Source: Seronet
S’appuyant sur la base de données hospitalière nationale sur l’infection à VIH (ANRS CO4 FHDH), une équipe de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) a évalué l’efficacité immunologique des nouveaux traitements ARV contre le VIH. Les résultats ont fait l’objet d’un communiqué (27 novembre). Que disent-ils ?
« Bien que satisfaisants, les résultats restent liés à la précocité du diagnostic », explique l’équipe de l’Inserm qui a travaillé sur cette question, soulignant au passage « l’importance de la mesure du ratio CD4/CD8 (appelé aussi indice d’immuno-régulation), notamment au moment où le traitement est mis en place ». « Nous gérons une base de données (1) regroupant les informations sur les personnes vivant avec le VIH prises en charge à l’hôpital. Nous l’utilisons pour répondre à des questions d’intérêt clinique », explique la professeure Dominique Costagliola, qui dirige l’équipe Épidémiologie clinique de l’infection à VIH : stratégies thérapeutiques et comorbidités (2), à Paris. Depuis 2006, des médicaments anti-VIH plus efficaces et mieux tolérés que les premières générations sont apparus, rappelle le communiqué de l’Inserm. Dès lors se pose la question de leur efficacité et des paramètres influant la réponse des personnes traitées.
« Le VIH s’attaque à une catégorie particulière de cellules immunitaires : les lymphocytes CD4, également appelés T helpers, ces lymphocytes aident les autres cellules de l’immunité à lutter contre les micro-organismes. Ils appartiennent à l’immunité acquise. Le taux plasmatique [dans le sang, ndlr] de CD4 constitue donc un bon indicateur de la progression de la maladie. Outre la disparition des virus dans le sang, c’est aussi à cette aune que l’on mesure l’efficacité des [médicaments anti-VIH] : à quelle vitesse le taux de CD4 remonte-t-il à une valeur normale, soit plus de 500 lymphocytes CD4 par mm3 de plasma ? C’est, bien évidemment, l’indicateur biologique le plus étudié depuis le début de l’épidémie. Mais qu’en est-il avec ces nouveaux traitements ? », s’est demandé l’Inserm.
Des molécules efficaces
Exploitant sa base de données, l’équipe de Dominique Costagliola a mené une étude sur une cohorte de plus de 6 000 personnes vivant avec le VIH qui ont démarré un traitement antirétroviral entre 2006 et 2014. Résultat : environ 70 % des personnes traitées reconstituent un taux de CD4 « normal » au bout de six ans. De plus, l’étude confirme avec ces nouveaux médicaments ce que l’on savait déjà avec les autres : un taux élevé de CD4 au début du traitement est de bon pronostic pour la récupération. « Cela met une fois de plus en évidence le problème du diagnostic tardif : trop de patients ont déjà des taux de CD4 très bas (moins de 200) au moment où ils découvrent l’infection, et donc une moindre chance de récupération » souligne la chercheuse. L’équipe s’est aussi intéressée à deux aspects peu étudiés jusque-là. Tout d’abord, parmi les nouveaux traitements figurent des anti-intégrases (inhibiteurs d’intégrase ou INI). Ces médicaments permettent d’obtenir un contrôle rapide de la charge virale. Autrement dit, avec les anti-intégrases le nombre de virus présents dans le plasma devient très vite indétectable. Mais cette élimination rapide des virus sanguins constitue-t-elle un réel bénéfice pour la reconstitution des CD4 et le devenir clinique des patients ? La réponse est non : s’ils abrègent de quelques semaines la période durant laquelle la personne est potentiellement contaminante (période qui dure souvent plusieurs années avant le diagnostic…), les anti-intégrases n’apportent pas d’avantage supplémentaire en termes de récupération de l’équilibre immunitaire, indique l’équipe de l’Inserm.
Un paramètre important
Autre aspect peu pris en compte jusqu’ici : le rapport entre les taux de lymphocyte CD4 et de lymphocyte CD8 qui idéalement devrait se situer à un ou au-dessus, mais se situe souvent au-dessous de un. « Les CD8 sont une population de lymphocytes impliquées dans l’activation des défenses immunitaires. Un taux élevé de CD8 traduit un état d’activation et d’inflammation », explique Dominique Costagliola. Or cette étude montre qu’un ratio CD4/CD8 altéré au moment de l’initiation du traitement — donc une situation cumulant immunodépression et inflammation — se traduit par une plus faible probabilité de remontée des CD4 : la personne répondra plus lentement au traitement antiviral. « Ce résultat plaide pour un relevé systématique du taux de CD8 lors de l’admission des patients dans un service hospitalier », indique le communiqué de l’Inserm. « Cela n’implique aucun coût supplémentaire puisqu’on a ce taux lorsqu’on fait la numération pour les CD4. Il faut simplement le prendre en compte », précise Dominique Costagliola. Ce ratio CD4/CD8 est d’autant plus important qu’un taux constamment élevé de CD8 est associé à des risques autres que les pathologies liées au sida, comme l’infarctus. C’est en tout cas ce qu’a déjà démontré l’équipe de Dominique Costagliola. Une chercheuse de l’équipe de Dominique Costagliola poursuit actuellement une thèse sur le rôle pronostique du ratio CD4/CD8, en particulier en termes de cancers et autres comorbidités.
(1) : Base de données hospitalière française sur l’infection à VIH ANRS CO4 FHDH
(2) : Unité 1136 Inserm/UPMC, Institut Pierre Louis d’épidémiologie et de santé publique, équipe Épidémiologie clinique de l’infection à VIH : stratégies thérapeutiques et comorbidités, Paris