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RAPPORT D’EXPERTS SUR LE VIH : DES RECOMMANDATIONS EN CONTINU

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Source : Seronet

Le Conseil national du sida et des hépatites virales (CNS) et l’Agence nationale de la recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS) ont confié au professeur Philippe Morlat (président du groupe d’expert-e-s, CHU Bordeaux) la responsabilité de l’actualisation des recommandations d’expert-e-s concernant la prise en charge du VIH. Désormais, ces recommandations ne font plus l’objet d’une publication en version papier dans un document unique, mais en différents chapitres, autonomes, mis en ligne sur le site du CNS, à des dates différentes (entre septembre 2016 et février 2018 pour le plus récent). Voici quelques points forts sur des chapitres réactualisés.

Dépistages à la carte par populations

Les recommandations des expert-e-s ont été faites en fonction du critère d’exposition au risque d’être infecté par le VIH, le VHC, le VHB et les IST.  En matière de VIH, un dépistage annuel est recommandé chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH), les personnes consommatrices de drogues par injection et celles qui sont originaires d’Afrique subsaharienne, des personnes dans les départements français d’Amérique (DFA), Guyane tout particulièrement. En population générale, ce même dépistage est recommandé une fois dans la vie entre 15 et 70 ans. Mais lorsqu’on parle des HSH à haut risque d’exposition au VIH (notamment ceux qui vivent en Ile-de-France, en région PACA, en Rhône Alpes et dans les DFA), le dépistage est recommandé tous les trois mois. Les hépatites B et C ont également été prises en compte. Pour tout le monde, le dépistage du VHB et du VHC doit être proposé au moins une fois au cours de la vie. En l’absence d’antécédent de vaccination, le dépistage du VHB doit être proposé et si la sérologie pour le VHB est négative, la vaccination anti-VHB doit être proposée. Côté VHC, le dépistage est recommandé tous les six mois chez les HSH et les personnes trans à risque élevé d’exposition. En matière d’infections sexuellement transmissibles (IST), le dépistage des chlamydia par auto-prélèvement vaginal chez les femmes de 15 à 30 ans et dans le premier jet urinaire du matin chez les hommes (15 à 30 ans) doit être réalisé tous les ans en cas de rapports sexuels non protégés par préservatifs avec un nouveau partenaire ; même chose pour le dépistage de l’infection à gonocoque. Pour les HSH et les personnes trans à risque élevé d’exposition, le dépistage des gonocoques et chlamydia par prélèvement urinaire, anal et pharyngé est recommandé tous les trois mois. Pour la syphilis, le dépistage annuel est recommandé chez les travailleurs et travailleuses du sexe, les HSH, les personnes trans à risque élevé d’exposition, voire plus fréquemment en cas d’exposition à un risque.

Initiation d’un premier traitement antirétroviral

Pas de nouveautés. Les recommandations étaient déjà dans l’édition 2013 du rapport d’experts : toute personne diagnostiquée se voit proposer un traitement anti-VIH.
Sur le plan individuel, l’objectif du traitement antirétroviral est d’empêcher la progression vers le sida en maintenant ou en restaurant un nombre de CD4 supérieur à 500/mm3. Pour atteindre cet objectif et diminuer les effets pathogènes du VIH, le traitement anti-VIH doit rendre la charge virale dans le sang inférieure à 50 copies/ml, expliquent les expert-e-s ; ce qui « maximalise la restauration immunitaire, minimalise le risque de sélection de virus résistants et réduit la morbidité associée au VIH ». Mais l’efficacité immunovirologique n’est pas l’unique objectif du traitement, même s’il en est le principal. On recherche également pour un traitement ARV la « meilleure tolérance possible, clinique et biologique, à court, moyen et long termes » ; « l’amélioration ou la préservation de la qualité de vie » ; « la réduction du risque de transmission du VIH ».

Démarrer un premier traitement, évidemment cela change selon la situation individuelle.

