Source : Le Quotidien du Médecin
« Restez au chaud et reposez-vous », s’entendent souvent dire les patients grippés, le bon sens rappelant que le sommeil est réparateur. Mais comment le sommeil peut-il aider à lutter contre l’infection ? Des chercheurs allemands décrivent comment le sommeil aide les lymphocytes T à se fixer sur leurs cibles dans une petite étude publiée dans « Journal of Experimental Medicine ».
Tout se joue au niveau des intégrines, ces protéines d’adhésion transmembranaires exprimées à la surface des cellules T et qui augmentent l’affinité et l’avidité de ces dernières. Au cours des 35 dernières années, la recherche s’est intéressée exclusivement à comprendre le rôle des signaux pro-adhésifs, par exemple médiés par les chémokines. Ce n’est que depuis quelques années que des facteurs anti-adhésifs commencent à être identifiés, det parmi eux les agonistes du récepteur de la protéine Gαs.
Un constat inverse au stress chronique et des cancers
C’est précisément le sujet d’étude choisi par l’équipe de Stoyan Dimitrov à l’université de Tübingen. Les chercheurs sont partis d’un constat intrigant : alors que le sommeil est connu pour entraîner des taux endogènes bas d’un grand nombre de ces agonistes au récepteur Gαs, l’inverse est observé dans de nombreuses situations pathologiques telles que les cancers, le paludisme, l’hypoxie ou le stress.
Ces molécules sont connues pour avoir des effets immunosuppresseurs via leur récepteur couplé à la protéine Gαs (la Gαs étant une sous-unité de protéine G qui active une voie dépendante de l’AMP cyclique). L’équipe allemande avait montré précédemment que ces molécules empêchent les cellules T d’activer leurs intégrines, après reconnaissance de la cible. La liste de ces agonistes compte les catécholamines (adrénaline, noradrénaline), des prostaglandines, la dopamine, l’adénosine, l’histamine ou encore la sérotonine.
Une nuit d’insomnie pour la science
Dans leurs expériences pour mieux comprendre le rôle de ces agonistes sur le système immunitaire au cours du sommeil, l’équipe a inclus 10 sujets sains âgés en moyenne de 24,7 ans. Tous étaient CMV séropositifs, car cette infection chronique latente est caractérisée par un nombre élevé de cellules T spécifiques d’antigène. L’ensemble des sujets était soumis à des prélèvements répétés de 20 h 00 jusqu’à 18 h 00 le lendemain (cathéter), dans deux conditions expérimentales, la première au cours d’une nuit de sommeil régulier (23 h 00 à 7 h 00, lumière éteinte) et la seconde au cours d’une nuit d’insomnie (en position demi-assise à écouter de la musique et à discuter, lumière allumée).
Un rôle protecteur à exploiter
Ici, en étudiant les cellules TCD8 spécifiques du CMV des participants, les scientifiques apportent la preuve que le sommeil active les intégrines de ces cellules en supprimant la signalisation du récepteur couplé à la protéine Gαs des catécholamines. Ces résultats mettent en lumière que « le rôle essentiel d’états caractérisés par un taux bas de ligands au récepteur Gαs comme le sommeil dans la stimulation de la réponse des cellules T », est-il écrit.
Pour Luciana Besedovsky, dernier auteur, ces éléments ne sont pas anodins, compte tenu « de la forte prévalence des troubles du sommeil, des maladies caractérisées par des troubles du sommeil, comme la dépression, le stress chronique, le vieillissement, ou encore du travail posté ». Ces nouveaux éléments pourraient aussi être utiles dans le développement de nouvelles stratégies pour améliorer l’affinité des cellules T à leurs cibles, notamment dans l’immunothérapie des cancers.