Le pôle transdisciplinaire de santé sexuelle, de sexologie et droits humains est officiellement créé en France. Il a même son slogan : « La santé sexuelle pour tous » et lance une première initiative : un cycle gratuit de conférences grand public dès janvier 2017. Ce pôle a fait l’objet d’une conférence de presse le 15 décembre, une occasion de voir que les bonnes fées ne manquent pas autour du berceau.
Effectivement le pôle transdisciplinaire de santé sexuelle, de sexologie et droits humains ne manque pas de bonnes fées… En effet, ce pôle est à l’initiative de l’Université Paris Diderot et la faculté de médecine, en partenariat avec la chaire Unesco santé sexuelle et droits humains et la Fondation universitaire partenariale Paris Diderot. Placé sous la responsabilité du docteur Thierry Troussier, récemment promu professeur, ce pôle entend être un « lieu d’innovation et d’enseignement pluridisciplinaire et numérique, au croisement des secteurs de la médecine, de la santé publique, de la psychologie, de la sociologie et du droit ». Son objectif est « d’innover en pédagogie et éducation en matière de santé sexuelle, de sexualité humaine, dans une approche globale de l’humain dans son environnement et son parcours de santé ». Voilà pour la philosophie du pôle qui s’appuie sur plusieurs directions : une sur sexualité humaine et sexologie dirigée par Joëlle Mignot, psychologue et sexologue clinicienne, une direction Droits humains dirigée par l’avocate Ingrid Geray et une direction des Etudes pédagogiques et académiques assurée par le professeur Laurent Mandelbroot, gynécologue et spécialiste du VIH.
Bon, mais la santé sexuelle, c’est quoi pour ce pôle ? Citant les grandes définitions comme celle de l’Organisation mondiale de la santé, le professeur Thierry Troussier a surtout voulu situer son objectif large : promouvoir la santé sexuelle en France et au niveau mondial et dédramatiser le sujet. Il a ainsi présenté des chiffres qui attestent que les hommes et les femmes en France sont plutôt satisfaits de leurs vies sexuelles. Ainsi 44 % des femmes se disent très satisfaites et 42 % assez satisfaites, soit au total 86 % ; 35,% des hommes se disent très satisfaits et 47 % assez satisfaits soit au total 82 %. Lorsqu’on regarde les données sur les personnes qui se disent peu ou pas satisfaites dans leur vie sexuelle, cela concerne à 16 % des hommes (sans maladie chronique ou handicap) et à 20 % des hommes (ayant maladies chroniques ou handicap). Chez les femmes, les données sont de 13 % (sans maladie chronique ou handicap) et de 17 % (ayant maladies chroniques ou handicap)… Enchaînant chiffres et diapositives, Thierry Troussier a soulevé quelques paradoxes et rappelé des évidences. Ainsi, ce n’est pas parce que l’on connaît des difficultés sexuelles que l’on est forcément insatisfait de sa vie sexuelle. Il a défendu l’idée qu’un des objectifs en matière de santé sexuelle était notamment de tendre vers une atténuation des différences entre les hommes et les femmes au profit d’un renforcement des droits des femmes. Après tout, ce sont bien elles qui sont les plus exposées aux violences sexuelles, au VIH, etc.
Le grand public est visé
Un des paris du pôle, outre la formation de professionnel-le-s, est clairement de faire de la santé sexuelle un centre d’intérêt pour tout un chacun. Pour cela, un ambitieux cycle de conférences transdisciplinaires intitulé « Santé sexuelle pour tous » est proposé. Il démarre en janvier 2017. Ces conférences sont gratuites, ouvertes au grand public. Elles comportent une partie de présentation par un-e expert-e voire deux et un temps d’échanges avec la salle. Sept conférences seront proposées de janvier à juin 2017. Comme l’a expliqué Joëlle Mignot, les thèmes ont été choisis au regard des 17 objectifs de développement durable du Programme des Nations Unies à l’horizon 2030, en particulier l’objectif numéro trois qui vise une vie en bonne santé pour tous et à tout âge, grâce notamment à un accès égal aux services de soins de santé sexuelle et procréative (planification familiale, information et éducation à la santé sexuelle), et l’objectif 5 qui vise l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes et des filles. Ces conférences (voir encart ci-dessous) ont des thèmes à la fois accrocheurs et ambitieux, d’autres plus techniques. Pour y participer, il suffit juste de s’inscrire aux conférences que l’on souhaite suivre sur santesexuelle-droitshumains.org. Les conférences sont gratuites.
Santé sexuelle pour tous : le programme des sept conférences
Vendredi 27 janvier 2017 : La santé sexuelle, de quel Droit ? Animée par le Pr Thierry Troussier et Me Ingrid Geray.
