Source : The Conversation France
« Je me suis dit que c’était une blague, je me suis demandé si c’était sérieux. » Un Nîmois de 38 ans témoigne dans le magazine Têtu le 14 avril 2020 suite au courrier homophobe (anonyme) qu’il a reçu, pointant que son homosexualité le rendait vulnérable au VIH et donc au coronavirus.
Les maladies infectieuses et la stigmatisation partagent une relation longue et problématique, en particulier lorsque les décès sont importants et le Covid-19 n’est pas une exception.
Cette attaque reflète le type de comportement discriminatoire et parfois criminel qui surgit en temps de crise à l’encontre des minorités, dans des périodes particulièrement anxiogènes. Or, la stigmatisation et les actes discriminatoires contre les minorités sexuelles (LGBTQ+), représentent aussi un obstacle à leurs suivis médicaux.
Violence et disparités dans l’accès aux soins
Souvent marginalisées et ostracisées, les minorités sexuelles subissent depuis de nombreuses années des discriminations liées, non seulement à leur sexualité mais aussi aux éventuelles pathologies qu’elles peuvent contracter, tel le VIH. Ces phénomènes engendrent des disparités dans l’accès, la qualité et la disponibilité des soins de santé.
La discrimination peut entraîner le refus pur et simple de fournir des soins, ou de subir des soins de mauvaise qualité et des traitements irrespectueux ou abusifs, entre autres. Plusieurs personnes LGBTQ+ ont déjà signalé, dans le cadre de la prise en charge médicale du VIH, avoir subi un refus de traitement et des violences verbales de la part du personnel soignant.
Les professionnels de santé peuvent aussi également avoir une mauvaise compréhension des besoins de santé spécifiques de ce groupe cible comme quoi par exemple ? comme les aptitudes et compétences médicales et culturelles spécifiques permettant l’amélioration de la sensibilité, de la réceptivité et de la prise en charge adaptée aux minorités sexuelles.
Aussi, dans le contexte actuel de la pandémie de Covid-19 plusieurs rapports, évoqués par le Programme commun des Nations unies sur le VIH/sida, suggèrent que les personnes LGBTQ+ sont tenues pour responsables de ce fléau et qu’elles subissent une augmentation des actes discriminatoires.
De plus, en raison des restrictions de mouvements et des mesures de distanciation sociale en vigueur, les minorités sexuelles sont aussi confinées dans des environnements familiaux et communautaires parfois hostiles pouvant augmenter leur exposition à la violence et à la maltraitance. Elles peuvent également être victimes de violence y compris de la part de leurs partenaires sans pouvoir procéder à des suites légales par crainte de répercussions, exacerbant ainsi leurs problèmes de santé physique et mentale préexistants.
Les discriminations et la haine exacerbées
Il n’y a actuellement aucune preuve que les personnes vivant avec le VIH courent un risque accru d’acquérir le Covid-19 en raison de leur statut sérologique.
Mais, les fausses accusations et l’augmentation des actes de discrimination et de violence fondées sur l’orientation sexuelle peuvent augmenter les risques liés, non seulement au VIH, mais également au Covid-19 chez les minorités sexuelles. Le Covid-19 est pernicieux et est à la base de risques complexes, et bien que le virus ne fasse pas de discrimination, il est évident qu’il frappe les communautés marginalisées de nos sociétés de manière disproportionnée.
De telles déclarations, accusant une minorité d’une responsabilité dans cette pandémie, peuvent provoquer un sursaut de haine.
À titre d’exemple, un journal chrétien de la Corée du Sud, Kookmin Ilbo, a rapporté que les lieux visités par un homme nouvellement infecté par le coronavirus à Itaewon comprenaient un club gay. Le reportage a notamment reproché à l’homme et à ceux du club de mettre en danger la lutte du pays contre la pandémie et a déclenché un flot d’insultes homophobes sur les réseaux sociaux.
Impact sur les services VIH
Cette discrimination envers les minorités sexuelles se ressent également dans les services de santé VIH.
Ainsi, les programmes de prévention, axés sur les activités associatives tant en Haïti qu’en Belgique, destinés spécifiquement aux minorités sexuelles et tenant compte des relations potentiellement complexes entre la stigmatisation et les comportements sexuels à risque, ont été suspendus. Ces activités associatives et institutionnelles comprennent la sensibilisation, le conseil et le dépistage éventuel.
Dans certains pays où les discriminations à caractère homophobe sont courantes, les professionnels de soins de santé ne traitent pas les patients atteints du VIH de façon équitable stigmatisant les homosexuels. Les entretiens que j’ai menés il y a trois semaines avec des personnes LGBTQ+ en Haïti pour mes recherches doctorales ont montré notamment une exacerbation de ces comportements pendant la pandémie du Covid-19.
La confidentialité et la peur du dépistage et de recevoir un résultat positif restent et demeurent des préoccupations majeures. Ce qui contribue à un accès aux traitements plus incohérent et interrompu.
Ces minorités font également face à des défis économiques qui représentent une des conséquences de l’ostracisme, d’un soutien social limité, d’une éducation souvent interrompue et d’une réduction de leur capacité à gagner dignement leur vie. Le manque de soutien structurel est considéré comme un obstacle majeur à l’amélioration de l’accès aux soins.
Par ailleurs, les responsables de programmes VIH pour les homosexuels en Haïti que j’ai interviewé craignent que l’attention des chercheurs, des bailleurs de fonds et des programmes de financement se détournent de la lutte contre le VIH afin de prioriser la réponse mondiale pour soutenir la pandémie de Covid-19.
Cela aurait pour conséquence un retard dans les chaînes d’approvisionnement des produits destinés à la lutte contre le VIH, y compris la logistique et l’expédition.
Développer de meilleurs outils pour les minorités en temps de Covid-19
Les dirigeants politiques et religieux ont un rôle particulièrement influent pour assurer une réponse appropriée à la crise actuelle. Les restrictions des droits à la liberté personnelle et à la sécurité ne peuvent être imposées que dans des situations limitées, et doivent répondre à des directives claires et strictes dans le respect des normes internationales relatives aux droits humains. Mettre l’accent sur la non-discrimination dans le maintien de l’ordre des mesures d’urgence est primordial.
Par ailleurs, il paraît urgent de développer des réponses innovantes au sein du système de santé pour que les minorités sexuelles, marginalisées et donc particulièrement vulnérables y aient accès au même titre que l’ensemble de la population. Par exemple, en favorisant les technologies pour recourir au soutien psychosocial, mieux suivre et retrouver les « perdus de vue » (ceux qui ratent leurs rendez-vous médicaux) et renforcer l’observance des traitements.
« Le VIH nous a appris que la violence, l’intimidation et la discrimination ne servent qu’à marginaliser davantage les plus vulnérables. Toute personne, indépendamment de son orientation sexuelle, de son identité de genre ou de son expression, a droit à la santé, à la sûreté et à la sécurité, sans exception. Le respect et la dignité sont plus que jamais nécessaires. »
Les pays doivent désormais trouver un équilibre entre la réponse directe à la pandémie de Covid-19 et le maintien des services de santé essentiels aux niveaux national, régional et local.