Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

VIH : le traitement injectable, ça marche !

PARTAGER SUR :

Source : SERONET

L’Agence européenne des médicaments (EMA) a donné, le 16 octobre dernier, son feu vert à une thérapie anti-VIH par injection de deux antirétroviraux (rilpivirine et cabotégravir) mensuelle ou bimestielle, remplaçant une prise quotidienne de comprimés. Seronet fait le point sur ce nouveau traitement déjà disponible aux États-Unis.

Une efficacité sur le long terme

Le site d’info Aidsmap a réalisé une synthèse des dernières données présentées sur le traitement injectable présentées lors de la récente conférence virtuelle IDweek. L’efficacité de l’association par voie orale, cabotégravir (Vocabria, laboratoire ViiV Healthcare) et rilpivirine (Rekambys, laboratoire Janssen) a été démontrée dans l’étude Latte-1. Les données de Latte-2 ont permis de mettre en place l’évaluation du schéma cabotégravir + rilpivirine  sous sa forme injectable à libération prolongée (une injection intramusculaire toutes les quatre ou huit semaines). L’efficacité de ce schéma de traitement injectable a, par ailleurs, été démontrée dans les essais Flair (personnes n’ayant jamais pris de traitements anti-VIH) et Atlas (personnes ayant déjà pris des traitements anti-VIH).

Lors de la conférence IDWeek, le Dr Graham Smith, de la Fondation pour la recherche Maple Leaf à Toronto, a présenté les résultats des cinq années de l’étude Latte-2. Sur les 274 participants-es initiaux, 93 continuaient de recevoir le traitement par injection une fois par mois et 133, une fois tous les deux mois. Pas moins de 88 % des participants-es qui recevaient le traitement une fois tous les deux mois ont maintenu une charge virale indétectable, contre 74 % dans le groupe qui recevait le traitement une fois par mois. Le taux plus bas dans le groupe par injection mensuelle est attribué à des interruptions de traitement. Parmi les personnes qui sont passées d’un traitement par voie orale à un traitement injectable, 93 % ont maintenu une charge virale indétectable.

Lors de la conférence IDWeek, les résultats de l’essai Polar ont été également présentés. L’étude comprenait 97 participants-es qui avaient en prérequis au moins six années de participation à l’essai Latte-2 et une charge virale indétectable. Sur ces 97 personnes, 90 ont accepté de recevoir la bithérapie cabotegravir et rilpivirine en injection tous les deux mois, tandis que 7 participants-es ont accepté de prendre les mêmes molécules, mais par voie orale en un comprimé par jour (Juluca). Après un an, 98 % des personnes sous traitement injectable et 100 % des personnes sous traitement par voie orale avaient maintenu une charge virale indétectable et aucune n’avait connu d’échec thérapeutique.

Dans toutes les études, le traitement injectable était généralement bien toléré. Des réactions aux points d’injections étaient courantes, mais duraient en moyenne trois jours et menaient rarement à des interruptions de traitement. Une majorité de participants-es ont déclaré préférer le traitement injectable au traitement par voie orale avec un comprimé par jour. Une récente étude menée sous l’égide du laboratoire pharmaceutique ViiV Healthcare explique pourquoi une majorité de personnes vivant avec le VIH aimerait passer en traitement injectable.

L’adhérence et l’effet Covid-19

La Dre Paula Teichner du laboratoire ViiV Healthcare a présenté des données sur l’adhérence (ou observance) et la gestion des interruptions de traitement chez les participants-es des essais Latte-2 et Flair. Dans l’essai Latte-2, sur 9 803 rendez-vous pour des injections, programmés sur cinq ans, 39 % ont bien eu lieu à la date prévue et 96 % ont eu lieu dans une fenêtre autorisée de sept jours avec des résultats similaires que l’injection ait lieu tous les mois ou tous les deux mois. Dans l’essai Flair, sur 6 006 rendez-vous pour des injections programmés sur deux ans, les taux d’adhérence étaient similaires soit respectivement 43 % et 97 %. Sur les deux études combinées, 314 des 354 rendez-vous pour des injections qui n’ont pas eu lieu dans la fenêtre autorisée de sept jours ont eu lieu la semaine qui suivait. Par ailleurs, aucune des 41 injections qui ont eu lieu plus de 14 jours après la date initiale de rendez-vous n’a généré des cas confirmés d’échecs thérapeutiques.

