A 74 ans, Willy Rozenbaum, le codécouvreur du VIH, continue de consulter à l’hôpital Saint-Louis à Paris. Quand on l’interroge sur d’éventuels rapprochements entre le sida et le Covid-19, il reste un brin perplexe. Puis rappelle que toute nouvelle épidémie a vu une course aux médicaments effrénée, avec des dérapages inouïs. Ainsi en France, en 1985 deux grands pontes de la médecine ont vanté lors d’une conférence de presse les mérites de la ciclosporine (un antirejet) pour guérir du sida. Quelques jours plus tard, on apprenait que tous les patients traités avec étaient morts. Willy Rozenbaum insiste sur «l’intérêt irremplaçable d’études bien menées». «L’émotion et l’urgence étaient les mêmes, souligne-t-il. Au début, nous n’avions pas de tests, il y avait un décalage énorme entre le nombre de personnes malades et le nombre de personnes infectées et sans symptômes. On ne savait pas quelle était l’étendue de l’épidémie. Aujourd’hui, c’est un peu la même inconnue.»

C’est sur la question du dépistage que Rozenbaum se montre le plus ferme «Si vous vous savez infecté, ça change tout, alors vous faites attention et vous n’avez plus le même comportement. Donc, dès que c’est possible, il faut dépister.» Autre réflexion : «La grande différence entre le Covid-19 et le VIH, c’est que le Covid-19 est sacrément contagieux, tout avance très vite. Et puis, le VIH, au début, induisait un décès quasi inéluctable. Là, on est dans une maladie dont les gens vont guérir naturellement à plus de 90 %.»

Une hypothèse alerte le médecin : «On a appris avec le VIH que pour qu’une personne modifie son comportement, il faut qu’elle adhère aux mesures prises. Là, on évoque le fait d’isoler des personnes, de faire donc un dépistage ciblé, avec le risque d’aller vers des « coronatoriums ». Or je sais d’expérience que ce n’est pas une mesure optimale.»