Cette première conférence permettra de présenter la santé sexuelle, sa définition, son champ d’intervention au sein de la santé, les professionnels qui sont engagés. A cette occasion, les Droits humains en lien avec la santé sexuelle seront exposés et il sera débattu de l’intérêt de lier les droits humains avec la santé sexuelle. Enfin, sera interrogée sur l’existence d’un droit à la santé sexuelle.Vendredi 24 février 2017 : Diversité culturelle : Qu’apporte l’approche de Santé sexuelle dans la lutte contre le VIH ? Animée par le Pr Willy Rozenbaum.
Au regard de plus de 30 ans de lutte contre le VIH/sida, les apports d’une approche globale de l’individu en lien avec son environnement socio-économique et culturel seront analysées. Une discussion à partir de ce contexte qui prend en compte les déterminants individuels, environnementaux et structuraux de la santé sexuelle permettra de proposer de nouvelles stratégies à mettre en place pour en finir avec l’épidémie du VIH à l’agenda 2030 des Nations Unies.Vendredi 17 mars 2017 : Comment penser la Santé sexuelle à l’hôpital à partir du concept de Dignité humaine ? Animée par le Pr Cynthia Fleury.
À partir des définitions philosophique, bioéthique et juridique de la dignité de l’homme, comment pouvons-nous l’articuler à la notion de « santé sexuelle ». Qu’est-il dû à l’homme du fait de son humanité, en termes de « santé sexuelle » ?Vendredi 21 avril 2017 : Dire la vulnérabilité des corps et des individus en santé sexuelle : une force ? Animée par le Pr Antoine Bioy.
La santé sexuelle est constitutive de l’identité humaine ; elle participe à la construction de l’individu et accompagne dynamiquement son évolution tout au long de sa vie. Il s’agit par ailleurs d’une réalité qui relève à la fois du corporel et du psychique. En cela, il s’agit d’un concept « total »; d’un élément essentiel du principe d’humanité. La santé sexuelle est à la fois précieuse, évolutive et fragile. Elle dit quelque chose de l’individu, et de son histoire. Cette vulnérabilité peut aussi être vue comme une force : parce que cette santé sexuelle est polymorphe et évolutive, elle rime avec un nombre important de potentialités, des devenirs riches et pluriels. Tant individuellement que collectivement, il est essentiel de respecter cette fragilité des corps qui expriment les ressentis et le désir, et de saisir combien cette vulnérabilité fondamentale est nécessaire dans notre construction identitaire.Vendredi 19 mai 2017 : Quel est le rôle de l’éducation thérapeutique en Santé sexuelle ? Animée par le Pr Gérard Ribes.
L’éducation thérapeutique en santé sexuelle va impliquer à la fois la place de l’individu dans ses fonctionnements, ses croyances, ses représentations, mais aussi la question de l’autre, qu’il soit conjoint ou partenaire occasionnel. L’éducation thérapeutique, dans ce domaine, va interroger la question de la prise de risque et de cette rencontre qui semble antinomique entre réflexion et désir, entre lâcher prise et conscience, entre présent et futur. Plus qu’un mode opératoire, c’est un mode de réflexion et d’interrogation des « savoirs profanes » qui articulera cette présentation.Vendredi 16 juin 2017 : Qu’est-ce que le genre ? Animée par le Pr Laurie Laufer.
Le genre et le champ de recherche qu’il ouvre permet d’interroger les stéréotypes, les hiérarchisations et les inégalités longtemps restées invisibles et de mettre en perspective des transformations sociales, culturelles et politiques. Les études de genre ont pour objectif d’analyser les processus inégalitaires qui conduisent à créer différentes formes de différenciation entre les sexes (le masculin l’ayant toujours emporté sur le féminin). Il s’agit de dénaturaliser les rapports sociaux de sexes et les normes qui disciplinent les identités, les corps et les sexualités ; c’est une des principales raisons qui leur vaut tant d’oppositions.Vendredi 30 juin 2017 : Pourquoi la santé sexuelle est-elle un aspect fondamental de la santé reproductive ? Animée par le Pr Laurent Mandelbrot et Joëlle Mignot.
Le lien entre sexualité et grossesse est naturel au plan biologique, psychique, médical et social. Ce lien étroit, riche et complexe influence la dynamique du couple et concerne le désir de grossesse et le désir d’enfant, qui ne sont pas synonymes, la grossesse voulue ou subie, normale ou compliquée, le besoin de contraception, l’interruption de grossesse, l’infertilité et l’assistance médicale à la procréation. Dans la vie d’une femme, la maîtrise de sa vie reproductive est donc fondamentalement liée à sa santé sexuelle. Par ailleurs, les atteintes à la santé sexuelle, telles que les infections génitales et pelviennes, les douleurs pelviennes chroniques, les mutilations génitales, les viols, les grossesses adolescentes, entrainent aussi bien des grossesses non voulues que des infertilités, qu’elles soient dues aux complications médicales ou au retentissement sur la vie sexuelle de la femme. La prévention et l’accompagnement éclairé par des professionnels bien formés est donc un enjeu de société, qui repose sur l’évolution des relations de genre et l’image positive du corps et de la sexualité.
Sources : Seronet