● Pour les personnes asymptomatiques, les expert-e-s expliquent que la « décision d’initier un traitement ARV chez une personne asymptomatique tient compte des bénéfices apportés par le contrôle de la réplication virale sur la morbidité et la mortalité liée à l’infection par le VIH et sur la réduction majeure du risque de transmission du VIH ». Il est recommandé d’instaurer un traitement ARV chez toute personne vivant avec le VIH, quel que soit le nombre de lymphocytes CD4, y compris s’il est supérieur à 500 CD4/mm3.

Le démarrage précoce du traitement ARV, quel que soit le nombre de lymphocytes CD4, est associée à d’autres bénéfices : cliniques (réduction des comorbidités associées à l’infection par le VIH), immunologiques, réduction du risque de transmission du VIH. La personne doit être informée de ces bénéfices. Lorsque le niveau de CD4 est supérieur à 500 CD4/mm3 et stable, le traitement peut être différé en cas de non-adhésion immédiate de la personne à l’idée de prendre un traitement. Le médecin, en lien avec une équipe d’éducation thérapeutique et/ou un groupe de soutien, s’efforcera alors de préparer la personne à la mise en route ultérieure du traitement, expliquent les expert-e-s.

● Autre cas de figure : le diagnostic au moment de la primo-infection. Des données récentes incitent à recommander l’initiation rapide (au mieux dans les 24-48 heures) du traitement au cours de la primo-infection (définie soit par une sérologie VIH négative associée à un ARN-VIH positif, soit par une sérologie positive avec un test Western-blot négatif ou incomplet, indiquent les expert-e-s. En dehors de protocoles de recherche, un traitement initié au cours de la primo-infection ne doit pas être arrêté. La prise en charge de la primo-infection fait l’objet d’un chapitre spécifique dans le rapport d’experts.

● Pour les personnes ayant une charge virale faible (inférieure à 1000 copies/ml). Les expert-e-s préconisent de s’assurer que la personne a réellement une charge virale indétectable ou faible, ne résultant ni d’un défaut de quantification, observé dans l’infection par le VIH-2 et certains variants du VIH-1 (hypothèse à tester en utilisant une autre technique de quantification), ni d’une prise cachée d’ARV (hypothèse à tester par le dosage plasmatique de médicaments parmi les plus couramment utilisés).

Moins de 1 % des personnes vivant avec VIH-1 ont un contrôle spontané et prolongé de la réplication virale [on parle de « HIV controllers »]. Le plus souvent, ce contrôle virologique s’accompagne du maintien prolongé d’un nombre élevé de CD4 [on parle de « long-term non progressors »]. Il est donc nécessaire de s’assurer que le nombre de CD4 reste stable et supérieur à 500/mm3, avant d’envisager un éventuel report de l’initiation du traitement ARV.

● Pour les personnes très immunodéprimées (CD4 inférieurs à 200/mm3) sans infection opportuniste identifiée. Les expert-e-s indiquent qu’il convient de débuter un traitement ARV rapidement. Chez les personnes ayant un nombre de CD4 inférieurs à 200/mm3, le pronostic clinique est d’autant meilleur que le traitement est initié à un niveau moins bas de CD4. Il est recommandé de dépister une infection opportuniste latente, pour limiter le risque de syndrome inflammatoire de restauration immunitaire (IRIS) après l’initiation du traitement ARV. Une prophylaxie des infections opportunistes doit être entreprise.

Choix du premier traitement antirétroviral

Le choix du premier traitement ARV doit être effectué par un-e médecin expérimenté-e dans la prise en charge des personnes vivant avec le VIH. On procède à un bilan très complet à réaliser avant l’instauration du premier traitement ARV. Le rapport d’expert-e-s le présente au complet. La personne concernée doit être préparée à l’initiation du traitement : information sur les bénéfices, les risques et les inconvénients, proposition d’éducation thérapeutique, recommandations hygiéno-diététiques. Quelle que soit la situation de la personne au départ, le premier traitement ARV doit permettre de rendre la charge virale inférieure à 50 copies ARN VIH/ml en six mois. Au cours des premiers mois de traitement, il convient de réaliser une mesure de la charge virale dans le sang (CV plasmatique) :

  • à un mois, date à laquelle la charge virale doit avoir baissé d’au moins 2 log copies/ml ;
  • à trois mois, date à laquelle la charge virale doit être inférieure à 400 copies/ml ;
  • à six mois, date à laquelle la charge virale doit être inférieure à 50 copies/ml.

