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Source: Seronet
Le 28 juillet se tient la Journée mondiale contre l’hépatite. A cette occasion l’Organisation mondiale de la santé (OMS) appelle les « pays à agir sans délai pour faire baisser la mortalité due à l’hépatite virale ». En France, quelques jours avant cette journée, la Haute autorité de santé (HAS) a publié ses recommandations sur le Trod VHB et sa mise en place dans l’offre de dépistage, une revendication soutenue de longue date par des associations comme le Raac-sida qui a participé au groupe de travail dédié à la HAS.

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Manifestement, l’OMS ne voulait prendre aucun risque estival et rater le coche de la Journée mondiale contre l’hépatite. Du coup, l’agence onusienne a dégainé dès le 20 juillet son communiqué de presse d’appel à la mobilisation des Etats pour « faire baisser la mortalité due à l’hépatite virale ». En fait, derrière cet appel, nombreux sont les objectifs pour les pays : prendre des mesures pour améliorer les connaissances sur la maladie, développer l’accès aux services de dépistage et de traitement. Deux chiffres résument le challenge. Aujourd’hui, une personne sur vingt sait qu’elle a une hépatite et seulement une sur cent est traitée. Du coup, le Dr Margaret Chan, actuelle directrice générale de l’OMS, peut jouer les pythies : « Le monde a ignoré l’hépatite à ses risques et périls »… sans faire un excès d’autocritique. Pourtant, ce résultat est aussi le sien. Après tout, elle dirige l’OMS depuis novembre 2006.

Dix ans plus tard et alors qu’elle achève son dernier mandat, le ton se veut désormais plus offensif. « Il est temps de mobiliser une action mondiale contre l’hépatite d’une ampleur comparable à celle qui a été engagée pour combattre d’autres maladies transmissibles, comme le VIH/sida ou la tuberculose ».

Oui, manifestement il est plus que temps. Dans le monde, 400 millions de personnes vivent avec les virus de l’hépatite B ou C, soit dix fois plus que le nombre de celles qui vivent avec le VIH. On estime que 1,45 million de personnes en sont décédées en 2013, contre moins d’un million en 1990.

En mai 2016, lors de l’Assemblée mondiale de la Santé, 194 gouvernements ont adopté la première stratégie mondiale du secteur de la santé contre l’hépatite virale, rappelle l’OMS à l’initiative de cette mobilisation tardive. Ces Etats ont convenu des premiers objectifs mondiaux dont celui de parvenir à « traiter huit millions de personnes contre l’hépatite B ou C d’ici à 2020 ». A plus long terme, la stratégie onusienne vise à diminuer de 90 % le nombre des nouvelles infections et de 65 % le nombre des décès dus à l’hépatite virale d’ici à 2030 par rapport aux chiffres de 2016.

Avec un art de la litote un peu poussé, l’Organisation mondiale de la santé reconnaît que la « stratégie est ambitieuse ». Evidemment, rappelle Margaret Chan, ces objectifs sont atteignables avec les outils dont on dispose aujourd’hui. Pour l’hépatite B, il existe un vaccin et un traitement efficace. Pour le VHC, pas de vaccins, mais des progrès spectaculaires dans les traitements (les excellents résultats des AVD).

« L’introduction de médicaments pris par voie orale, appelés antiviraux à action directe, a donné la possibilité de guérir potentiellement plus de 90 % des patients en deux à trois mois. Mais, dans de nombreux pays, les politiques et réglementations actuelles, de même que les prix de ces médicaments, mettent la guérison hors de la portée du commun des mortels », ajoute dans une formule surprenante l’OMS.

« Nous devons agir tout de suite pour mettre un terme aux décès évitables dus à l’hépatite », a tonné le Dr Gottfried Hirnschall, directeur à l’OMS du département VIH/sida et du programme mondial de lutte contre l’hépatite. « Pour cela, il faut développer rapidement l’accès aux services et aux médicaments pour ceux qui en ont besoin ».

