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Vivre séropositif, est-ce cela une vie normale avec le VIH ?

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Source : blog.mediapart.fr

Nous avons beaucoup progressé dans la lutte contre le virus du sida mais le chemin qui nous attend est encore parsemé d’embûches. Des embûches d’autant plus grandes que nous progressons dans un monde où l’on nous renvoie à chaque instant le fait que le VIH n’est plus une cause prioritaire et que l’on vit plutôt bien avec finalement….

Aujourd’hui, une personne qui apprend sa séropositivité, peu de temps après son infection, a une espérance de vie aussi longue qu’une personne séronégative, et peut, grâce aux traitements, lorsqu’elle peut y avoir accès, rester en bonne santé et mener une vie « quasi normale ». Je dis bien « quasi normale » et pas « normale », car je refuse de considérer que prendre des traitements chaque jour en vue de contrôler une maladie qui reste mortelle relève de la normalité…

Quoi de plus normal…

Quoi de plus normal, par ailleurs, que d’être encore interdit de séjour dans plusieurs pays du monde quand on est séropositif ? Sommes nous aussi dans la normalité lorsqu’on vous demande si vous êtes clean, laissant entendre que l’on est sale si on vit avec le VIH…

Quoi de plus normal que de devoir taire sa séropositivité pour ne pas être jugé, mis à l’écart, pour ne pas se voir refuser certains soins, ou, pour que l’on ne vous dise pas, comme ce fut mon cas récemment, « on vous fait passer au bloc opératoire en dernier parce qu’avec le VIH, vous savez…. »

Quoi de plus normal que les termes sida, voire même sidaïque, soient encore utilisés, sur les réseaux sociaux et ailleurs, comme l’insulte suprême, celle qui marque le dégoût et le rejet ?

Quoi de plus normal, finalement, que cette maladie représente encore la première cause de mortalité chez les femmes dans le monde, et que ¾ des contaminations chez les 15-19 ans en Afrique Sub-saharienne soient des filles ? Quoi de plus normal que ce virus touche, de manière disproportionnée, certaines catégories de populations ?

Quelle que soit la population concernée…

Dans le monde, le risque de contracter le VIH est 27 fois plus élevé chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et 13 fois plus élevé pour les femmes transgenres ou pour les professionnelles du sexe…. En France, les personnes migrantes sont elles aussi plus durement touchées, près de la moitié d’entre elles se contaminant après leur arrivée dans notre pays… Quelle que soit la population concernée, aujourd’hui en 2019, nous savons plus que jamais que ce qui fait le lit de cette épidémie c’est le rejet de l’autre et sa stigmatisation, la grande précarité, la violence des situations auxquelles de trop nombreuses personnes sont confrontées partout dans le monde.

Mais c’est aussi l’oubli et ceci pour toute la population…. Jeunes et moins jeunes, homos ou hétéros, hommes ou femmes…. Comment expliquer sinon, ici, en France, ce regain de l’épidémie chez les plus de 50 ans, qui constituent 28% des nouveaux diagnostics de séropositivité ? Et lorsque les personnes sont contaminées par le VIH, pour beaucoup trop d’entre elles, cette violence, parfois institutionnelle, persiste et aggrave leur situation…

Qu’importe la condition…

Je pense ainsi à Erika, dont Mediapart a retracé récemment l’histoire, une histoire qui n’intéresse personne hélas… Erika est séropositive depuis 19 ans. Elle vit en France depuis 2009 et avait obtenu une carte de séjour pour soin, lui permettant, progressivement de reprendre pied, dans une vie bien malmenée. Mais en novembre dernier, Erika a reçu une obligation de quitter le territoire français. Depuis, elle dit qu’elle se sent « comme une poubelle ». On la renvoie vers une situation de précarité et de fragilité dans son pays d’origine…

Ainsi, en France, au sein même de nos administrations, le VIH est finalement devenu une telle normalité qu’on peut maintenant expulser celles et ceux qui en sont atteints sans même se préoccuper des conséquences que cela aura sur leur vie….

Nous sommes aussi frappés, chaque jour, de voir à quel point la situation sociale et économique de nombreuses personnes vivant avec le VIH se dégrade. Les associations que nous finançons grâce aux dons du grand public voient les personnes qu’elles accompagnent s’enfoncer dans la précarité, se retrouver à la rue, parfois avec des enfants… De plus en plus de personnes vieillissent avec le VIH, on peut que sans réjouir, mais dans quelles conditions pour certaines d’entre elles ? Isolées socialement, cumulant d’autres graves pathologies, et survivant avec le minimum vieillesse…

Est-ce cela une vie normale avec le VIH ?

Face à cela, ce que nous constatons aussi, c’est la précarité à laquelle font face certains de nos donateurs…. Des personnes âgées, avec de très faibles revenus, continuent de nous faire des dons, malgré les difficultés rencontrées dans la vie quotidienne. Mais beaucoup aussi, depuis l’année dernière, nous appellent pour nous dire que leur situation ne leur permet plus de donner, qu’ils doivent baisser leurs dons, voire les arrêter…

Cette situation a un grand impact sur de nombreuses associations, dont Sidaction, et pour toutes ces raisons, nous rappelons cette année qu’il ne faut pas oublier. Ne pas oublier que le VIH est toujours là, et ne pas oublier de donner, car sans ces dons, nous n’avancerons pas, et nous nous reprendrons de plein fouet cette épidémie….

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