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Source : Seronet.info

Le 31 mai, c’est la Journée mondiale de lutte contre le tabac. Cette journée est pilotée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et ses partenaires dans différents pays. La Journée sert évidemment à souligner les risques sanitaires et autres risques associés au tabagisme. Elle sert également à plaider en faveur de politiques efficaces pour réduire la consommation de tabac. A cette occasion, Seronet vous propose un point sur quelques annonces faites en France et revient sur le thème de la Journée 2018 qui a pour thème : tabac et maladies cardiovasculaires.

Tabac et VIH : une association qui fâche

L’information n’est pas nouvelle ; elle mérite néanmoins d’être rappelée. Le tabagisme doublerait le risque de mortalité pour les personnes vivant avec le VIH sous traitement antirétroviral (ARV). Une étude publiée dans la revue « Aids » a en effet constaté que les personnes qui fument avaient un risque accru de décès par maladie cardio-vasculaire et par cancers non classant sida, dont le cancer du poumon. L’espérance de vie d’un fumeur de 35 ans avec le VIH peut ainsi être réduite de près de huit ans, expliquait déjà en 2015 vih.org (1). Dans cette étude, 18 000 personnes avaient été suivies entre 1996 et 2008 ; 60 % étaient fumeuses. « Le taux de mortalité toutes causes confondues était de 7,9 pour 1 000 personnes exposées par an pour les fumeurs et 4,2 pour 1 000 personnes par an pour les non-fumeurs. Dans l’ensemble, les fumeurs connaissent donc un risque deux fois plus élevé de mortalité par rapport aux non-fumeurs », notait Charles Roncier dans son article. « Près des trois quarts (71 %) des décès enregistrés n’étaient pas liés au sida, le taux de décès non liés au sida étant significativement plus élevé chez les fumeurs (RR = 4,6 par 1 000 années-personnes) que chez les non-fumeurs (RR = 2,6 par 1 000 années-personnes). Les taux de maladies cardiovasculaires, des cancers non-classant sida et de maladies du foie étaient significativement plus élevés chez les fumeurs ». Les données indiquaient aussi que le sur-risque concernait les personnes qui fumaient toujours et pas celles qui avaient arrêté le tabac. Les personnes vivant avec le VIH ne sont pas les seules à avoir intérêt d’arrêter la consommation de tabac, mais elles ont objectivement de sérieuses raisons de le faire et peuvent d’ailleurs s’appuyer sur de nouveaux outils et de nouvelles mesures.

Moi(s) sans tabac : des résultats encourageants pour le vapotage

Chaque année, en France, à l’automne, les autorités sanitaires organisent l’opération Moi(s) sans tabac, une grande opération qui incite à l’arrêt du tabac selon différentes techniques. L’une d’elles est le vapotage. Près de 40 % des personnes ayant choisi le vapotage lors de l’opération Moi(s) sans tabac à l’automne 2017 déclarent ne plus fumer cinq mois après. C’est ce qu’indique une enquête réalisée par l’association Sovape, dont les résultats ont été présentés le 28 mai dernier, indique l’APM. Sur la base de ces résultats, l’association qui promeut la réduction des risques et des dommages appelle les autorités de santé à « prendre leurs responsabilités et soutenir une politique cohérente et efficace d’aide aux fumeurs pour en finir avec la cigarette ». L’association a d’ailleurs rédigé un rapport en ce sens. Sovape a interrogé 652 personnes s’étant inscrites sur un groupe Facebook de « vapoteurs » créé dans le cadre de la campagne Moi(s) sans tabac. Cinq mois après, fin avril, 38 % des personnes interrogées ont déclaré avoir arrêté de fumer et 8 % à avoir réduit leur consommation de cigarettes (6 % de moitié, 2 % quelques cigarettes). Elles étaient 1 % à déclarer fumer autant qu’avant. Sovape estime que ces résultats « ne laissent aucun doute que le vapotage constitue un phénomène de première importance dans le champ du sevrage tabagique ». L’association formule quatre propositions : renforcer significativement la place du vapotage dans l’opération Moi(s) sans tabac ; réviser la réglementation sur les interdictions (publicité) qui portent atteinte au public en bloquant l’information sur le vapotage ; abolir les mesures contre-productives qui limitent les conditionnements des produits du vapotage et le taux de nicotine autorisé ; lancer un plan de formation pragmatique pour l’accompagnement à l’arrêt tabagique avec le vapotage à destination des acteurs de terrain médicaux et socio-sanitaires, en s’appuyant notamment sur les connaissances des usagers-experts.