Améliorer le traitement, c’est rendre les médicaments accessibles

Des pays ont trouvé des moyens de mettre les services à la disposition de ceux qui en ont besoin. Ces efforts sont facilités par la baisse des prix des médicaments contre l’hépatite C, particulièrement dans les pays ayant accès aux médicaments génériques, note l’OMS. En 2015, une analyse préliminaire a permis d’estimer que 300 000 personnes vivant dans les pays à revenu faible ou intermédiaire avaient bénéficié du traitement contre l’hépatite C à base des nouveaux antiviraux à action directe. C’est là qu’il faut rappeler qu’il y a de part le monde plusieurs dizaines de millions de personnes vivant avec le VHC : environ 170 millions ! Reste qu’il y a des avancées. En Egypte, un pays à revenu intermédiaire avec l’un des taux de prévalence de l’hépatite C les plus élevés au monde, 200 000 personnes ont été traitées au cours des douze derniers mois. Le prix du traitement a été ramené de 900 dollars en 2014 à moins de 200 dollars en 2016.

Prévenir l’hépatite

En 2014, 184 pays avaient intégré l’administration du vaccin contre l’hépatite B aux nourrissons dans leur calendrier de vaccination et 82 % des enfants dans ces pays avaient reçu ce vaccin. C’est une très nette augmentation par rapport aux 31 pays en 1992, année où l’Assemblée mondiale de la Santé a adopté une résolution pour préconiser la vaccination mondiale contre l’hépatite B. Des efforts ont été faits en matière de sécurité transfusionnelle, de sécurité des injections. Par ailleurs, note l’OMS, les « services de réduction des effets nocifs à l’intention de ceux qui s’injectent des drogues sont essentiels pour réduire la fréquence de l’hépatite dans cette population », autrement dit il faut développer une bonne politique de réduction des risques pour limiter les infections liées au partage de matériel d’injection. Outre cette sortie liée au calendrier officiel, l’OMS a rappelé qu’un grand sommet mondial sur les hépatites sera proposé du 29 au 31 mars 2017 à Sao Paulo par la World Hepatitis Alliance et le gouvernement brésilien.

La HAS rend son avis sur les Trod VHB

Le 25 juillet dernier, la Haute autorité de santé (HAS) a présenté (dans un communiqué) ses recommandations concernant les tests de dépistage rapide d’orientation diagnostique (Trod) pour le VHB. « Environ 280 000 personnes seraient atteintes d’hépatite B aujourd’hui en France et plus de la moitié d’entre elles ignorerait leur statut », rappelle la HAS. Du coup, pour atteindre les personnes concernées, il faut améliorer la stratégie de dépistage actuelle comme cela a déjà été fait pour le VIH, puis le VHC (même si l’arrêté sur les Trod VHC se fait toujours attendre). La Haute autorité de santé a évalué, ces derniers mois, la performance des tests rapides d’orientation diagnostique (Trod) de l’hépatite B. Dans son avis du 25 juillet, elle conclut que les Trod, en permettant de toucher les populations à risque éloignées du système de soins, constituent un outil complémentaire au dépistage biologique classique qui reste la méthode de référence.  Par ailleurs, la HAS « estime (…) que les tests rapides devraient faire partie d’un dépistage combiné avec les Trod du VIH et de l’hépatite C.

Qui est concerné en priorité par le dépistage ?

Le dépistage du VHB cible les personnes particulièrement à risque d’être infectées : personnes originaires de zones touchées par le virus, personnes ayant des comportements sexuels qui les exposent, personnes usagères de drogues, personnes détenues, entourage des personnes vivant avec le VHB. Ce dépistage repose sur un test sanguin réalisé en laboratoire (test Elisa) à partir d’une prise de sang et qui recherche trois marqueurs de l’infection. L’objectif est double : d’une part, repérer les personnes vivant avec le VHB afin de les prendre en charge rapidement et d’autre part, proposer une vaccination à celles qui n’ont jamais été infectées et qui sont exposées au risque. Cette stratégie a ses limites puisque « 55 % des personnes [vivant avec le VHB] en France ignoreraient qu’elles sont infectées ».

Pourquoi les Trod VHB et pour qui ?

