Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Mise à jour du rapport du groupe d’experts sur le VIH : dépistage, prévention biomédicale et organisation de la prise en charge

PARTAGER SUR :

Source : vih.org

A l’occasion de l’AFRAVIH 2018, le professeur Philippe Morlat a présenté la mise à jour du rapport du groupe d’experts regroupant les recommandations pour la prise en charge des personnes vivant avec le VIH et la prévention, insistant sur les opportunités que sont la prophylaxie pré-exposition (PrEP) et le traitement comme prévention (TasP).

Comme c’est désormais établi, il n’y plus d’actualisations annuelles ou bisannuelles du «Rapport Morlat» dans son entièreté mais des mises à jour progressives et régulières des chapitres du document de référence en France sur la prise en charge des personnes vivant avec le VIH et la prévention de l’épidémie. Le Pr. Philippe Morlat a ainsi présenté les dernières nouveautés du rapport à l’occasion de la session «Late Breakers» de l’AFRAVIH 2018, qui s’est tenue à Bordeaux du 4 au 7 avril 2018.

Le médecin bordelais a commencé par rappeler les comorbidités restaient importantes chez les personnes vivant avec le VIH: 43% des personnes vivant avec le VIH fument contre 30% dans la population générale et, avec l’allongement de la durée de vie grâce aux derniers traitements, ce sont désormais les risques de surpoids que les médecins doivent surveiller chez les patientes et leurs patients. Ainsi, en Aquitaine, c’est presque la moitié des personnes dans la cohorte VIH+ (ANRS CO3) qui est concernée par l’hypertension.

Dépistage du VIH

Cascade de la prise de l'infection VIH en charge en France

Cascade de la prise de l’infection VIH en charge en France

Philippe Morlat a commencé par rappeler que l’un des principaux problème de la France face au VIH/sida était le déficit de dépistage (voir ci-dessus). Ainsi, parmi les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes ( HSH ), 16% ignorent qu’ils vivent avec le VIH. C’est à ce titre que le groupe d’expert a souhaité évoluer les recommandations concernant le dépistage du VIH. Pour les populations clés —HSH, UDI et personnes originaires d’une zone géographique à forte prévalence d’infection VIH—, un dépistage annuel est toujours recommandé, mais un dépistage tous les 3 mois est désormais recommandé pour les HSH à haut risque d’exposition, particulièrement chez ceux séjournant en Île-de-France, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Rhône Alpes et dans les départements français d’Amérique. 

Dans une intervention à la même AFRAVIH, Annie Velter a rappelé que le déficit de dépistage est particulièrement aiguë chez les HSH: D’après les premiers chiffres de l’Enquête Rapport au sexe, réalisée entre mi-février et fin mars 2017, seuls 53% des HSH ont réalisé un test dans la dernière année, et pire, 17% d’entre eux n’ont jamais effectué de test de dépistage du VIH au cours de leur vie. Des chiffres préoccupants, qui s’expliquent en partie par la proportion de jeunes HSH ayant répondu à l’enquête.

Recours au test de dépistage VIH chez les HSH sexuellement actifs, non séropositifs, ERAS 2017 (Poster AFRAVIH 2018)

Recours au test de dépistage VIH chez les HSH sexuellement actifs, non séropositifs, ERAS 2017 (Poster AFRAVIH 2018)

En population générale, la recommandation est toujours d’au moins une fois dans la vie entre 15 et 70 ans, et dès qu’une opportunité se présente chez les hommes et dans les régions à plus forte prévalence. Les différentes modalités de —par un professionnel de santé, une association ou à l’initiative de l’individu lui-même— doivent toutes être encouragées.

Personnes ignorant leur séropositivité en 2013

Personnes ignorant leur séropositivité en 2013

Philippe Morlat a rappelé que les lieux de dépistage sont multiples: dans une structure associative, enCeGIDD , chez les médecins libéraux, en ças de passage par le urgences hospitalières, grâce à la médecine du travail ou universitaire, dans un laboratoire d’analyse biologiques, en autotest en pharmacie, ou lors de séjours hospitaliers grâce à des tests en «opt-out» qui doivent être considérés.

A chaque fois, le dépistage du partenaire doit être un objectif, ainsi que le dépistage conjoint du VHB et du VHC.

Dépistage des IST  

Le groupe d’expert recommande désormais un dépistage par PCR les Chlamydia / Gonocoques éventuelles chez les femmes de 15 à 25 ans et chez les hommes de 15 à 30 ans, un dépistage qui doit être renouvelé tous les ans en cas de rapports sexuels non protégés par un préservatif avec un nouveau partenaire. En ce qui concernant les frottis cervicaux, ils doivent rechercher les lésions HPV-induites. Si deux frottis sont normaux à un an d’intervalle, les experts recommandent une recherche tous les trois ans entre 25 et 65 ans.

La sérologie syphilis est désormais recommandée au moins une fois par an pour les personnes exposées, et un test PCR de dépistage des gonocoques / Chlamydia tous les trois mois.

Pour les travailleuses et travailleurs du sexe, une sérologie syphilis annuelle est recommandée.

Prevention et PreP

Le groupe d’experts rappelle l’importance des ressources diversifiées de prévention, et en particulier l’importance de faciliter le recours à la prévention biomédicale, rappelant que «la combinaison de ces interventions ainsi que l’augmentation de leur couverture au sein des populations clés sont essentielles pour infléchir la dynamique des contaminations», tout en rappelant le besoin de moyens supplémentaires pour favoriser le déploiement à l’échelle.