Sur les deux études, 18 personnes ont eu un total de 31 rendez-vous pour des injections manqués. Mise à part une personne, elles ont toutes compensé ces rendez-vous manqués par des prises orales de cabotegravir et rilpivirine en comprimés. Et toutes les personnes qui ont suivi cette stratégie ont conservé une charge virale indétectable, quand elles ont repris les injections. La seule personne qui n’a pas pris de traitement par voie orale suite à une injection manquée (en raison d’une hépatite A) a également maintenu une charge virale indétectable jusqu’à sa prochaine injection quatre semaines plus tard. Par ailleurs, la crise sanitaire liée à la Covid-19 a perturbé le suivi des personnes en traitement injectable. D’après la Dre Maggie Czarnogorski du laboratoire ViiV Healthcare, 7 % des participants-es qui reçoivent des traitements par injection dans le cadre d’essais thérapeutiques ont vu leurs rendez-vous pour des injections affectés par les conséquences de la crise sanitaire (confinement, crainte d’aller à l’hôpital, fermetures de cliniques, personnel soignant mobilisé par la Covid-19, etc.). La majorité des personnes qui n’ont pas pu avoir accès à leur traitement par injection est passée en traitement par voie orale. Cette stratégie semble avoir bien fonctionné puisqu’aucun cas d’échec thérapeutique dû aux conséquences de la crise de la Covid-19 n’a été recensé dans ces études.

Déploiement du traitement

Enfin, la Dre Maggie Czarnogorski a présenté les résultats de l’étude Customize qui a analysé les réactions des professionnels-les de santé sur le traitement injectable aux États-Unis. D’ordinaire, les personnes vivant avec le VIH en charge virale contrôlée voient leurs soignants-es tous les trois ou six mois. Le traitement injectable contraint à un suivi plus rapproché tous les mois ou tous les deux mois et l’injection dans une partie intime du corps (les fesses) exige un niveau de confiance entre la personne et son-sa soignant-e. Dans cette étude, les chercheurs-es ont conduit des entretiens qualitatifs avec huit infectiologues, huit infirmier-ères et huit secrétaires médicaux-les dans huit cliniques américaines, dont des centres universitaires et des centres de suivi pour personnes à faibles revenus. Les entretiens ont eu lieu avant les premières injections administrées aux patients-es et après les quatrièmes séries d’injections.

Dès le départ, une majorité des soignants-es s’attendait à ce que le traitement injectable soit bénéfique à la qualité de vie de leurs patients-es notamment en ce qui concerne l’éventuel stigma autour des boites de comprimés (38 %), la possibilité de voyager sans se soucier de prendre ou d’oublier ses comprimés (31 %) et le fait que les comprimés soient un rappel quotidien du VIH (20 %). Certains-es soignants-es et secrétaires craignaient au départ que le déploiement du traitement injectable vienne perturber l’organisation des cliniques (prises de rendez-vous, emploi du temps des soignants-es et utilisation de l’espace de soins). Après quatre mois de pratique du traitement injectable, la plupart des professionnels-les de santé ont déclaré que leurs inquiétudes initiales étaient tout à fait surmontables. La majorité des équipes (71 %) a rapporté qu’il n’y avait pas eu de changement dans le fonctionnement des cliniques, mais certains-es ont souligné le besoin d’adapter les horaires pour que les rendez-vous pour des injections puissent se faire avant l’ouverture de la clinique ou lors de la pause déjeuner. Presque la moitié les soignants-es (46 %) ont cité le haut niveau d’adhérence des patients-es au traitement injectable et ont déclaré qu’un tel retour positif de leurs patients-es les encourageait à développer cette offre.

La firme pharmaceutique ViiV Healthcare va continuer cette étude à un an de pratique du traitement injectable et a lancé en septembre 2020 : Carisel, une étude similaire chez les professionnels-les de santé qui pratiquent le traitement injectable en Europe.

La recommandation d’autorisation de commercialisation de cette thérapie doit maintenant être approuvée par la Commission européenne avant sa mise sur le marché dans les 27 États membres de l’Union et chaque État va décider pour lui-même des conditions d’accès, du prix et du niveau de remboursement.

Références
Czarnogorski M et al. Summary of Covid-related impact on cabotegravir and rilpivirine long-acting (CAB+RPV LA) dosing across the six ongoing global phase IIb and IIIb clinical trials. IDWeek, abstract LB-8, 2020.
Czarnogorski M et al. Qualitative findings from a hybrid III implementation-effectiveness study to explore perspectives of health-care staff on early implementation of cabotegravir and rilpivirine long acting (CAB+RPV LA) injectable HIV treatment in the US (Customize. IDWeek, abstract 1037, 2020.
Mills A et al. Antiviral activity and safety of long-acting cabotegravir (CAB LA) plus long-acting rilpivirine (RPV LA), administered every 2 months (Q2M), in HIV-positive subjects: results from the Polar study. IDWeek, abstract 116, 2020.
Smith G et al. Safety, efficacy, and durability of long-acting CAB and RPV as maintenance therapy for HIV-1 infection: Latte-2 week 256 results. IDWeek, abstract 638, 2020.
Teichner P et al. Long-term patient adherence and management of treatment interruptions with long-acting injectable cabotegravir + rilpivirine for maintenance therapy in phase IIb/III studies. IDWeek, abstract 1029, 2020.

PARTAGER SUR :