Si ces objectifs intermédiaires ne sont pas atteints, il faut chercher à savoir pourquoi : difficultés d’observance, interactions médicamenteuses, sous-dosage des ARV (notamment par dosage plasmatique de certaines classes de médicaments) et corriger rapidement la cause identifiée. Chez certaines personnes, cet objectif n’est pas atteint à cette échéance et la charge virale ne devient inférieure à 50 copies/ml qu’après plus de six mois de traitement, notent les expert-e-s. Ceci s’observe notamment lorsque la charge virale de départ est supérieure à 5 log copies/ml ou les CD4 inférieurs à 200/mm3. Chez ces personnes, si la charge virale est inférieure à 200 copies/ml à six mois et en décroissance régulière, il est possible d’attendre qu’elle devienne inférieure à 50 copies/ml sous surveillance rapprochée pendant quatre à six mois sans intervention supplémentaire.

Quels médicaments pour un premier traitement antirétroviral ?

Plus de vingt médicaments anti-VIH dans six classes médicamenteuses sont actuellement disponibles ;  mais quelques options seulement sont citées comme préférentielles, le chapitre du rapport en fait une présentation détaillée sous forme de tableaux. Les différents schémas de traitement recommandés sont également passés en revue dans ce chapitre, preuves scientifiques à l’appui.

Optimisation d’un traitement antirétroviral en situation de succès virologique
Lorsque le succès virologique a été obtenu (charge virale inférieure à 50 copies/ml), que ce soit après une première ligne de traitement ou un traitement de relais, une modification du traitement anti-VIH peut s’avérer « utile ou nécessaire dans des circonstances et avec des objectifs variables ». Ce n’est pas fait tout de suite, mais le plus souvent après un an voire plus de traitement.

Pour les expert-e-s, il s’agit surtout « d’individualiser le traitement pour gagner en tolérance et/ou simplicité d’administration tout en maintenant l’efficacité immunovirologique ». Et les recommandations d’expliquer qu’il peut s’agir d’améliorer la qualité de vie de la personne, par exemple en réduisant le nombre de prises et/ou d’unités de prises, de corriger ou prévenir des effets indésirables, notamment sur le plan cardiovasculaire et métabolique, rénal, ou osseux, de corriger ou prévenir des interactions médicamenteuses, notamment à l’occasion de l’introduction d’un nouveau médicament. La proposition d’allègement prend en compte des critères comme le fait de ne pas avoir de mutations de résistance, d’être observant-e, la réalisation d’un génotypage, etc.
Les expert-e-s indiquent aussi que ces différentes situations constituent « l’occasion de prendre en compte le coût des antirétroviraux pour essayer de réduire le coût du traitement ». Dans sa présentation à la SFLS à Nice en octobre 2017 (voir encart ci-dessous), le professeur Philippe Morlat rappelait que le groupe d’expert-e-s recommande « de favoriser, lors de la réflexion en vue d’un switch [changement de traitement, ndlr] la prescription des associations d’ARV les moins coûteuses, lorsqu’à l’issue d’un choix basé sur des critères d’efficacité, de tolérance et de facilité de prise, plusieurs options restent possibles » ; « de proposer aux personnes vivant avec le VIH, dont la situation individuelle le permet, des switchs dans un objectif de réduction des coûts, sous réserve, d’expliciter clairement [à la personne] la motivation du changement et les éventuelles contraintes de prise en résultant, de recueillir sa pleine adhésion à cette attitude ». A noter qu’une « substitution vers des antirétroviraux génériques amenant à augmenter le nombre de comprimés n’est pas recommandée chez les personnes en situation de précarité ».

