source : univadis
Prof. Jean-Michel MOLINA, Chef du service des maladies infectieuses de l’hôpital Saint-Louis à Paris
Le prof. Molina détaille les résultats des essais cliniques ayant conduit au déploiement de la PrEP en France. Ces résultats ont conduit l’OMS à annoncer une modification de ses recommandations sur la PrEP5.
L’étude IPERGAY, dont je parlais précédemment, a démarré en 2012, juste après les résultats de l’étude iPrEx, car les résultats étaient bons, mais pas suffisamment pour un déploiement stratégique en France. Le succès mitigé d’iPrEx, l’efficacité plus faible que prévu, comme je le disais, de 39 % de réduction du nombre de nouveaux cas de VIH est due à la faible observance des personnes qui ne prenaient pas toujours leur comprimé quotidien. L’étude a été principalement menée en Amérique du Sud, en Afrique du Sud et en Thaïlande. Nous avons donc vu lors de cette étude que l’observance était faible, que seulement 50 % des personnes prenaient leurs médicaments. Nous avons donc pensé qu’il fallait réitérer cette étude dans le contexte européen afin de voir si nous avions vraiment besoin de la PrEP, et le cas échant, de l’étudier en prophylaxie post-exposition, que l’étude iPrEx n’a pas abordée. Si l’on apporte des conseils, si l’on s’entraide entre pairs, et testons et traitons aussi les IST. Cela peut augmenter le risque d’infection par le VIH.
Nous voulions savoir si la PrEP serait efficace dans le contexte de Paris, ou de la France et du Canada. Nous avons donc modifié le mode d’administration de la PrEP. Elle n’était pas quotidienne. Mais sous un autre schéma posologique, administré juste avant et après le rapport et qui serait à la demande. Les patients se souviendraient peut-être mieux quand prendre leurs comprimés, lors d’une exposition au VIH. D’après les modèles animaux, les études pharmacocinétiques, nous pensions disposer de preuves suffisantes de l’efficacité potentielle de ce schéma à la demande. L’étude a été conçue en double aveugle contre placebo. Et… les personnes recevaient donc soit un placebo, soit un traitement par TDF-FTC, emtricitabine/ténofovir avant et après une exposition sexuelle.
Et l’étude a été prématurément interrompue parce que le DSMB l’a arrêtée lorsqu’une différence significative au niveau de l’incidence entre le bras placebo et le bras actif a été observée et qu’il est apparu que dans le bras placebo, l’incidence de l’infection à VIH était très élevée, avec 9 pour 100 personnes-années de suivi. Une incidence donc très élevée, bien plus que celle prévue, et dans le bras ténofovir et emtricitabine, l’incidence s’est avérée inférieure de 86 %. À la fin de la phase en double aveugle, les participants sont passés à la PrEP en ouvert avec ténofovir et FTC. Durant cette phase en ouvert, l’efficacité a été confirmée.
Au cours des 2 années suivantes, un seul patient a été infecté et avait arrêté la PrEP parce qu’il pensait que son partenaire était séronégatif. Il avait tort. C’est pourquoi, si l’on arrête la PrEP, il faut utiliser une autre protection… en particulier des préservatifs. En raison de ces résultats, nous avons pensé qu’il nous fallait aller plus loin et mener une grande étude d’application à Paris. Paris est un point chaud de la transmission du VIH en France. La moitié des nouveaux diagnostics sont posés en région parisienne.
Nous pensions qu’il fallait maintenant montrer l’impact de la PrEP sur l’épidémie. C’est pourquoi nous avons lancé en 2017 l’étude Prévenir, visant à indiquer chez les HSH de la région parisienne une baisse d’au moins 15 % des nouveaux cas de VIH après 3 ans. Plus de 3 000 personnes ont été recrutées dans la région de Paris. Ces personnes étaient sous PrEP, et donc à risque de contracter le VIH. Nous leur proposons de les suivre tous les 3 mois pour leur PrEP.
Avec soit une PrEP quotidienne, soit une PrEP à la demande avec la possibilité de choisir l’une ou l’autre et même passer de l’une à l’autre. Nous présentons et mesurons l’incidence du VIH de la cohorte ainsi que dans la région. Nous attendons les résultats définitifs, mais nous pouvons dès à présent indiquer qu’ils ont déjà été présentés lors de deux conférences, à Mexico cette année et à Amsterdam l’année dernière.
Sur les 3 000 personnes, seules deux ont été infectées et ces deux personnes avaient arrêté la PrEP plusieurs semaines avant leur infection. Ceci confirme à nouveau que si l’on prend la PrEP, le niveau de protection est très, très élevé. Proche des 100 % au sein de nos cohortes en France. Nous attendons maintenant les résultats concernant l’incidencedans la région. Et l’idée derrière cette étude était d’accroître la disponibilité de la PrEP pour que tous puissent en bénéficier dans les cliniques de PrEP partout à Paris. Nous disposions de 30 cliniques différentes en région parisienne capables de fournir la PrEP et de surveiller ces personnes. C’était notre idée, d’augmenter la sensibilisation et la disponibilité pour les personnes souhaitant bénéficier d’une PrEP. Afin qu’elles puissent trouver une clinique proche de chez elles ou de leur lieu de travail où elles pourront recevoir une PrEP.
Conflits d’intérêts / Honoraires: MSD, Gilead, ViiV, Teva