Fonds de lutte contre le tabac : 590 millions d’euros pour cinq ans

Le fonds de lutte contre le tabac (créé en 2017) va être doté de 590 millions d’euros sur cinq ans, dont 100 millions d’euros en 2018, a annoncé lez 28 mai dernier la ministre de la Santé, Agnès Buzyn. Elle a consacré une conférence de presse au nouveau programme national de lutte contre le tabac 2018-2022. A cette occasion, la ministre a salué la baisse d’un million de personnes fumeuses quotidiennes observée entre 2016 et 2017. La ministre s’est également félicitée qu’ »après de nombreuses années de stagnation, on observe un recul très important du tabagisme quotidien chez les jeunes de 17 ans ». Elle a également signalé « une baisse conséquente des ventes de tabac de près de 10 % au cours du premier trimestre 2018 ». « Ces premiers résultats sont très encourageants et marquent une rupture », a-t-elle insisté.

France : les grandes lignes du programme national de lutte contre le tabac

Agnès Buzyn a donc présenté le 28 mai dernier les grandes lignes du programme national de lutte contre le tabac (PNLT) pour la période 2018-2022. Ce PNLT « constituera une nouvelle étape dans la lutte contre le tabac et associera des actions sociales, sanitaires, de recherche et économiques », a-t-elle listé, citée par l’APM. D’ici à 2022, le gouvernement veut réduire la part des fumeurs quotidiens chez les 15-75 ans à « moins de 22 % » et « à moins de 20 % chez les adolescents ». Agnès Buzyn a précisé que « 100 millions d’euros seront consacrés par le fonds le lutte contre le tabac géré par la Caisse nationale d’assurance maladie [Cnam] aux premières actions du plan », en 2018. Au global, « 590 millions seront consacrés par le fonds, d’ici 2022, au renforcement de la prévention en matière d’addictions », a-t-elle ajouté. Le nouveau plan comporte quatre axes principaux. Le premier concerne « la protection des enfants pour éviter l’entrée dans le tabagisme ». « Des appels à projets vont être lancés, financés par le fonds de lutte contre le tabac, dont un appel à projet national intitulé « mobilisation de la société civile », « pour renforcer la prévention et la promotion de la santé et favoriser la dénormalisation du tabac », a détaillé Agnès Buzyn. Par ailleurs, des appels à projets régionaux seront diffusés pour que les Agences régionales de santé (ARS) déclinent la lutte contre le tabac « au plus près des territoires » dans le cadre de leur programme régional. Le professeur Jérôme Salomon, directeur général de la santé (DGS), a précisé lors de la conférence de presse du 28 mai que les ARS disposeront de financements supplémentaires pour travailler sur trois axes principaux : « la protection des jeunes, l’aide aux fumeurs pour s’arrêter de fumer et l’amplification d’actions auprès des publics prioritaires ». L’axe 2 du PNLT vise « à  encourager et accompagner les fumeurs pour aller vers le sevrage », a résumé Agnès Buzyn. Le troisième axe du plan « se concentre sur l’économie du tabac », a annoncé la ministre. « Au-delà de la hausse de la fiscalité que nous avons portée (…) et qui porte déjà ses fruits, nous agissons aussi au niveau européen en travaillant sur une évolution du cadre fiscal européen », a-t-elle assuré. Enfin, le quatrième axe vise « à  surveiller, évaluer, faire des recherches et diffuser les connaissances relatives au tabac », a souligné la ministre. L’Institut national du cancer (Inca) et l’Institut de recherche en santé publique (Iresp) portent conjointement un appel à projet, financé par le fonds de lutte contre le tabac, destiné à la communauté des chercheurs. « Sur les 100 millions d’euros [du fonds en 2018], 14 millions d’euros vont être ciblés sur des appels à projets dans le domaine de la recherche et de l’évaluation », a précisé le directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie, Nicolas Revel.

Des substits nicotiniques désormais remboursables sur prescription médicale

Il y a quelques jours. Le ministère de la Santé a indiqué que plusieurs traitements de substitution nicotinique étaient désormais remboursables sur prescription médicale — « avec le bénéfice du tiers payant en officine », a rappelé la ministre de la santé le 28 mai. C’est-à-dire qu’un médecin peut désormais prescrire des traitements de substitution nicotinique (gommes et patchs) qui sont remboursés à 65 % par la Sécurité sociale depuis le 20 mai. L’un est la gomme à mâcher Nicotine EG (14,14 euros la boîte), l’autre est le patch NicoretteSkin (28,55 euros). Des prix uniques ont été fixés. Ces traitements sont donc remboursés à 65 % par l’Assurance maladie. Certaines complémentaires remboursent le reste. Ce système est beaucoup plus souple et permet surtout l’accès de toutes et tous à ces produits de substitution. Les personnes n’ont plus l’obligation d’avancer les frais jusqu’à hauteur de 150 euros par an et par personne comme auparavant. Le forfait de 150 euros va donc disparaître au profit de ce nouvel accès sur prescription, mais il reste maintenu jusqu’à fin 2018. « Le remboursement par la sécurité sociale, de méthodes de substituts nicotiniques, que ce soit une gomme à mâcher ou un patch, est un acquis, réellement, puisqu’il n’y aura plus de frein financier à l’accessibilité de ces méthodes. Je tiens à dire que cela marque un tournant, a rappelé la ministre lors de sa conférence de presse. Un outil de prévention va être remboursé par la Sécurité sociale et c’est réellement la politique que je souhaite porter aujourd’hui, qu’il n’y ait pas de rupture entre la prévention et les soins », a-t-elle insisté.

