Une étude publiée aujourd’hui (17 octobre 2018) dans la revue «The Lancet» propose trois scénarios pour la santé mondiale en 2040. Et pointe le rôle de facteurs non médicaux dans l’augmentation de l’espérance de vie.
A quoi ressemblera l’espérance de vie mondiale en 2040 ? C’est la question posée par une étude de l’Institute for Health Metrics and Evaluation (IHME), publiée aujourd’hui dans la revue The Lancet. Les chercheurs ont modélisé des centaines de données provenant de l’Organisation mondiale de la santé pour y répondre, en construisant trois scénarios, qui intègrent 250 causes de mort. Selon le plus optimiste, près de 50 pays, la majorité en développement, pourraient gagner dix ans d’espérance de vie. Dans le pire des cas, l’espérance de vie reculerait dans près de la moitié des pays du globe. Si les trajectoires actuelles se poursuivent, l’espérance de vie mondiale augmenterait de 4,4 ans. Dans le scénario le plus optimiste, elle gagnerait plus de 7 ans, alors qu’elle stagnerait dans le pessimiste.
Une différence de taille qui s’explique par la prise en compte de nombreux facteurs, dont certains ont des conséquences sur la santé sans être directement médicaux (comme le niveau d’éducation, le taux de fertilité ou le revenu par tête), tout en étant très dépendants de l’orientation des politiques publiques. «Il existe un fort potentiel pour infléchir la trajectoire descendante en matière de santé, en concentrant les efforts sur les facteurs clés de risque, les niveaux d’éducation et le revenu par habitant», précise le rapport.
Recul américain, l’Espagne en tête
Selon le scénario moyen de référence, l’Espagne connaîtrait la plus forte espérance de vie, avec 85,8 ans, devant le Japon. La France resterait au huitième rang des espérances de vie moyennes, avec 84,3 ans, soit un gain de deux ans par rapport à 2016. Les Etats-Unis, confrontés depuis deux ans à un recul de leur espérance de vie, connaîtraient eux la plus forte baisse des pays à hauts revenus, en passant de la 43e à la 64e place, avec un gain d’à peine un an d’ici à 2040. La plus forte hausse au classement devrait venir de la Chine qui, «si les tendances actuelles en matière de santé perduraient», gagnerait 5,6 ans d’espérance de vie, pour atteindre presque 82 ans.
Mais ce rattrapage est loin de se profiler partout, l’étude laissant au contraire présager la persistance des inégalités existantes. L’Afrique subsaharienne resterait une zone de faible espérance de vie, avec un plus bas qui pourrait atteindre 45,3 ans au Lesotho, selon les projections les plus alarmistes. Si de nouvelles politiques publiques ne viennent pas améliorer les tendances actuelles, la Somalie, la Centrafrique, le Lesotho et le Zimbabwe garderaient une espérance de vie inférieure à 65 ans en 2040.
Diabète et VIH
Quel que soit le scénario envisagé, les facteurs de mortalité prématurés seront les mêmes. En 2040, on mourra essentiellement de maladies non contagieuses (comme le diabète) liées à nos modes de vie et à six facteurs de risques principaux, que sont l’hypertension artérielle, le poids, l’hyperglycémie, le tabagisme, l’alcoolisme et la pollution. Agir sur ces facteurs de risque, par des politiques souvent plus éducatives que médicales, serait un des moyens les plus efficaces d’améliorer la santé globale.
Par ailleurs, si la mortalité due aux maladies contagieuses devrait globalement chuter, elle resterait tout de même plus élevée en Afrique subsaharienne. Elle pourrait faire face à une double morbidité, liée à la persistance de maladies infectieuses et au développement d’affections non transmissibles découlant d’un changement de mode de vie et d’alimentation. L’étude s’inquiète notamment d’un risque de recrudescence du VIH, qui pourrait y annuler des gains récents d’espérance de vie.
Quant à savoir si la santé mondiale va suivre le scénario pessimiste ou optimiste, tout dépendra des politiques de santé mises en place aujourd’hui et dans les quelques années à venir. Pour le directeur de l’IHME, Chris Murray, «le scénario du meilleur et du pire doivent permettre aux acteurs d’examiner les changements à mettre en œuvre pour améliorer les systèmes de santé», en faisant ressortir les mesures les plus efficaces à long terme. Reste aux Etats à s’en emparer