Source : scienceetavenir.fr
Sciences et Avenir s’est rendu à l’inauguration de l’Idmit, centre de recherche préclinique unique au monde, au CEA en Île-de-France.
Son objectif : lutter contre les maladies infectieuses telles que le Sida, la dengue ou la tuberculose, qui causent 60% des décès infantiles et 25% des décès adultes dans le monde.
60% des décès d’enfants et 25% des décès d’adultes dans le monde sont dus à des maladies infectieuses, selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Pour lutter contre ce fléau, un centre de recherche unique en Europe et réunissant les équipes et équipements de pointe au niveau mondial, s’installe dans des locaux flambant neufs inaugurés le 26 juin 2018. Localisé au CEA de Fontenay-aux-Roses (Île-de-France), l’Idmit (« Infectious Diseases Models for Innovative Therapies ») fédère six organismes et industriels : le CEA, l’Institut Pasteur, l’Université Paris-Sud, l’Inserm, l’ANRS et la société Oncodesign. La structure dispose notamment d’une expertise avancée des expérimentations sur l’animal, dites précliniques. Si les activités de l’Idmit concernent aussi bien la tuberculose, le paludisme, la grippe ou encore Zika, 40% de ses efforts sont concentrés contre le virus du Sida, le VIH.
MEDICAMENT. Des années de recherche fondamentale sont nécessaires afin d’identifier une molécule intéressante pour traiter une maladie, parfois parmi 10.000 molécules différentes, puis trouver par quel procédé l’administrer. Une fois ces étapes passées, dans des délais très variables selon la difficulté de la tâche, 4 phases sont nécessaires sur les plans scientifique et réglementaire pour mettre le médicament sur le marché. Les études précliniques sont obligatoires, pour vérifier que le candidat médicament produit l’effet escompté sur un organisme entier complexe. Puis il est administré chez l’humain (études cliniques). D’abord à des volontaires sains pour évaluer la toxicité, puis à des individus malades pour choisir la dose la plus efficace au regard des effets secondaires. Enfin, l’efficacité du médicament est comparée à une alternative ou à un placebo.
Des moyens uniques au monde
A l’Idmit, les recherches sont à la fois fondamentales, pour comprendre les mécanismes d’interactions entre les pathogènes (virus, bactéries) et le système immunitaire de l’hôte, et précliniques. Ces expérimentations sur l’animal, et principalement sur les primates non-humains, bénéficient dans leurs nouveaux locaux d’instruments d’imagerie de pointe, dont certains sont uniques au monde, comme le microscope biphotonique in vivo. Ce dernier est un prototype capable de réaliser des images en profondeur des tissus au niveau cellulaire sur un animal vivant sous anesthésie, sans prélèvement ni biopsie. Un autre dispositif couplant un scanner à rayons X et une tomographie par émission de positon (TEP scan) permet d’observer la distribution d’un médicament test ou d’un pathogène dans le corps entier. « La spécificité d’Idmit, c’est qu’ils ont des confinements de grande sécurité de niveau A3 (sécurité concernant l’animalerie), dans laquelle on peut travailler sur le virus du Sida« , explique Michaela Muller-Trutwin, responsable de l’unité VIH, inflammation et persistance à l’Institut Pasteur. Les niveaux de confinement pour les laboratoires sont en effet notés de 1 (pas de danger pour l’homme ou l’environnement) à 4 (risques très importants pour l’homme, comme Ebola). « Sans ce centre, on ne pourrait pas étudier ces modèles« , ajoute Michaela Muller-Trutwin. Car la seule structure comparable à celle d’Idmit se trouve à Bethesda, aux Etats-Unis, d’après Roger Le Grand, directeur de l’Idmit.
EXPÉRIMENTATION ANIMALE. Conscients de la nécessité de limiter au mieux les expérimentations sur l’animal, les scientifiques ne peuvent cependant pas encore s’en passer. « Aujourd’hui il n’y a pas d’alternative à l’expérimentation animale (…) qui permette de reproduire la complexité de ce qu’il se passe dans un être vivant« , commente Roger Le Grand. Grâce à leurs outils d’imagerie très avancés, ils parviennent néanmoins à limiter au maximum le nombre d’expérimentations invasives (biopsies, prélèvements).
Un vaccin contre le Sida
Si l’on améliore continuellement la forme atténuée du virus à injecter pour s’immuniser, qui constituera le cœur du vaccin, le principal obstacle reste de barrer l’entrée au virus, là où les autres vaccins se contentent de muscler le système immunitaire pour réagir plus efficacement. Le VIH a en effet la capacité de se cacher dans des recoins de l’organisme peu contrôlés par notre système immunitaire. Appelés « sanctuaires », ces zones sont bien souvent les ganglions lymphatiques. Or, certaines espèces de singes verts d’Afrique sont capables d’être porteurs du virus sans tomber malade. L’équipe de Michaela Muller-Trutwin a alors découvert que certaines cellules immunitaires, appelées les Natural Killer ou « tueuses naturelles » en français, sont chez ces singes capables d’entrer dans ces sanctuaires pour y tuer les cellules infectées. Prochaine étape, découvrir d’où leur vient cette capacité qui manque à leurs homologues humaines. En l’absence de ces moyens permettant de dénicher le virus là où il se cache, le seul moyen de s’en prévenir est donc qu’il ne rentre pas. Le vaccin contre le VIH devra donc protéger les muqueuses, par lesquelles entre l’infection, une chose que l’on ne sait pas encore faire, mais sur laquelle travaillent les chercheurs de l’Idmit.