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Il ne reste plus que la publication des décrets ministériels et l’accès universel aux nouveaux traitements (AAD) anti-VHC entrera en vigueur. Désormais, chaque personne vivant avec le VHC, quel que soit son stade de fibrose, pourra être traitée par les antiviraux à action directe. Toutes les instances consultées par la ministre de la Santé ont donné leur feu vert. Dernière en date : la Haute autorité de santé (HAS), le 12 décembre. Explications.

Réalisé sous l’égide de l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales et du Conseil national du sida et des hépatites virales, avec le concours de l’Afef, la société française d’hépatologie, le rapport Dhumeaux 2016 (1), sorti le 17 octobre 2016, recommande de traiter toutes les personnes vivant avec le VHC avec les nouveaux médicaments : les antiviraux à action directe (AAD ou AVD), soit l’accès universel. Une stratégie dont la ministre de la Santé Marisol défend le principe depuis 2015 et qu’elle a souhaité encadrer avec la publication de ce rapport d’experts  et d’un avis de la Haute autorité de santé (HAS). Cet avis est publié le 12 décembre dernier. Récemment (2), le professeur Daniel Dhumeaux, coordinateur du rapport d’experts, expliquait : « La décision de l’accès universel au traitement des personnes infectées marque l’histoire de l’endémie de l’infection par le VHC en France », indiquant ainsi qu’une page se tournait dans le VHC. Souhaité de longue date par les associations et les experts, puis promis par le gouvernement, l’accès universel n’attendait plus que l’avis de l’HAS (c’est donc fait désormais). Il ne reste plus qu’une étape : la prochaine publication de décrets ministériels pour l’entrée en vigueur de cet accès universel.

La position de la HAS

Fin novembre, la commission de la transparence (CT) de la Haute autorité de santé publie des avis concernant les sept antiviraux à action directe (AAD ou AVD) actuellement prescrits : Zepatier (elbasvir + grazoprévir), Epclusa (Sofosbuvir + velpatasvir), Daklinza (daclatasvir), Harvoni (sofosbuvir + lédipasvir), Olysio (siméprévir), Viekirax (ombitasvir + paritaprévir + ritonavir) et Exviera (dasabuvir). Dans ses avis, la Commission de la transparence « estime que le traitement peut désormais être proposé à l’ensemble des patients infectés par le VHC, y compris les personnes asymptomatiques ayant un stade de fibrose F0 à F1 qui ne sont pas à risque de transmission du VHC, non inclus dans les précédentes recommandations ». Autrement dit, la HAS préconise également l’accès universel, ce qui n’était pas le cas précédemment. Elle avait même imposé, en 2014, des critères drastiques d’accès aux traitements en contradiction avec les demandes associatives et les recommandations d’experts du premier rapport Dhumeaux qui souhaitaient un accès plus large aux nouveaux traitements.

En 2014, la HAS demandait que soient traités « en priorité les malades aux stades les plus graves, au stade de fibrose hépatique F3 et F4 [voire F2 dite « sévère », ndlr], ainsi que les malades symptomatiques ou ayant des comorbidités ». Ce qui avait débouché sur une sélection des patients et un rationnement de l’accès aux AAD. En juin 2016, elle avait assoupli ses critères et recommandé d’élargir le traitement aux personnes au stade de fibrose F2, à celles susceptibles de transmettre le virus ainsi que lorsque les personnes étaient symptomatiques avec un stade de fibrose F0 ou F1.

Les avis de la CT se trouvent aujourd’hui prolongés par la publication d’une décision (3) et d’une recommandation du collège de la HAS (4) le 12 décembre. Dans un communiqué, la HAS explique qu’elle est « favorable à l’élargissement du traitement de l’hépatite C » et propose d’en « encadrer les conditions ». « Alors que la majorité des patients ayant une infection chronique par le virus de l’hépatite C sévère ou modérée peut aujourd’hui accéder aux traitements par antiviraux d’action directe (AAD), le Collège de la HAS recommande que cette possibilité soit à présent offerte aux patients ayant un stade de fibrose F0 ou F1 qui ne présentent pas de symptômes », explique la Haute autorité.

