Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Comprendre les mécanismes impliqués dans le contrôle viral et la maîtrise de l’infection par le VIH chez les patients appelés « contrôleurs » reste un enjeu majeur de la recherche sur le VIH, promesse de possibles nouvelles stratégies thérapeutiques. Deux études menées par l’équipe du Dr Asier Sáez-Cirión (Institut Pasteur) et ses collègues du CEA, des universités Paris Descartes, Paris sud et Paul Sabatier Toulouse, de l’Inserm et de l’AP-HP permettent de mettre en lumière les particularités des lymphocytes T CD8+ ainsi que les facteurs pouvant optimiser leurs fonctionnalités chez les individus contrôlant l’infection. Ces travaux sont soutenus par l’ANRS, la fondation MSDAVENIR, la Commission Européenne et Sidaction. Ces résultats sont présentés le 25 juillet lors de la 9ème conférence sur le VIH/Sida (IAS 2017) organisée par l’International Aids Society et l’ANRS, qui se déroule du 23 au 26 juillet 2017, à Paris.

Le terme « contrôleur » désigne des patients infectés par le Virus de l’Immunodéficience Humaine (VIH) qui ont naturellement la capacité de maîtriser l’infection sans traitement. Chez ces rares individus, la charge virale est contrôlée par le système immunitaire et reste en dessous du seuil de détection. Les mécanismes précis mis en jeu dans la réponse à l’infection restent actuellement une énigme. Cependant, le rôle joué par les lymphocytes T CD8+ (LTCD8+) semble majeur dans la mise en place de ce contrôle.

L’étude ANRS SIC a été conduite par les équipes des Dr. Asier Sáez-Cirión (Institut Pasteur) et Bruno Vaslin (CEA) et leurs collègues des Universités Paris Descartes et Paul Sabatier Toulouse, de l’Ap-HP et de l’Inserm avec le soutien de l’ANRS et de la fondation MSDAVENIR. Les chercheurs ont reproduit le phénomène d’individus « contrôleurs » chez des macaques infectés par le virus de l’immunodéficience simienne (SIV) pour décrypter les mécanismes sous-tendant le contrôle viral naturel. Trois groupes de macaques ont été comparés :

  • deux groupes « contrôleurs », certains animaux recevant une dose virale faible de SIV, les autres possédant des caractéristiques génétiques favorables (Complexe Majeur d’Histocompatibilité)
  • un troisième groupe « témoins » dont les individus ne possédaient pas les caractéristiques génétiques favorables et qui ont reçu une forte dose de SIV.

Tous les animaux ont développé une réponse CD8+ contre le SIV dans les jours qui ont suivi l’infection. Cette réponse était dans un premier temps peu efficace, puis, chez les contrôleurs les cellules CD8+ ont acquis au fil des mois une capacité optimale à éliminer les cellules CD4+ infectées. L’acquisition de cette capacité a coïncidé avec le contrôle du virus dans tout l’organisme. Les chercheurs ont par ailleurs observé une quantité moins importante de cellules infectées dans les ganglions des individus contrôleurs 15 jours après l’infection. Ainsi, chez les individus non contrôleurs, le fait qu’il y ait une forte quantité de virus dans les ganglions semble entraver la maturation des LT CD8+. Selon le Dr Asier Sáez-Cirión, « ces résultats nous montrent que le développement d’une réponse CD8+ efficace contre le virus nécessite un processus de maturation de plusieurs semaines qui n’a lieu que chez quelques sujets. Ceci semble dépendre de la préservation précoce de l’environnement des ganglions où se déroule cette maturation. De plus, le développement d’une réponse efficace ne semble pas dépendant des caractéristiques génétiques des individus infectés, ce qui laisse entrevoir la possibilité de l’induire dans la population générale. »

Dans une deuxième étude menée par l’équipe du Dr. Asier Sáez-Cirión et ses collègues de l’Inserm, de l’université Paris Sud et de l’AP-HP avec le soutien de l’ANRS, de l’Union Européenne et du Sidaction dans le cadre de la cohorte ANRS CO21 CODEX, les chercheurs ont décrypté les caractéristiques des LT CD8+ mémoires spécifiques du VIH associés au contrôle de l’infection. En analysant individuellement le profil d’expression génique de plus d’un millier de ces cellules, les chercheurs ont pu confirmer des différences intrinsèques entre les cellules d’individus contrôleurs et non-contrôleurs. Alors que les cellules des patients non-contrôleurs sont programmées pour se multiplier et utilisent le glucose comme source d’énergie rapide, les cellules de patients contrôleurs sont programmées pour survivre, produire rapidement des molécules antivirales et sont capables de mobiliser plusieurs sources d’énergie. Ces caractéristiques les rendent plus adaptables et efficaces, en particulier dans les sites de multiplication virale. « Ces résultats nous montrent que la réponse CD8+ des individus contrôleurs est due à une programmation différente de leurs Lymphocytes T CD8+ mémoires spécifique du VIH » explique le Dr Asier Sáez-Cirión « Cela nous donne des pistes précieuses sur le programme cellulaire qu’il faudrait induire à travers des vaccins ou immuno thérapies afin de reproduire cette réponse chez d’autres sujets. »

Ces travaux sont présentés le 25 juillet lors de la 9ème conférence sur le VIH/Sida (IAS 2017) organisée par l’International Aids Society et l’ANRS, qui se déroule du 23 au 26 juillet 2017, à Paris.

