Le tissu adipeux est un réservoir du VIH. C’est ce que démontre une étude française. Une découverte qui ajoute une couche de complexité à une maladie déjà retorse.
Le combat contre le VIH vient de se compliquer encore. Le virus n’a pas deux, mais trois réservoirs dans lesquels il s’abrite, d’après une étude française parue dans PLOS Pathogens. En plus du cerveau et du tube digestif, le VIH reste caché dans le tissu graisseux, révèlent les travaux sur le singe et l’être humain.L’équipe de l’université Paris-Sud a utilisé des macaques infectés par l’équivalent simiesque du VIH, le SIV, ainsi que des patients séropositifs qui avaient subi une chirurgie abdominale – et sous traitement antirétroviral. « On s’intéresse beaucoup à deux aspects de l’infection par le VIH au stade chronique : l’inflammation à bas bruit chez les patients sous traitement, et la reprise de la charge virale à l’arrêt du traitement, explique Christine Bourgeois, co-auteur de l’étude. Cela suggère qu’il existe des sites réservoirs où le virus est caché et n’est pas éliminé par les antirétroviraux. Depuis quelques années, on cherche à identifier les sites de persistance. » Les chercheurs se sont alors penchés sur le tissu adipeux et sur son potentiel inflammatoire.
Réévaluer les médicaments
Chez le macaque, le tissu graisseux change après une infection par le SIV. Il compte plus de cellules stockant la graisse, les adipocytes, et les cellules immunitaires (lymphocytes CD4+ et CD8+) sont plus actives – ce qui se traduit par une inflammation. Même résultat chez les patients humains : les échantillons prélevés sont positifs au VIH. Le tissu adipeux pourrait donc être un réservoir du virus.
Plusieurs conclusions doivent être tirées de ces résultats, explique Olivier Lambotte. « Cela démontre que les études dans le sang sont insuffisantes. Deuxièmement, le volume du réservoir du VIH est sans doute beaucoup plus important que ce qui a été anticipé. En termes de perspectives de guérison, il faut probablement déterminer un nombre de cibles beaucoup plus important qu’auparavant, dans des organes où la diffusion des médicaments est variable. » Il ne faudrait donc plus se focaliser uniquement sur les concentrations sanguines, mais aussi sur celles dans les tissus. « C’est une autre affaire, tempère Olivier Lambotte. C’est pour cela que, pour moi, la guérison du VIH n’est pas pour demain. »Le tissu adipeux représentant 15 à 20 % du corps, la nouvelle a de quoi inquiéter… particulièrement pour les personnes séropositives obèses. L’équipe approfondit les travaux pour déterminer si l’IMC est un facteur aggravant. Les recherches chez le singe ont conclu que ce n’était pas le cas.
Source : www.pourquoidocteur.fr (Audrey Vaugrente)