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Recherche vaccinale contre le VIH, la piste des muqueuses

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Source : Paris Match

Les vaccins contre le virus du sida vont d’échec en échec. Serait-ce une erreur de stratégie ? La voie suivie par Morgane Bomsel* pourrait changer la donne.

Paris Match. Quel a été le principe général des vaccins anti-VIH ?

Morgane Bomsel. Un vaccin peut induire deux sortes d’immunité : 1. Cellulaires, dans laquelle les lymphocytes T (tueurs) se chargent de détruire l’ennemi. 2. Humorale, la plus utilisée, où ce rôle revient aux anticorps (immunoglobulines G et M produites par les lymphocytes B). L’induction dans le sang, par voie intramusculaire, de ces deux types d’immunité a été testée contre le VIH.

Avec quels résultats jusqu’à présent ?

Ce furent des échecs. Le premier vaccin à grande échelle (laboratoires Merck) testé chez 12 000 volontaires, chercha à stimuler l’immunité cellulaire présumée plus efficace que celle conférée par les anticorps. L’essai fut stoppé en 2008, les sujets infectés étant plus nombreux chez les vaccinés que chez les non-vaccinés ! L’essai suivant (laboratoires Sanofi, Genentech, armée américaine, National Institutes of Health, Etats-Unis), réalisé en Thaïlande chez 16 000 sujets et terminé en 2009, stimula quant à lui l’immunité humorale. Il utilisait un vecteur portant comme antigène une protéine de l’enveloppe du VIH appelée GP120. Il put induire une protection chez seulement 31 % des personnes vaccinées. Ce même vaccin adapté au virus africain et testé en Afrique du Sud fut ensuite un échec. Actuellement, un vaccin “mosaïque” développé par le professeur Dan Barouch (Harvard, Etats-Unis), nommé ainsi car son vecteur (un adénovirus inerte) porte plusieurs protéines de surface du VIH, issues de diverses souches virales répandues dans le monde, est en cours d’essai. Résultats attendus en 2022. Toutes ces stratégies sont identiques : stimuler l’immunité quand le virus est dans le sang.

Quelle est votre approche ?

Comme il s’agit d’une transmission sexuelle passant par les muqueuses, il paraît censé de stopper le virus à ce niveau avant qu’il gagne le sang, où le contrôler est difficile. C’est possible : 1. Il existe un système immunitaire spécifique aux muqueuses qui fait intervenir des immunoglobulines A (IgA) produites localement par des lymphocytes B. 2. Dans une population de femmes non infectées ayant des rapports non protégés, une étude des années 1990 a observé qu’environ 1 % des participantes restaient séronégatives. Toutes avaient dans leurs sécrétions génitales un taux élevé d’IgA capables d’inhiber l’infection des cellules in vitro en ciblant spécifiquement Gp41 (une autre protéine de surface du virus). Cette dernière est la plus stable des protéines d’enveloppe, ne variant que très peu d’une souche de VIH à l’autre et donc plus susceptible que GP120 d’induire une protection ample. Notre vaccin, armé d’un vecteur original très puissant, s’administre par voies intramusculaire et nasale combinées et mime la protection observée chez les femmes résistantes. Avec la société Mymetics nous avons montré, chez des macaques femelles : 1. Que même exposés à une concentration virale 50 à 100 fois supérieure à la norme, 100 % des animaux vaccinés n’étaient pas contaminés. 2. Que chez les macaques, les IgA produites par vaccination empêchaient le virus d’infecter in vitro les cellules muqueuses. Dans une étude humaine (phase 1) menée chez 24 femmes, la production d’IgA n’a pas induit d’effets secondaires. Aucun autre vaccin au monde n’a obtenu de tels résultats à ce stade. La prochaine étape pour laquelle nous cherchons des fonds est une étude plus large (phase 2), chez 2 000 personnes à risque.

* Directrice de recherche au CNRS, Institut Cochin, Paris.

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