Sources : anrs.fr

Il n’y a pas que les associations de lutte contre le sida qui résistent… Il y a aussi le VIH ! La question des mutations de résistance du VIH est en filigrane de tous les débats sur les stratégies de traitement ARV dans cet IAS de Paris, 9e de l’histoire. Que ce soit en induction, en deuxième ligne, en allègement, au Nord comme au Sud, en thérapeutique comme en préventif (PrEP). Avec le questionnement de la transmission croissante de souches résistantes dont la prévalence se compte désormais à 2 chiffres dans nombre de pays. Avec une question qui résume l’ensemble : dans les pays du Nord, doit-on prescrire les molécules les plus récentes et les plus efficaces pour lesquelles peu ou prou de mutations de résistance ont (encore) été décrites afin de traiter universellement et sans attendre les tests génotypiques ? En privilégiant un traitement d’induction immédiat dès la première consultation qui s’affranchit des questions de résistance ? Et quid des pays du Sud dont la plupart ne disposent pas des techniques de virologie permettant de passer à une deuxième ligne adaptée aux résistances ?

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a choisi cette opportunité mondiale pour publier le 20 juillet 2017 un rapport sur “Cette menace grandissante [qui] pourrait nuire aux progrès globaux réalisés dans la lutte contre le sida si des mesures précoces et efficaces ne sont pas mises en œuvre”, estime l’instance de l’ONU pour la santé publique. Dans 6 des 11 pays observés pour ce rapport, en Afrique, en Asie et en Amérique Latine, plus de 10 % des patients ont développé une résistance aux traitements antirétroviraux les plus courants. L’OMS souligne que “cette résistance se développe lorsque les patients ne se conforment pas au traitement prescrit, souvent parce qu’ils ne disposent pas d’un bon accès à des soins de qualité contre le VIH”. Ces patients, qui risquent de transmettre des virus résistants, doivent passer à d’autres traitements, mais ceux-ci “peuvent être plus chers et, dans certains pays, encore plus difficiles à obtenir”, explique l’OMS. “Pour prévenir l’émergence de la résistance aux médicaments contre le VIH, nous devons nous assurer que les patients qui démarrent des soins continuent bien à suivre un traitement efficace”, a commenté le Dr Gottfried Hirnschall, directeur du département de lutte contre le sida et les hépatites à l’OMS, cité dans le communiqué. Des modélisations mathématiques montrent que si rien n’est fait, 135 000 morts et 105 000 nouvelles infections supplémentaires pourraient être dues à la résistance aux traitements dans les 5 ans à venir, selon l’OMS. Cela pourrait entraîner un surcoût de 650 millions de dollars (560 millions d’euros).

MSF a aussi sonné le tocsin dans un communiqué en pleine conférence de l’IAS  et avec l’intervention du très esthétique Gilles van Cutsem qui avait agité la CROI 2015 : “Environ 10 % des personnes vivant avec le VIH dans les districts du Malawi, du Kenya et de l’Afrique du Sud ont eu un sida, dont 47 % n’ont jamais reçu de dépistage ni de traitement. Les gens sont encore diagnostiqués en retard. Nous avons besoin de nouvelles façons de détecter ceux qui sont exclus, dès le début, avant d’arriver à l’hôpital dans des conditions souvent mortelles ou de mourir à la maison sans jamais recevoir de soins”.

Deux exemples parmi 127 abstracts de l’IAS :

  • une étude prospective (MOPEB0269) conduite à Taïwan entre 2013 et 2016 auprès de 18 615 patients avec une prévalence pour l’infection à VIH-1 de 2,5 %. On a constaté que 15 patients (8,4 %, 15/178) portaient une résistance aux NRTI/NNRTI/PI. L’utilisation de corécepteurs CCR-5 a été trouvée chez 71,4 % (130/182) des patients. Personne n’a eu de résistance aux INSTI, mais 17 patients avaient un  polymorphisme aux INSTI. Ceux-ci étaient plus susceptibles d’avoir une charge virale supérieure au VIH (p = 0,039) et étaient plus souvent  CCR-5+ (p = 0,043) ;
  • dans une autre étude conduite en Caroline du Nord (MOPEB0342), 1 658 patients avaient un génotype pré-ART ;  la prévalence globale de mutations de résistance était de 12 % (IC95 : 10-14).

Comme l’a souligné MSF, on en revient donc à la question de l’argent ! Qui dit mutations de résistance dit développement (coûteux) de la virologie. Et MSF de mettre en garde : “Les réductions anticipées du financement américain au fonds mondial (17 %) et PEPFAR (11 %) à partir de 2018 verront de nombreux pays confrontés à d’autres restrictions de subvention. Le rétrécissement des enveloppes de financement et la nécessité de préserver les achats d’ART mettront en péril les réponses de la communauté, y compris les tests ciblés et l’amélioration de l’alphabétisation et de l’adhésion, tout en affamant les investissements essentiels nécessaires aux agents de santé, aux laboratoires et aux diagnostics”.

Sources : edimark.fr