Source : sciencesetavenir.fr
Une personne séropositive traitée efficacement ne transmet pas le VIH (virus du sida) lors de rapports non protégés par un préservatif, confirme une nouvelle étude publiée dans The Lancet. Ces résultats confirment ainsi le message martelé depuis des années par les organisations de lutte contre le VIH, et montrent l’importance d’un meilleur accès aux traitements pour enrayer l’épidémie.
« Le risque de transmission du VIH avec une thérapie antirétrovirale qui supprime la charge virale est de zéro »
POUR LES GAYS.
Cette recherche de grande ampleur, menée dans 14 pays européens, a suivi pendant huit ans (2010 – 2017) près de 1.000 couples d’hommes ayant des rapports non protégés et où l’un des partenaires est séropositif mais avec une charge virale indétectable (on parle de couple « sérodifférent »), grâce aux médicaments antirétroviraux. Résultat : aucun cas de transmission du VIH n’a été observé au sein de ces couples, conclut l’article. Au cours des 8 années qu’a duré l’étude, les chercheurs estiment que l’usage d’un traitement antirétroviral efficace a permis d’empêcher environ 472 transmissions du VIH au cours des 8 années de l’étude.
…ET LES HETEROS.
Ces conclusions renforcent celles auxquelles les chercheurs étaient parvenus lors de la première phase de l’étude, publiée en 2016, incluant plus de 500 couples hétérosexuels, et plus de 300 couples homosexuels. Cette première étude avait montré que le risque de transmission du VIH chez les couples hétérosexuels sérodifférents était de zéro. Mais ils avaient alors estimé qu’on ne pouvait pas totalement exclure un risque de transmission pour des rapports anaux sur une période plus longue.
Cette fois, « nos résultats apportent une preuve concluante pour les hommes gays que le risque de transmission du VIH avec une thérapie antirétrovirale qui supprime la charge virale est de zéro« , estime Alison Rodger, professeure à l’University College London, qui a codirigé l’étude. Pour obtenir ces données, les chercheurs soumettaient les couples tous les 6 à 12 mois à des questionnaires confidentiels sur leur comportement sexuel, un dépistage du VIH chez le partenaire séronégatif, et la mesure de la charge virale dans le sang chez le partenaire séropositif. En cas d’infection, des tests génétiques déterminaient si le virus était génétiquement similaire au virus de leur partenaire ou s’il avait été acquis d’un autre partenaire sexuel.
VIH indétectable = VIH non transmissible
Le principe selon lequel une personne sous traitement ne transmet plus le virus, résumé par le slogan « U = U » (pour « undetectable equals untransmittable », en anglais), est défendu depuis plusieurs années par les associations de lutte contre le sida. Cette nouvelle étude « peut nous aider à faire passer le message qu’il n’y a ‘pas de risque' », notamment auprès des médecins généralistes, estime Aurélien Beaucamp, président de l’association française Aides, interrogé par l’AFP.
Cette idée est apparue pour la première fois en 2008, dans un rapport de la Commission fédérale suisse pour les problèmes liés au sida (aujourd’hui CFSS), connu depuis sous le nom de « Swiss statement ». Après une vague initiale d’opposition, elle fait désormais partie intégrante de la stratégie d’organisations comme Onusida, qui vise la fin de l’épidémie d’ici 2030 en se basant sur trois piliers: que 90% des personnes contaminées soient au courant de leur séropositivité, que 90% de ces dernières aient accès aux antirétroviraux et que 90% des personnes sous traitement aient une charge virale indétectable. Aujourd’hui, moins des deux tiers (59%) des personnes séropositives sont sous traitement, avec d’importantes disparités entre les pays occidentaux et les pays en voie de développement.
Dépistage des populations à risque : le vrai cheval de bataille
Dans un commentaire indépendant sur l’étude, Myron Cohen, l’un des pionniers des recherches sur l’efficacité des traitements du VIH pour réduire les contaminations, qualifie les résultats de la Pr Rodger et de ses collègues d' »importants » mais souligne qu’on ne peut pas baser la stratégie de prévention uniquement sur ce principe. « Il n’est pas toujours facile pour les gens de se faire dépister ou d’avoir accès aux soins, de plus, la peur, la stigmatisation, l’homophobie (…) continuent à entraver les traitements du VIH« , souligne le Pr Cohen (université de Caroline-du-Nord, États-Unis).
Parmi les limites de leurs recherches, les auteurs notent ainsi que la majorité des participants séropositifs étaient sous antirétroviraux depuis plusieurs années, et qu’ils disposaient donc de « données limitées sur le risque de transmission au cours des premiers mois de thérapie antirétrovirale« . « La difficulté, c’est que c’est pendant la période précoce de l’infection qu’une transmission du VIH a le plus de probabilité de se produire« , note le Fonds mondial contre le sida, qui insiste pour cette raison sur l’importance de « faire davantage pour encourager les populations à risque à se dépister« .
Cette organisation espère lever 14 milliards de dollars à Paris en octobre 2019 pour financer ses actions, contre 12,2 milliards lors de la précédente réunion des donateurs en 2016. Depuis le début de l’épidémie, 78 millions de personnes ont été infectées par le VIH et 35 millions en sont mortes. Malgré les progrès de la prévention et des traitements, il y a eu encore 1,8 million de nouvelles contaminations en 2017 (contre 3,4 millions au pic de l’épidémie, en 1996) et près de 1 million de décès, soit moitié moins qu’en 2005.