La prise en charge des situations d’échec virologique

L’objectif du traitement anti-VIH doit être, en toute situation, l’obtention et le maintien d’une charge virale inférieure à 50 copies/ml. Dans ce chapitre, les expert-e-s définissent précisément la procédure d’évaluation d’un échec virologique et font des recommandations concernant les cas de réplication virale faible (charge virale inférieure à 200 copies/ml) et d’échec virologique avéré (charge virale prolongée supérieure à 200 copies/ml). Sont aussi abordés les cas de réplication virale dans un compartiment anatomique, par exemple, le système nerveux central ou le compartiment génital.

Les situations d’échec virologique doivent être détectées par des contrôles réguliers de la charge virale (à un mois de traitement, puis à trois mois, six mois, puis tous les six mois), les causes identifiées et corrigées précocement pour rétablir le succès virologique et prévenir l’accumulation de mutations de résistance. L’émergence de mutations de résistance lorsqu’on prend un traitement anti-VIH a beaucoup diminué ces dernières années. C’est lié à la puissance des antirétroviraux actuels et au suivi virologique régulier. Le rapport d’expert-e-s mentionne que « les virus multi-résistants sont actuellement principalement retrouvés chez des personnes vivant avec le VIH ayant des histoires thérapeutiques anciennes et complexes ». Dans « la plupart de ces cas, un traitement adapté permet l’obtention d’une charge virale indétectable ». Les expert-e-s notent également que « les stratégies d’allègement thérapeutique doivent être particulièrement prudentes du fait du risque d’échec virologique dans ces situations de virus multi-résistants ».

La co-infection VIH et VHC

Pour les expert-e-s, l’objectif est d’éradiquer le VHC chez toutes les personnes vivant avec le VIH qui sont co-infectées. Il faut donc traiter TOUTES les personnes vivant avec le VIH co-infectées VIH-VHC et donc « faciliter l’accès et la mise sous traitement ». Il convient donc de choisir des options thérapeutiques qui, à efficacité équivalente, peuvent s’appliquer au plus grand nombre, donc les médicaments qui se prennent par voie orale et qui sont efficaces contre tous les génotypes du VHC. Autre critère, utiliser des médicaments qui ont peu d’interactions médicamenteuses avec les antirétroviraux communément utilisés, ou alors on change d’ARV le temps du traitement du VHC.
Après la guérison de l’infection, les expert-e-s insistent sur le fait de ne pas cesser le suivi (tout particulièrement en cas de fibrose de stade 3 ou de cirrhose, il est recommandé de pratiquer une échographie du foie) même au vu d’une amélioration de l’élastométrie du foie, un indicateur qui n’a de valeur que pour rechercher une éventuelle aggravation de la fibrose du foie. Ils recommandent aussi d’encourager les mesures de réduction des risques en diminuant la consommation d’alcool et de tabac, en faisant de l’activité physique, en luttant contre l’obésité et de ne pas oublier les manifestations extra-hépatiques ( ce qui se passe à l’extérieur du foie : troubles cognitifs par exemple, ou cryoglobulinémie). Même si une très grande majorité de personnes sortent guéries de leur infection à la suite d’un traitement par antiviraux à action directe (AAD), il peut survenir des échecs de traitements. Dans ce cas, les expert-e-s recommandent de voir s’il s’agit ou pas d’une possible réinfection, de caractériser le type d’échec et ses causes possibles et de discuter le retraitement en réunion de concertation pluridisciplinaire.

