés sont également constatées. Les pharmaciens redoutent plus aujourd’hui le contrôle de leur tutelle que les braquages par des héroïnomanes en manque. Ce qui était initialement pensé comme protecteur de l’individu pour le VIH s’est révélé également protecteur pour la société. Les deux objectifs de santé publique et de sécurité publique si souvent opposés se rejoignent grâce aux TSO.

La France en un coup d'oeil

La France en un coup d’oeil

Détournements et mésusages

Y a-t-il des effets indésirables propres aux TSO? Le mésusage consiste principalement en l’injection de traitements conçus précisément pour éviter l’injection; il est rapporté chez 15 à 40 % des patients selon les études. Ce sont principalement la BHD et le Skenan® qui sont injectés, les comprimés étant broyés et filtrés pour l’injection. C’est une indication à la méthadone dont la forme sirop se prête beaucoup moins à l’injection. Même si des injecteurs de méthadone sont retrouvés parfois dans les salles de consommation à moindre risque, ils sont beaucoup plus rares. Ils utilisent alors des trocarts et non des «insulines» qui ont des conséquences encore plus désastreuses pour les veines.

Le trafic de BHD s’est également développé principalement dans 3 régions de France (région parisienne, Alsace et Provence Alpes côte d’Azur). Le plus souvent ce sont des usagers qui se font prescrire des doses supérieures à leurs besoins et revendent le surplus, ce qui leur permet un supplément de revenus. Il s’agit aussi parfois de personnes qui ne consomment pas et qui revendent la totalité des comprimés prescrits par des médecins peu scrupuleux et délivrés par des pharmaciens peu regardant. Une personne pouvant aller voir plusieurs médecins et se faire prescrire 64 ou 128 mg de BHD, soit 4 à 8 fois la posologie habituelle et ce pour 28 jours. Un véritable trafic s’est développé vers des pays où la BHD est indisponible, tels la Géorgie, la Finlande ou Maurice. Le détournement a atteint des sommets au début des années 2000 avec quelques centaines d’individus (sur 90 000 personnes substituées) quand le montant des remboursements hors bonnes pratiques représentait près de 40 % de la BHD remboursée.

Pour limiter ces détournements, une tentative par la Mildt de classer la BHD sur la liste des stupéfiants, à l’instar de la méthadone, s’est vu rejetée par le milieu associatif VIH car jugée rétrograde, et a été abandonnée. La Caisse d’assurance maladie s’est mobilisée pour repérer médecins et pharmaciens qui ne respectent pas les bonnes pratiques. Celles-ci impliquent une triangulation patient/médecin/pharmacien. Le nom du pharmacien doit impérativement être inscrit sur l’ordonnance et un contact doit s’établir entre médecin et pharmacien. Actuellement le détournement représente environ 10 % de la BHD et se maintient à un niveau stable (2,4 % des bénéficiaires). Certains diront que c’est un moyen facile de trouver une substitution d’urgence, d’autres que c’est une porte d’entrée à la dépendance aux opiacés. L’étude Priminject montre que c’est néanmoins l’héroïne qui reste le produit d’entrée et de très loin.

Dans les prisons, les TSO sont largement prescrits, dans 93 % des établissements. C’est dans ces établissements que la Suboxone® (BHD + naloxone) est le plus souvent prescrite à la différence des milieux «ouverts» dans lesquels la Suboxone® n’a pas su s’imposer.

Globalement le dispositif fonctionne bien et permet à plus de 150 000 personnes opiodépendantes de suivre un TSO, soit 60 à 70 % de le population concernée, ce qui est à la fois un chiffre satisfaisant en objectif de santé publique mais aussi l’indicateur de la nécessité d’élargir l’accessibilité au traitement et la palette thérapeutique, notamment en développant de nouvelles galéniques, des formes injectables et des salles de consommation à moindre risque (dont seulement deux sont actuellement ouvertes depuis fin 2016, à Paris et à Strasbourg).

Qu’est-ce qui a changé depuis 20 ans ?

Les produits utilisés.

