source : seronet
Depuis quatre ans, plus de 20 000 personnes ont initié un parcours de Prep en France. D’après les données de l’Assurance maladie, il y aurait 15 000 prepeurs-ses sur le territoire. Depuis l’été 2018, l’accélération est notable. Ces chiffres montrent également que la Prep demeure un outil « trusté » par les hommes gays citadins et financièrement protégés. En creux, l’enjeu est de continuer, même chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, d’aller plus loin et de rendre accessible la Prep à tous ceux, et surtout toutes celles, qui en ont besoin.
Attendus, ils l’étaient ! Il fallait (presque) être un maître de la force pour contenir l’impatience de la salle lors de la diffusion de ces données précieuses. Limitées, par leur provenance unique des bases de la Sécurité sociale quant aux remboursements des prescriptions de Truvada et de ses génériques, elles le sont ! Mais utiles, elles le sont assurément. Alors, lorsqu’elles sont arrivées, les militants-es de la lutte contre le sida étaient prêts-es à sabrer le champagne. Dans les faits, pas de surprise, mais une confirmation que le soldat Prep est une première ligne déterminante dans cette guerre contre l’épidémie. Sur le terrain, les prepeurs-ses sont des combattants-es d’une menace qui est loin d’être fantôme. Et la revue des troupes est instructive.
Depuis la RTU (recommandation temporaire d’utilisation) de janvier 2016, on savait que 10 000 personnes avaient utilisé le traitement préventif du VIH au 1er juin 2018. Depuis, on avait l’intuition que l’adhésion à la Prep était grandissante, mais une confirmation empirique manquait cruellement. Un point, un an après, était nécessaire. Surtout, il n’existait aucun moyen de connaître le nombre de personnes qui utilisait toujours l’outil au 30 juin 2019. Et ce maintien dans la Prep est essentiel pour obtenir un impact (quantifiable) de l’outil sur les nouvelles infections au VIH. Cela permet aussi d’avoir une idée du profil de ces utilisateurs-rices pour voir où sont les marges de progression. Grâce aux données SNDS (système national des données de santé) fournies par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), des réponses à ces questions apparaissent enfin. Entre mi-2018 et mi-2019, 9 591 initiations ont eu lieu, ce qui représente 47 % de l’ensemble total des personnes ayant eu au moins une prescription de Prep, soit 20 478 personnes. Pour savoir combien utilisent encore cette prophylaxie, il fallait faire le tri entre initiation (la première prise de Prep) et renouvellement. Au 1er semestre 2019, 15 501 prepeurs-ses étaient en activité d’après le SNDS. Selon l’ANSM : « La grande majorité (80 à 85 %) des utilisateurs renouvellent leur traitement d’un semestre à l’autre, suggérant un bon niveau de maintien de la Prep après son initiation ». Donc, près du double d’utilisateurs-rices depuis les débuts de l’outil, et cela en moins de deux ans, signe d’un véritable virage dans la perception sociale de la Prep… chez les hommes gays et bisexuels du moins. Car ces derniers demeurent ultra-majoritaires, avec 96 % des utilisateurs qui se déclarent comme hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes. L’âge moyen est de 36 ans (36 % d’entre eux ont entre 26 et 35 ans). Ils vivent dans un environnement urbain, notamment en Île-de-France (41 %). Un chiffre qui est néanmoins en légère baisse, illustrant une tendance à la diffusion partout sur le territoire.
La Prep reste peu utilisée dans les DOM-TOM
Point problématique, les DOM/TOM, qui ne représentent qu’à peine plus de 1 % des utilisateurs-rices, alors que ces départements et territoires sont parmi ceux où l’épidémie de VIH est la plus dynamique. En termes de lieux de prescription, l’hôpital conserve sa mainmise, avec plus de 88 % des primo-prescriptions. Pour les renouvellements, on atteint 15 % en Cegidd (1) hors-hôpital ; mais, faute d’initiations possibles actuellement en cabinet de ville chez les généralistes, la Prep reste très accolée à des consultations hospitalières. L’ouverture de la primo-prescription aux médecins généralistes est donc très attendue, pour poursuivre la diffusion de la Prep auprès de celles et ceux qui en ont besoin. La Direction générale de la santé y travaille en lien avec les associations, dont AIDES et les sociétés savantes (SFLS, SPILF). Elle devrait être effective en 2020.
L’accélération (au rythme actuel) et le bon maintien apparent de l’utilisation de l’outil ne suffiront pas. Les 15 000 prepeurs-ses d’aujourd’hui paraissent bien peu face aux 40 000 (selon les études, le chiffre varie entre 32 000 et 50 000) hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes estimés à haut risque de contamination. Quant aux autres groupes identifiés, le chemin demeure immense, pour les femmes, les plus jeunes, les personnes précaires (seulement 7 % des prepeurs ont la CMU-C) et les personnes vivant dans les milieux ruraux. D’ailleurs, le chantier contre les délais d’attente (parfois deux mois), tout comme les « déserts de Prep » seront les premiers obstacles à franchir en 2020.
(1) : centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic des infections par le VIH et les hépatites virales et les infections sexuellement transmissibles.