Accidents d’exposition au sang et traitement post-exposition (TPE)

En cas d’accident d’exposition sexuelle (AES), le risque de contamination par le VIH est d’autant plus élevé que la personne exposée est en situation réceptive (« sodomie passive ») et que la charge virale du patient source est élevée, indiquent les expert-e-s. A l’inverse, le risque de contamination par une personne traitée et ayant une charge virale indétectable contrôlée à plusieurs reprises, est quasi nul. L’évaluation du risque semble difficile pour certains professionnels, notamment des services d’accueil d’urgence. Des situations de jugements sur l’orientation sexuelle ou les pratiques sexuelles sont rapportées lors du recours au TPE, constituant autant de freins dans le recours à ce dispositif, dénoncent d’ailleurs les expert-e-s. Ils estiment qu’une consultation pour TPE est une occasion d’orienter, si nécessaire, vers une consultation Prep (prophylaxie pré-exposition). Côté traitement post-exposition, les choix préférentiels de TPE prennent en compte les dernières générations d’antirétroviraux, bien tolérés et d’administration simple. Le TPE sera d’autant plus efficace que le délai d’initiation sera court, expliquent les expert-e-s. Il faut s’efforcer de raccourcir  au minimum ce délai et l’idéal est de débuter le traitement dans les quatre premières heures qui suivent l’exposition. Il peut être initié au plus tard jusqu’à 48 heures après l’exposition. Chez l’adulte, le TPE comporte une trithérapie (deux nucléos/tides et un troisième agent).

Concernant les nucléos/tides (les expert-e-s parlent d’inhibiteurs nucléosit/diques de la transcriptase inverse ou INTI), l’association de choix est ténofovir DF (TDF), associé à l’emtricitabine (Truvada ou son générique). L’utilisation d’abacavir (Ziagen) n’est pas recommandée en raison du risque de survenue d’hypersensibilité, le typage HLA B5701 ne pouvant être réalisé en urgence (c’est un indicateur pour savoir si l’abacavir sera toléré). Des médicaments mieux tolérés que Kaletra ou Prezista sont donnés désormais dans cette situation. Les données sont, à ce jour, insuffisantes pour préconiser le ténofovir alafénamide (TAF, la nouvelle version du ténofovir) dans l’indication du traitement post-exposition.

Concernant le troisième agent, la rilpivirine (Edurant, classe des non-nucléosides) est recommandée comme choix préférentiel, compte tenu de son efficacité, de sa bonne tolérance, d’un faible risque d’interactions médicamenteuses et de son coût moindre, que ce soit dans le cadre d’une co-formulation en association fixe avec le ténofovir DF et l’emtricitabine ou de l’association de rilpivirine à la version générique de Truvada.

Suivi de l’adulte vivant avec le VIH et organisation des soins

Sur le suivi, les recommandations sont de permettre à toute personne vivant avec le VIH l’accès à un programme d’éducation thérapeutique (ETP). Il faut aussi élargir le périmètre de l’ETP à des composantes de santé mentale et sexuelle et à la prévention des principales morbidités (par exemple, le surpoids, la consommation de tabac, etc). Par ailleurs, il est recommandé au médecin de « rechercher systématiquement tout au long du suivi les addictions et proposer une prise en charge ». Il est recommandé de « réaliser le suivi en coordination avec le médecin traitant, en maintenant une synthèse annuelle hospitalière » ; synthèse qui comprend la « gestion de l’infection par le VIH et du traitement, l’information sur les moyens de prévention de la transmission du VIH et des autres IST, le dépistage des hépatites virales, de la syphilis et des autres IST, le bilan gynécologique, la prise en charge proctologique en cas d’antécédent de lésion HPV [papillomavirus humain] et chez tous les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, le dépistage des cancers et autres comorbidités ».

Dans ce chapitre, les expert-e-s ont beaucoup travaillé sur les bilans biologiques à prévoir dans le suivi.

Bilan biologique annuel de synthèse : une approche individuelle simplifiée
– On fait de façon systématique : numération des plaquettes ; nombre de CD4 et de CD8 (la numération des CD4 et CD8 peut être réalisée tous les deux ans si ARN VIH inférieur à 50 copies/ml et derniers  CD4 supérieurs à 500/mm3). A noter que ce délai de deux ans a fait l’objet de vives discussions parmi les expert-e-s, certains médecins n’y sont pas favorables tout comme les expert-e-s associatifs ; dosage de l’ARN VIH dans le sang ; nombre de transaminases, gamma-GT, phosphatases alcalines ; mesure de la créatinine ; phosphorémie (dosage du phosphore dans le sang) si prise de ténofovir DF ; protéinurie (présence de protéines dans les urines) et albuminurie (présence d’albumine dans les urines) /créatininurie (présence de créatinine dans les urines). Ce sont des indicateurs du fonctionnement du rein.