Le Trod est un test d’utilisation simple qui permet d’atteindre des populations particulièrement exposées, insuffisamment dépistées ou éloignées des structures de soins, avance la HAS. La réalisation d’un Trod ne requiert qu’une goutte de sang prélevée par microponction au bout du doigt, ce qui rend sa réalisation plus facile et plus acceptable qu’une prise de sang classique. Les Trod présentent l’avantage de pouvoir être utilisés dans un cadre non médicalisé, par le biais de structures associatives et médico-sociales, qui agissent au plus près des personnes à risque et qui sont les plus à même d’atteindre les populations éloignées des structures de soins. Comme la majorité des Trod VHB développés à ce jour, le seul Trod actuellement commercialisé en France ne détecte que l’un des trois marqueurs de la maladie (l’antigène HBs), détaille la HAS. Ce Trod permet ainsi d’identifier les personnes infectées par le virus, mais pas celles qui n’ont jamais été contaminées par le VHB et qui pourraient bénéficier d’une vaccination. Si les performances de ce test sont jugées suffisantes par la HAS, le Trod ne peut se substituer au test réalisé en laboratoire, qui reste le test de référence dans le dépistage de l’hépatite B. C’est pourquoi la HAS le recommande comme un outil de dépistage complémentaire, utilisable pour toucher des populations et groupes plus exposés au risque d’infection et insuffisamment dépistés. En cas de résultat positif, le résultat devra toujours être confirmé par un test sanguin classique (si le résultat est confirmé, une prise en charge spécialisée devra être proposée et la vaccination envisagée pour l’entourage familial). En cas de résultat négatif, une confirmation par test sanguin classique devra être encouragée afin de savoir si la personne peut bénéficier d’une vaccination, note la HAS. Dans son conclusion, la HAS suggère de combiner l’ensemble des Trod disponibles (VIH, hépatites B et C) notamment parce que les populations les plus exposées sont souvent co-infectées.

Une revendication du Raac-sida

En mai dernier, Caroline Andoum et Joseph Koffi, tous deux porte-parole du Raac-sida, avaient publié dans la revue « Gingembre » et sur Seronet une tribune : « Trod VHB : il faut faire vite ! » rappelant les enjeux d’une mise en place rapide des Trod VHB et manifestant une évidente impatience. « Ces dernières années, les Trod ont été développés et recommandés pour le VIH et le VHC. Concernant le Trod VHB, rien ne semble avancer alors qu’il se fait attendre depuis longtemps… Qu’en est-il ? Les tests de dépistage déjà disponibles sur le marché et autorisés par la communauté européenne recherchent l’AgHBs — soit l’antigène HBs, un des éléments de l’enveloppe du virus de l’hépatite B — dont la présence signe le diagnostic chez la majorité des personnes infectées par le VHB. La performance de ces tests semble bonne selon les données des fabricants et des études indépendantes. Ces tests pourraient donc être très rapidement appropriés par nos associations. Un groupe de travail [celui de la HAS qui comportait un représentant du Raac-sida] se penche, depuis février 2016, sur l’utilisation des Trod VHB dans la stratégie de dépistage de l’hépatite B. Ses travaux sont très attendus car ils aboutiront à l’élaboration de recommandations fixant le cadre de leur utilisation, notamment dans le dépistage communautaire. A l’exemple des Trod VIH et VHC, les Trod VHB seront un outil complémentaire dans l’offre actuelle de dépistage ».

« Ils seront des outils indispensables pour les associations comme les nôtres qui travaillent en direction des populations parfois précaires et exclues du système de santé », expliquaient Caroline Andoum et Joseph Koffi. « Ils nous permettront d’aller au plus près des personnes et tout spécialement celles qui sont le plus éloignées des soins. Ils nous permettront aussi d’avoir une offre de dépistage communautaire plus complète (VIH, VHC, VHB), plus simple. Cela devrait multiplier les chances de se voir proposer un dépistage, contribuer à une meilleure connaissance pour chacun de son statut sérologique et faire le lien avec le soin en cas de découverte de séropositivité. C’est un enjeu individuel pour la santé de chacun, mais aussi collectif, dans l’intérêt de nos communautés. Il s’agit aujourd’hui pour notre réseau de travailler aux modes opératoires et aux partenariats à mettre en place pour donner toute leur place aux Trod dans nos communautés, et d’inciter à la vaccination contre le VHB. La mise à disposition rapide des Trod du VHB est primordiale. Nous la voulons ; nous y travaillons ».