Les conditions de prises en charge des « nouveaux » malades

Pour la HAS, une prise en charge « doit répondre à plusieurs conditions, dont le choix du patient ». Traiter les personnes les moins atteintes (celles ayant un stade de fibrose F0 ou F1 et asymptomatiques) vise à ralentir l’évolution de la fibrose hépatique, à prévenir ses complications (cirrhose et cancer du foie), à éviter les manifestations extra-hépatiques et à limiter la transmission du virus. Et le collège de la HAS d’expliquer : « traiter à un stade où les effets de la maladie ne se font pas ou peu sentir apporte des gains en termes de qualité de vie mais expose, comme pour les autres malades, à des effets indésirables et des risques de résistances ». Aussi la HAS estime-t-elle que la décision de traiter doit respecter plusieurs conditions. Premièrement, il faut « s’assurer de la bonne information du patient et instaurer un traitement seulement si la décision est partagée ». Autrement dit, si la personne est d’accord pour prendre un traitement. On doit donc lui donner « une information détaillée sur le caractère lentement évolutif de la maladie à ce stade, les traitements disponibles et leurs conséquences ainsi que sur les nouveaux médicaments à venir avec des durées de traitement potentiellement plus courtes. Ceci doit lui permettre d’être associée de manière éclairée à la décision d’instauration du traitement qui la concerne ». Deuxièmement, il faut « mettre en place un suivi clinique des patients aux stades de fibrose F0 ou F1 asymptomatiques traités ». La HAS recommande « la mise en place d’un suivi clinique (…) Ces données permettront de mesurer en conditions réelles d’utilisation l’efficacité et la tolérance de ces traitements et leur impact sur la réduction de la morbidité, de décrire leurs modalités d’utilisation, de mesurer les risques à long terme et d’évaluer les capacités de retraitement en cas de résistance ».

L’évaluation économique faite par la HAS

La HAS n’oublie pas que « l’élargissement du remboursement des traitements aux patients aux stades précoces de la maladie génèrera un surcoût, qu’il conviendra de maîtriser par une baisse des prix pour s’assurer d’une efficience au moins équivalente au traitement des patients aux stades les plus avancés ». Autrement dit, la HAS recommande à l’Etat d’ »encadrer le prix des traitements pour garantir une efficience identique et mieux connaître les gains en qualité de vie ».

Du côté des associations, la vigilance est aussi de mise. Pour AIDES qui, avec d’autres, a beaucoup défendu l’accès universel, cette avancée est importante, mais incomplète. En effet, l’accès universel ne doit pas escamoter le fait qu’il faut agir aussi sur le prix des médicaments anti-VHC qui, quoi qu’en disent le gouvernement et les labos, restent beaucoup trop élevés. Aujourd’hui, l’Etat s’engage vers un accès élargi, indispensable sur les plans de la santé individuelle et collective. Mais il le fait sans articuler cette avancée avec un encadrement optimal des tarifs et sa conséquence : la baisse réelle des prix, sans une réflexion de fond pour contrer le dévoiement du système des brevets, d’où la vigilance actuelle d’un certain nombre d’associations.

Au sein de la HAS, outre la commission de la transparence (CT), la commission d’évaluation économique et de santé publique (CEESP) a également été consultée par le collège. Comme l’explique Damien Coulomb dans le « Quotidien du Médecin » (12 décembre), il est très difficile, selon le CEESP, d’évaluer l’efficience économique attendue d’un traitement de patients ayant un stade de fibrose faible, compte tenu de l’hétérogénéité des études. « La CEESP n’était pas en mesure de calculer un prix susceptible de garantir une bonne efficience d’un traitement élargi, pointant du doigt la méconnaissance du prix réel des traitements et du nombre de patients concernés », indique le quotidien médical. « Selon les données analysées, le gain attendu du traitement précoce est essentiellement constitué d’un gain en qualité de vie », indique la HAS. « Il sera donc nécessaire de disposer de données en vie réelle, y compris de qualité de vie, pour l’ensemble des patients afin de réévaluer l’efficience de ces traitements », note-t-elle. Comme l’indique le « Quotidien du Médecin », la CEESP a « considéré que l’élargissement des traitements à l’ensemble des patients infectés, générera un surcoût, pour un gain de qualité de vie sans bénéfice sur la survie ».

Curieusement, la HAS ne rappelle pas que toutes les personnes qui seront soignées et guéries de leur infection ne connaîtront pas de difficultés plus tard (cirrhoses, cancers du foie, transplantations, manifestations extra-hépatiques), réduiront grandement les risques de transmission… Le gain espéré d’une telle stratégie ne se limite évidemment pas à la seule qualité de vie, même si le critère est primordial. De plus, la facilité d’accès à un traitement hautement efficace contre le VHC peut sans doute avoir un rôle incitatif au dépistage. A quoi cela sert-il de se dépister si en cas de diagnostic positif, on ne peut pas accéder à un traitement qui permet pourtant la guérison de l’infection ? Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le communiqué (12 décembre) de la HAS demande que soit mise en œuvre une nouvelle stratégie de dépistage du VHC. « En effet, la stratégie actuelle fondée sur le dépistage de l’infection au sein des populations à risque est insuffisante ». Il « persiste une épidémie cachée de l’infection par le VHC. On estime ainsi que la moitié des personnes infectées par le VHC ignorent leur statut », rappelle la HAS qui « proposera à terme des recommandations sur la stratégie de dépistage de l’hépatite C incluant les moyens de repérer les malades, les traitements et leurs modalités ainsi que les pistes pour réduire les réinfections ».

Sources : Seronet