– On fait de façon conditionnelle (selon la situation individuelle) : glycémie à jeun (à partir de 45 ans), tous les trois ans  (indicateur pour le diabète) ; évaluation métabolique : triglycérides, cholestérol total, HDL et LDL, une fois en bilan initial, puis six mois après l’initiation ou la modification d’un traitement antirétroviral. Si ce bilan lipidique est normal, le rythme des contrôles ultérieurs sera individualisé en fonction de paramètres comme une lipohypertrophie, une prise de poids, un événement cardiovasculaire, une modification du mode de vie, l’apparition d’un facteur de risque cardiovasculaire, trois à six mois après une intervention thérapeutique visant à abaisser le cholestérol (LDLc).

Bilan biologique annuel complémentaire en fonction de l’appartenance à tel ou tel groupe
Chez les personnes qui sont exposées au risque d’IST : dépistage de la syphilis ; dépistage du VHC [si négativité antérieure], PCR (1) VHC (si guérison HCV) et dépistage du VHB ; prélèvements PCR à la recherche d’IST (chlamydiae, gonocoque) au niveau anal, dans les urines et au niveau de la gorge ; consultation proctologique pour le dépistage des lésions précancéreuses de l’anus.

– Chez les personnes qui ont un nombre de CD4 inférieur à 100/mm3 : dépistage du CMV (cytomégalovirus /si sérologie initiale est négative), antigène cryptococcique (mycose due à un champignon qui peut se développer dans le système nerveux central lorsque le système immunitaire est très faible), PCR CMV et fond d’œil (si sérologie pour le CMV est positive).

– Chez les personnes qui fument et qui ont des symptômes (toux chronique, essoufflement, par exemple) : dépistage de la BPCO (Broncho pneumopathie chronique obstructive) par spirométrie.

Bilan biologique intermédiaire : la charge virale peut suffire
Dosage de l’ARN VIH dans le sang.
Optionnel : si CD4 sont inférieurs à 500/mm3 : numération des sous-populations lymphocytaires (CD4, CD8) ; si traitement par ténofovir ou autre traitement ayant un effet toxique sur les reins : mesure de la créatinine ; si traitement ayant un effet toxique sur le foie ou exposition à haut risque sexuel : transaminases, γGT ; si CD4 sont inférieurs à 100/mm3 : dosage de l’antigène cryptococcique ; si sérologie pour le CMV positive : PCR CMV et réalisation d’un fond d’œil tous les un à trois mois ;
En cas d’exposition à haut risque ou de manifestations cliniques et/ou biologiques compatibles avec une IST : dépistage des IST à chlamydiae et gonocoque par PCR au niveau anal, dans les urines et au niveau de la gorge ; dépistage des hépatites virales B et C et la syphilis ;
Si co-infection par les virus des hépatites : si co-infection par VHB ou VHC : élastométrie du foie ; si VHB : échographie du foie quel que soit le degré de fibrose ; si VHC et fibrose de stades F3/F4 (VHC actif ou guéri) : échographie du foie et alphafoetoproteine tous les six mois ; si cirrhose : FOGD tous les un à trois ans ; programme de surveillance annuelle spécifique après la guérison de l’infection VHC.