Journée mondiale sans tabac 2018 : tabac et maladies cardiovasculaires

Chaque année, le 31 mai, l’Organisation mondiale de la santé et ses partenaires marquent la Journée mondiale sans tabac, en soulignant les risques sanitaires et autres risques associés au tabagisme cette année, ils mettent l’accent sur le lien entre tabac et maladies cardiovasculaires.

Le tabagisme est un important facteur de risque pour l’apparition de cardiopathies coronariennes, d’accidents vasculaires cérébraux et de maladies vasculaires périphériques, note l’OMS dans un communiqué. Les maladies cardiovasculaires tuent davantage de personnes que toute autre cause de décès dans le monde, et la consommation de tabac ainsi que l’exposition au tabagisme passif contribuent à raison d’environ 12 % de tous les décès dus à une maladie du cœur. Le tabagisme est la deuxième cause principale de maladie cardiovasculaire, après l’hypertension artérielle. L’épidémie mondiale de tabac tue plus de sept millions de personnes chaque année, dont près de 900 000 sont des non-fumeurs qui meurent parce qu’ils ont été exposés au tabagisme passif. Près de 80 % du plus d’un milliard de fumeurs que compte la planète vit dans des pays à revenu faible ou intermédiaire, où la charge de morbidité et de mortalité liée au tabac est la plus lourde. Cette année, l’OMS entend notamment « souligner les liens entre l’utilisation de produits du tabac et les maladies cardiovasculaires et cardiopathies », « sensibiliser davantage le grand public à l’impact de la consommation de tabac et au tabagisme passif sur la santé cardiovasculaire ».

On l’a vu : les chiffres sont souvent sinistres, mais ils permettent un contrepoint utile aux arguments du lobby du tabac (fabricants comme vendeurs). Ils donnent un bon aperçu de l’enjeu de santé publique qu’est le tabagisme. Certaines données indiquent aussi que des politiques de santé ont leur efficacité. Pour ne pas finir sur une note trop désespérante, l’OMS a eu la bonne idée de lister (à partir des résultats d’études scientifiques) les principaux avantages de l’arrêt du tabac. Arrêter de fumer présente pour toutes les personnes qui fument des avantages immédiats et à long terme pour leur santé :

  • dans les vingt minutes qui suivent l’arrêt du tabac, votre rythme cardiaque et votre pression sanguine diminuent ;
  • dans les douze heures suivantes, votre taux sanguin de monoxyde de carbone redevient normal ;
  • au bout de deux à douze semaines, votre circulation s’améliore et votre fonction pulmonaire augmente ;
  • dans les un à neuf mois, la toux et l’essoufflement diminuent ;
  • dans l’année, votre risque de cardiopathie coronarienne diminue de près de moitié ;
  • dans les cinq ans, votre risque d’accident vasculaire cérébral redevient le même que pour un non-fumeur cinq à quinze ans après l’abandon du tabac ;
  • dans les dix ans, votre risque de cancer du poumon tombe à près de la moitié de celui d’un fumeur et votre risque de cancer de la bouche, de la gorge, de l’œsophage, de la vessie, du col de l’utérus et du pancréas diminue ;
  • dans les quinze ans, le risque de cardiopathie coronarienne redevient le même que pour un non-fumeur.

Les personnes de tous âges qui souffrent déjà d’un problème de santé lié au tabagisme peuvent tout de même ressentir des bienfaits en cessant de fumer. Quels avantages par rapport aux personnes qui continuent de fumer :

  • à environ 30 ans : on enregistre un gain de près de dix ans d’espérance de vie ;
  • à environ 40 ans : on enregistre un gain de neuf ans d’espérance de vie ;
  • à environ 50 ans : on enregistre un gain de six ans d’espérance de vie ;
  • à environ 60 ans : on enregistre un gain de trois ans d’espérance de vie.
  • suite à l’apparition d’une maladie potentiellement mortelle : les personnes qui cessent de fumer après une crise cardiaque réduisent leurs chances de récidive de 50 %.

 

(1) : Smoking doubles risk of death for patients taking HIV therapy.
1.Helleberg M et al. Smoking and life expectancy among HIV-infected individuals on antiretroviral therapy in Europe and North America: the ART Cohort Collaboration. AIDS 28 (online edition). DOI: 10.1097/QAD.0000000000000540 (2014).