Source : courrierinternational.com
Les correspondants de Novaïa Gazeta se sont rendus dans la ville d’Irkoutsk, en Sibérie – Russie, où une personne sur cinquante est séropositive.
Cette région est aujourd’hui la plus touchée par le sida. Le tabou autour de cette maladie, sa négation au sein même du milieu médical et l’inaction des pouvoirs publics rendent l’épidémie difficile à endiguer.
En Russie, chaque heure, dix personnes sont contaminées par le VIH. Actuellement, notre pays occupe la troisième place dans le classement mondial des nouvelles contaminations, derrière l’Afrique du Sud et le Nigeria. Un million de Russes sont séropositifs. Moins de la moitié d’entre eux reçoivent un traitement. Le sida tue en moyenne 87 Russes par jour. Contrairement aux idées reçues, les deux tiers des contaminations dépistées surviennent lors de rapports traditionnels entre un homme et une femme. En Russie, la région d’Irkoutsk [centre-sud de la Sibérie] tient le haut du pavé en matière de rapidité de propagation du virus.
Années 1990, Irkoutsk est envahi par la drogue
Ils ne devraient plus être de ce monde. Les médecins les ont dépistés et enterrés. Alexeï Timochkov s’est entendu dire qu’il mourrait en 2007. Alexandre Osskine a eu un peu de sursis : 2010. Tous deux sont d’anciens héroïnomanes, séropositifs. Tous deux ont appris leur maladie en 1999. Le numéro de recensement d’Alexeï est à trois chiffres, celui d’Alexandre à quatre déjà.
En 1998, dans la région d’Irkoutsk, seuls 32 malades du sida avaient été recensés. L’année suivante, ce chiffre a été pratiquement multiplié par 100, pour arriver à 3 157 cas. On comptait alors pour toute la Russie 30 000 séropositifs. À l’époque, l’infection à Irkoutsk, comme ailleurs en Russie, se propageait essentiellement par injection. Dans les années 1990, Irkoutsk était envahi par la drogue. On pouvait en acheter à toute heure, tout le monde savait où en trouver. Souvent, on partageait à plusieurs une dose d’héroïne dans la même seringue.
Lorsque Alexeï et Sacha ont appris leur maladie, cela ne les a pas arrêtés. Alexeï était étudiant, Alexandre dirigeait déjà deux marchés aux puces à Irkoutsk, il était relativement prospère. “Jusqu’en 2006, je me piquais jusqu’à cinq fois par jour dans les deux bras, raconte Alexandre. Je sais parfaitement qui m’a contaminé, il ne m’a pas laissé me servir en premier.”
Les pouvoirs publics ferment les yeux
Même si, à Irkoutsk, le Centre régional de prévention et de lutte contre le sida fonctionnait déjà depuis 1989, les pouvoirs publics ont longtemps fermé les yeux sur le problème du VIH. Contrairement aux fondations étrangères, qui se sont montrées très actives : la Croix-Rouge américaine, la Fondation Soros, Médecins sans frontières.
La Russie a reconnu le problème officiellement en 2006 seulement, lorsque le G7 a donné ses conditions pour son intégration, parmi lesquelles il y avait l’obligation de participer au programme mondial de lutte contre le sida et le VIH. Dans la pratique, cela signifie que la Russie a payé le Fonds mondial de lutte contre le sida, qui achetait les antirétroviraux. Ce n’est donc qu’en 2006 que sont apparus en Russie des médicaments pour les personnes vivant avec le VIH et qui permettaient de diminuer leur
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