La méthadone initialement sous forme de sirop est depuis 2008 disponible aussi sous forme de gélules, que le pharmacien peut délivrer pour 28 jours depuis 2014. Ces gélules sont réservées aux personnes substituées depuis un an par méthadone sirop et bien stabilisées.

La BHD reste le produit de première intention et le TSO le plus largement prescrit. Le Subutex® (médicament princeps) reste le plus prescrit, les génériques représentant moins de 20 % des prescriptions.
La prescription de sulfates de morphine (Skenan®, Moscontin®) reste marginale (environ 2 000 personnes). Elle est encadrée maladroitement par simple une lettre du Directeur Général de la Santé de 1996 et c’est aujourd’hui la Caisse d’assurance maladie qui en assure le contrôle et en valide ou pas les indications. Le mésusage par vois veineuse du Skenan® continue de souligner la réticence française pour les formes injectables des MSO ainsi que pour les programmes d’héroïne médicalement assistés. Aucune forme retard n’est actuellement disponible.

L’injection semble moins fréquente que dans années 1990 tandis que les programmes d’éducation et de RdR se développent progressivement. De même, un seul programme d’envoi de seringues par voie postale existe et serait menacé. Suivant les recommandations du groupe TSO de la DGS en 2009 et les recommandations de l’OMS en 2014, l’accès encore limité à l’antidote des OD, la naloxone (Nalscue®) a vu le jour en 2017. Le développement de programmes adaptés (Take Home Naloxone) se fait attendre.

Bien moins importante qu’en Amérique du Nord, l’épidémie d’overdoses secondaire à la diffusion non encadrée des médicaments opioïdes pourrait menacer la France. Les autorités sanitaires y sont particulièrement vigilantes depuis 2017. Le décès de 2 adolescents après ingestion de cocktails codéinés a entrainé l’obligation de prescription sur ordonnance de tout médicament antalgique ou antitussif contenant de la codéine.

Un souhait: sous l’impulsion de l’épidémie VIH, le modèle français a su se médicaliser et développer des stratégies de RDR aux opiacés, sortant enfin partiellement du dogme de l’abstinence et de la punition. Puisse ce modèle être pérennisé et inspirer les autres champs de la santé des addictions: tabac, alcool, cannabis, cocaïne, nouveaux produits de synthèse et addictions comportementales.

Trois sujets d’inquiétude:

  • Beaucoup de généralistes très investis dans le combat de la réduction des risques arrivent aujourd’hui à l’âge de la retraite. Ce sont parfois les mêmes qui se sont engagés dans le développement des réseaux Ville-Hôpital et la prise en charge en ville du VIH puis du VHC. La plupart d’entre eux ne seront pas remplacés tant ils ont du mal ne serait-ce qu’à trouver des remplaçants. La pénurie de médecins généralistes en France devrait s’aggraver dans les années à venir. Les nouvelles générations médicales qui n’ont connu ni le sida ni les engagements quasi militants pour pouvoir prescrire des MSO. Sans une sensibilisation spécifique aux traitements en addictologie, le modèle français des TSO sera menacé.
  • L’inorganisation de la recherche sur les addictions et son manque de financement ne sont pas porteurs de nouveaux progrès à la hauteur des enjeux. Quid de la recherche d’un «vaccin anti cocaïne»? Quid de la recherche sur les parades à proposer aux addictions croissantes aux nouvelles drogues de synthèses (Méphédrone, Amphétamines, canabinoïdes de synthèse, etc.) ?
  • Les réactions de protestation lors de l’ouverture de l’unique salle de consommation à moindre risque montrent que les réticences restent vives et que les acquis peuvent être menacés par le désintérêt des pouvoirs publics et le non renouvellement des acteurs les plus engagés.

Un espoir: La victoire sur le VIH et les progrès importants effectués dans les traitements de l’hépatite C montrent que les avancées sont possibles. Le développement des échanges entre acteurs européens pourrait constituer un nouveau moteur pour renforcer le dynamisme et la foi dans l’innovation.