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Générations positives : Marie et Ludovic (témoignages).

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Source : Seronet

Marie a 59 ans. Elle vit avec le VIH depuis 1988. Ludovic a 32 ans et vit avec le VIH depuis 2019. Ils ne se sont jamais rencontrés ou parlés. Aujourd’hui, ils participent à un entretien croisé.

Quelle était votre situation personnelle au moment où vous avez découvert votre séropositivité ?

Ludovic : Ma vie professionnelle était stable. D’un point de vue familial, c’était et c’est toujours compliqué avec ma mère et d’un point de vue sentimental, il ne se passait pas grand-chose. De façon plus générale, je suis quelqu’un de sensible et je me sentais particulièrement vulnérable à l’époque de cette découverte.

Marie : Est-ce que je peux te demander ce qui t’a poussé à faire le test ?

Ludovic : À cette période-là, j’ai rencontré un garçon avec qui ça se passait bien. Il m’a demandé de faire un dépistage. C’était la première fois que je faisais un test VIH à 30 ans. J’avais peur du VIH et du corps médical de manière générale, j’avais en tête des représentations qui associaient le VIH au sida et à la mort. Notamment ces images de personnes avec des taches sur la peau (1) et je pense que c’est cette peur qui m’a fait attendre aussi longtemps avant de faire le test.

Marie : À l’époque [1988, ndlr], j’habitais dans le sud-est, j’étais en couple depuis trois ans et tout se passait bien. Un jour, j’ai commencé à avoir des boutons bizarres sur le visage et sur les mains. J’ai consulté une dermatologue qui m’a fait faire une prise de sang. J’ai appris ma séropositivité suite à cette prise de sang. Ce qui est grave, c’est que non seulement le dépistage a été fait à mon insu, mais, en plus, le résultat qui aurait dû être annoncé par la dermatologue m’a été communiqué par une tierce personne. C’était une période compliquée car à l’époque les personnes séropositives étaient très stigmatisées et catégorisées. Il y avait le sida « propre », c’est-à-dire les personnes infectées lors d’une transfusion sanguine, et le sida « sale », les personnes infectées lors de rapports sexuels ou en consommant des drogues par injection. J’ai été toxicomane pendant 6 mois en 1984, donc je faisais partie de la seconde catégorie aux yeux des gens mais je ne me suis pas laissée atteindre par ces jugements et j’ai continué à vivre ma vie.

Est-ce que vous parlez de votre statut sérologique avec vos proches (familles, amis, collègues) et si oui quelles sont leurs réactions ?

Marie : Je me souviens qu’un jour je gardais les enfants de ma sœur et mon beau-frère. J’étais en train de faire des crêpes et mon beau-frère m’a dit que je ne pourrai plus garder ses enfants à cause du VIH. Ma sœur a pris ma défense en buvant dans ma tasse et son mari a fini par s’excuser. Sa peur venait d’une certaine ignorance des modes de transmission, mais sur le coup, j’ai pris une claque. Je me suis sentie comme une pestiférée. Et puis, j’ai eu un autre souci dans mon boulot. Cette fois, mon statut sérologique a été divulgué. J’ai eu l’impression qu’on m’avait volé la décision d’en parler ou pas. Ça m’a mis en colère et depuis j’en parle librement si l’occasion se présente et si ça ne plait pas, c’est pareil. En ce qui concerne ma mère qui a 91 ans aujourd’hui, j’ai mis quinze ans avant de lui annoncer car je voulais la préserver et me préserver par la même occasion de ses inquiétudes, je suis toujours sa petite puce à bientôt 60 ans. (Marie éclate de rire)

Ludovic : Moi, je sélectionne les personnes à qui j’en parle car je veux me préserver de leur jugement. Quand on me pose des questions j’explique avec des mots simples quels sont les traitements ou ce que signifie avoir une charge virale indétectable, etc. Je n’en parle pas dans mon travail, par exemple, ni à ma famille. Je crains les réactions du genre « Oh mon pauvre » car, en réalité, je vais bien. Mon traitement fonctionne et je n’ai pas envie ni besoin de sentir la pitié, la tristesse ou l’inquiétude de mon entourage. J’ai besoin de personnes bienveillantes et compréhensives.

Marie : Dans ma courte période de toxicomanie, j’ai subi ce genre de jugement « T’as joué, t’as perdu : c’est bien fait pour toi » ou alors des questions très intrusives pour savoir comment j’ai contracté le VIH. C’est une question qui ne se demande pas.

=> Pour lire la suite de l’interview, se rendre sur : Seronet

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