L’importance du Treatment as Prevention, ou Tasp , est une nouvelle fois confirmée dans la stratégie de lutte contre l’épidémie. Philippe Morlat l’a énoncé clairement: Lorsque le partenaire séropositif est sous traitement antirétroviral depuis plus de six mois, a une charge virale indétectable et bénéficie d’un suivi clinique régulier et global (soutien à l’observance, détection et traitement des IST), le risque de transmission du VIH sous traitement est négligeable entre partenaires hétérosexuels ou homosexuels masculins. Pour le groupe d’experts, «Cette information sur un risque devenu négligeable doit être largement diffusée, auprès des personnes vivant avec le VIH mais également du grand public».

Pour la Prep, la prophylaxie pré exposition, le groupe d’expert recommande désormais de la proposer à toute personne HSH ou trans* non infectée par le VIH, bien sûr, et considérée à haut risque d’infection. Mais elle doit également être proposée devant des situations individuelles qui le justifieraient : toute personne en situation de vulnérabilité exposée à des relations non protégées ou le partenaire d’un couple sérodifférent en l’absence de traitement ARV efficace chez le ou la partenaire séropositive. Les adolescents à risque élevé d’acquisition du VIH par voie sexuelle doivent également avoir accès à la Prep.

En l’état actuel des connaissances, la PrEP en discontinu n’est toujours pas recommandée à d’autres populations exposées que les HSH, adultes et adolescents, mais le groupe d’experts recommande la poursuite des recherches visant l’amélioration des connaissances sur les schémas de prise.

Plus généralement, tout doit être fait pour faciliter l’entrée dans un protocole de Prep des personnes qui peuvent en bénéficier.

Traitement post-exposition

Le Tasp est désormais pris en compte de manière claire: le traitement post-exposition n’est plus recommandé quand le statut du partenaire est connu, et qu’il est séropositif sous traitement indétectable. L’ensemble des configurations possibles face au TPE sont résumés ci-dessous.

Indication de TPE après exposition sexuelle

Indication de TPE après exposition sexuelle

Suivi de l’adulte vivant avec le VIH

Ce nouveau chapitre du rapport du groupe d’expert propose une approche individuelle simplifiée du bilan biologique annuel, en se rapprochant des recommandations de la populations générale. Ainsi, la numération des CD4 et des CD8 n’est plus recommandée que tous les deux ans si la charge virale est inférieur à 50 copies par mL sur la période et si les derniers examens montraient un nombre de CD4 supérieur à 500/mm3. Pour les bilans biologiques intermédiaires, le dosage de l’ARN VIH plasmatique pour obtenir la charge virale peut suffire.

Le rapport recommande de renouveler tous les 3 ans la mesure de la glycémie, à surveiller après 45 ans, si les chiffres étaitent initialement normaux. Le bilan lipidique, à fait au début de la prise en charge et 6 mois après initiation ou modification d’un traitement ARV, est à renouveler tous les 5 ans si initialement normal.

Une recherche d’IST doit être effectuée à chaque bilan, y compris une sérologie syphilis, chez les sujets exposés au risque d’infections.

Prise en charge et dépistage du cancer

Un examen proctologue est recommandé de manière régulière, et chez les femmes, une cytologie cervico-utérine tous les 3 ans, une fois les premières années de suivi médical passées.

Désir d’enfant et grossesse 

Là encore, le Tasp est pris en compte : dans le cas d’une procréation naturelle avec une ou un partenaire séropositif indétectable, la Prep n’est pas recommandée pour le partenaire. Et si la charge virale de la mère séropositive est inférieure à 50 copies/mL, l’accouchement par voie basse peut être prévu.

Accès aux soins et qualité de vie

Le groupe d’expert souhaite que se mette en place un dispositif public d’interprétariat médico-social professionnel pour les publics non francophones, accessible à tous les acteurs médico-sociaux, avec un financement pérenne, et également des programmes de prévention primaire de l’infection par le VIH, notamment pour les migrants d’Afrique subsaharienne dont une large part se contamine en France (comme montré dans l’étude PARCOUR).

Les autres points discutés dans ce chapitre sont peut-être ceux qui soulignent le plus le chemin qui a été parcouru ces dernières années dans la prise en charge de l’infection VIH. Le groupe d’expert recommande en effet d’apporter une attention particulière aux personnes qui, désormais, vieillissent avec le VIH. Le rapport recommande ainsi que les personnes séropositives préparent le plus tôt possible le calcul de leurs droits aux différents régimes de retraite avec l’aide d’un conseiller retraite. Il faut également que soit intégré, dans le suivi social des personnes vivant avec le VIH (PvVIH), l’information sur les dispositifs de ressources et d’hébergement ou de maintien à domicile afin de leur garantir des conditions de vie dignes dans leurs vieux jours.

Les personnels des maisons de retraite et des établissements d’hébergements pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) doivent de leur côté pouvoir être formés sur les spécificité de l’accueil des PVVIH. Enfin, le groupe recommande que le financement des médicaments coûteux, dont les antirétroviraux, soit assuré dans les EHPAD, afin de ne plus être un frein à l’admission des PvVIH.

 

 

 

PARTAGER SUR :