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Sources : La Nouvelle République

En France, le VIH ne tue (presque) plus. Le regard sur les personnes séropositives, lui, a peu évolué : “ Il y a un gros risque de mort sociale ”. Témoignage.

 Je l’ai appris le 31 décembre 2014, par téléphone, suite à un don du sang. David a 24 ans. Peau dorée, tee-shirt noir sur torse sculpté, coupe à la mode, il a l’enthousiasme des garçons de son âge, l’insouciance en moins. Il y a un an et quatre mois, il est « mort, et est né à nouveau »« Ce jour-là, j’ai fait le deuil de ma vie sans le VIH », explicite-t-il.

La vie avec, aujourd’hui, c’est une prise de médicament quotidienne, des symptômes et effets secondaires plus discrets, une espérance de vie quasi-normale, et la possibilité d’atteindre une charge virale indétectable, donc d’être « non-contaminant ». Ça, c’est pour les progrès de la médecine. Pour le reste : « En France, on ne meurt plus physiquement du VIH, mais il y a un risque de mort sociale », assène David.

 «  En parler, c’est forcément lié à une peur de l’exclusion  »

Calé dans le canapé du local de l’antenne tourangelle d’Aides, il raconte, s’agite, sourit beaucoup. « Hasard du calendrier, le lendemain du jour où j’ai été averti de ma séropositivité, j’embauchais chez Aides, précise-t-il en préambule. Ce qui fait que je suis entouré, j’ai des appuis, car j’appartiens à une communauté. » Une demi-heure après l’avoir appris, il est au téléphone avec Éric Cordier, le référent régional de l’association de lutte contre le sida. « J’avais des rapports à risques, je ne peux pas dire que je ne m’y attendais pas du tout », raisonne-t-il. Le soir même, il fête le réveillon, encaisse les « Bonne année, bonne santé ». Deux semaines plus tard, il commence son traitement. David avance, vite, c’est dans son caractère.
Sans tarder, aussi, son petit ami l’a quitté. « En parler, c’est forcément lié à une peur de l’exclusion », analyse-t-il, sans amertume. Dans l’entourage militant, associatif, qui est aussi son travail, cela n’a pas posé question. Il l’a confié à quelques-uns de ses amis, à d’autres non. Parfois, une remarque blessante tombe, sans savoir. Sa famille, qu’il voit peu, n’est pas au courant. « Je crois que plus une personne est proche, plus c’est difficile, a-t-il constaté. Quand je rencontre quelqu’un, je me pose toujours la question de lui dire tout de suite, ou d’attendre de mieux le connaître. Dans le premier cas, la personne peut prendre peur, dans le second, se sentir trahie. Il n’y a pas de bonne solution. »
Bien que le risque de contamination soit écarté grâce au traitement, sa vie sexuelle est compliquée ; sa vie amoureuse au point mort. « Même avec des gens qui acceptent la situation, au fond de moi, j’ai la sensation que je peux les mettre en danger », explique David. Alors, il s’écarte.
Avec le temps, il a apprivoisé sa nouvelle vie. « Au tout début, chaque prise de médicament me renvoyait à la maladie », se souvient-t-il. Le pilulier a été remplacé par une boîte de bonbons, le traitement est devenu son « copain ». Il a renoncé, « pour l’instant », à son rêve de tour du monde, mais il se « prend moins la tête ». Il parle, partage, écoute, notamment en animant des groupes de parole à Aides. « Chacun le vit à sa manière : il y a des gens qui sont dans la peur, dans la colère, dans le déni, certaines en parlent facilement, d’autres font 25 km pour être sûrs que personne de leur connaissance ne les voie à la pharmacie », rapporte-t-il. « Moi, je suis bien entouré, et de nature plutôt positive », se rassérène-t-il. « Reste que régulièrement, je me prends des claques. »