Désir d’enfant et grossesse

En cas de désir d’enfant, les expert-e-s recommandent de proposer aux personnes concernées une prise en charge pré-conceptionnelle (modalités de conception, fertilité et parcours avec le VIH). Il s’agit d’évaluer les conditions d’une procréation naturelle selon trois volets :
● virologique : traitement antirétroviral au long cours avec bonne observance et charge virale dans le sang inférieure à 50 copies/ml depuis au moins six mois ;
● génital : absence d’infection, d’inflammation ou de lésion génitale chez l’homme et la femme (vérifiée au besoin par prélèvements microbiologiques et spermiologiques)
● fertilité de l’homme et de la femme : explorations à envisager en cas d’âge de la femme supérieur à 35 ans et/ou antécédents à risque d’infertilité.
Il est recommandé :
● de débuter un traitement ARV ;
● de ne pas proposer de Prep (Prophylaxie pré-exposition) sauf situations exceptionnelles ;
● d’orienter vers l’aide médicale à la procréation (AMP) les couples en cas d’infertilité ;
● de traiter la co-infection par le virus de l’hépatite C chez les femmes avant de débuter une grossesse afin de ne pas exposer le fœtus au traitement ;
● de contrôler la sérologie VIH du ou de la partenaire non-infecté(e) tous les six mois et de façon plus rapprochée chez la femme en cas de grossesse.
Il est recommandé en cours de grossesse :
● d’utiliser, sauf cas particuliers, une trithérapie associant deux nucléosides et une antiprotéase/r ;
Il s’agit en première intention de l’association abacavir + lamivudine en l’absence d’allèle HLA B5701, ou ténofovir + emtricitabine ou zidovudine + lamivudine ; une antiprotéase/r à base de darunavir, ou en alternative atazanavir ou lopinavir ;
Il est recommandé, chez une femme ne prenant pas encore un traitement ARV, de débuter le traitement le plus précocement possible après le diagnostic, quel que soit le terme de la grossesse ;
Chez une femme prenant un traitement avant d’être enceinte, il est recommandé dans la mesure du possible, de privilégier les antirétroviraux recommandés ci-dessus.
Chez une femme débutant tardivement le traitement (au troisième trimestre de grossesse), d’envisager selon la charge virale initiale et l’âge gestationnel un renforcement par l’ajout de raltégravir ou à défaut d’enfuvirtide ;
Les antiviraux les plus récents (rilpivirine, étravirine, elvitégravir/cobicistat, dolutégravir), ne sont pas recommandés chez la femme enceinte ; ils ne doivent être prescrits que lorsque ce choix est nécessaire pour des raisons de tolérance chez la femme et/ou d’efficacité.

Accès aux soins et qualité de vie

Ce chapitre est le seul du rapport à avoir été écrit intégralement par des expert-e-s appartenant à des organisations non gouvernementales.

Si les thérapies antirétrovirales permettent aujourd’hui à la plupart des personnes vivant avec le VIH, en particulier lorsque la prise en charge a été initiée tôt, de retrouver ou conserver un bon état de santé, de ramener le risque de décès à des niveaux proches de celui des personnes séronégatives, et de réduire le risque de complications lié à l’infection, elles ne permettent pas pour autant de résoudre les difficultés économiques et sociales auxquelles sont confrontées les personnes vivant avec le VIH : difficultés d’accès aux soins, problèmes de revenus, d’emploi, de logement, de relation avec les autres, de révélation du statut sérologique ou de vie affective et sexuelle, expliquent les expert-e-s associatifs.

L’amélioration de la qualité de vie des personnes vivant avec le VIH, qui participe au succès thérapeutique et à l’inscription dans un parcours de santé au long cours, implique de favoriser l’accès aux soins et aux droits des personnes cumulant des facteurs de vulnérabilités, de pouvoir bénéficier du traitement pour soi et pour prévenir  la transmission, de consolider le soutien face aux difficultés sociales et discriminations, de renforcer les capacités d’agir des personnes, et de favoriser leur santé sexuelle et leur vie affective.

La prise en charge doit donc dépasser les seuls aspects biomédicaux pour prendre en compte l’individu dans sa globalité, plus encore qu’avant, compte tenu de l’évolution des caractéristiques des personnes vivant avec le VIH, pointent les expert-e-s dans l’introduction de leur chapitre. Un chapitre qui traite de très nombreux domaines et qui donne lieu à un grand nombre de recommandations.

Les expert-e-s recommandent de « renforcer les moyens des services impliqués dans la prise en charge ambulatoire du VIH et de revaloriser les consultations des patients en situation complexe » ; « de mettre en place, dès le début de la prise en charge et au cours du suivi, une évaluation socio-juridique de l’accès aux droits, de l’insertion dans l’emploi et des ressources nécessaires aux besoins fondamentaux » ou encore de « promouvoir la mise en place d’études permettant de suivre l’évolution des indicateurs sociaux des personnes vivant avec le VIH et des populations clés vulnérables au VIH et aux hépatites ».

Il y a également des préconisations en matière de droits sociaux. Par exemple, que « la rédaction du protocole de soins soit la plus complète possible, surtout en cas d’affections multiples et complexes, afin d’éviter les restes à charge ». Les expert-e-s enjoignent les « maisons départementales des personnes handicapées, de respecter les délais légaux d’instruction des dossiers de quatre mois, de donner la motivation des décisions de taux de handicap et de s’adapter aux spécificités du VIH ». Ils demandent que « l’AME soit fusionnée avec l’Assurance maladie afin d’améliorer l’accès aux soins et à la prévention des personnes étrangères en situation de vulnérabilité », que soit relevé « le seuil de ressources des CMU-C, AME et ACS [aide à l’acquisition d’une complémentaire Santé, ndlr] à la hauteur du Smic.

Autres préconisations: assurer l’accès aux Pass (permanences d’accueil de soins de santé dans les hôpitaux) à toute personne démunie, conformément à la loi, et de lui attribuer des financements à la hauteur des enjeux, faire que la prise en charge du VIH relève automatiquement du fonds pour les soins urgents et vitaux si elle ne peut pas être prise en charge par une couverture maladie de droit commun, de  mettre en place un dispositif public d’interprétariat médico-social professionnel pour les publics non francophones, accessible à tous les acteurs médico-sociaux, avec un financement pérenne, ou encore de permettre un accès rapide à un titre de séjour donnant droit au travail pour tout étranger résidant de manière stable en France, condition nécessaire à l’accès à l’assurance maladie et de favoriser le dépistage dans le droit commun des personnes migrantes par la mise en place d’un bilan de santé global librement consenti, et réalisé hors de toute procédure de médecine de contrôle.

Sont aussi traités les enjeux liés au vieillissement des personnes vivant avec le VIH, à la lutte contre les refus de soins dont font l’objet les personnes bénéficiaires de l’AME, de la CMU-C et de l’ACS et les personnes vivant avec le VIH du fait de leur pathologie, à l’entrée dans le parcours de santé des personnes usagères de drogues, aux parcours de transition des personnes trans, etc.

Le rapport a abordé la situation dans les lieux de privation de liberté

Les expert-e-s recommandent de :
● Systématiser et de renouveler la proposition de dépistage au cours de l’incarcération, et de faciliter la réalisation des TROD [tests de dépistage à résultat rapide d’orientation diagnostique] par des intervenant-e-s extérieurs habilités ;
● Expérimenter et évaluer les autotests dans le dépistage dans les établissements pénitentiaires ;
● Respecter le principe d’équivalence avec le milieu ouvert pour les mesures de prévention et de réduction des risques (RdR), notamment par la mise en place de programmes d’échanges de seringues, d’accès au traitement post-exposition et à la Prep ;
● Favoriser l’accompagnement des personnes usagères de drogues en prison par les spécialistes de la prise en charge des addictions (Csapa et Caarud) (2) ;
● Développer le dispositif de télémédecine pour les consultations, ce qui permettrait de réduire les extractions [elles sont souvent repoussées voire annulées par manque de personnel de surveillance, ndlr], d’accéder aux spécialistes et d’éviter les ruptures de suivi de soins dans les lieux de privation de liberté ;
● Respecter, chez les personnes vivant avec le VIH, l’application de la loi sur l’aménagement et la suspension de peine pour raisons médicales.

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