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Covid-19 : quel impact sur le VIH ? (2/2)

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Source : SERONET

Le congrès national de la Société française de lutte contre le sida (SFLS) a débuté mercredi 7 octobre de façon virtuelle avec un mélange d’interventions pré-enregistrées et de séquences en direct. Au cœur des discussions, la crise sanitaire liée à la Covid-19 bien sûr et son impact multiple et durable sur la lutte contre le VIH/sida. Seronet a suivi les différentes présentations et revient sur les moments forts des deux premiers jours. Seconde partie.

Dépistages VIH et prescriptions Prep en chute libre

Les chiffres ont été dévoilés mardi 6 octobre, lors de la conférence de presse de lancement du congrès et ils ont été présentés jeudi 8 octobre en détail par la Dre Rosemary Dray-Spira, directrice adjointe du groupe d’intérêt scientifique Epiphare (Agence nationale de sécurité du médicament et Caisse nationale d’assurance maladie) (1) : « Depuis le début du confinement, on observe une diminution massive du nombre de tests VIH réalisés en laboratoires de ville, de l’ordre de 650 000 tests de moins qu’attendu. Même après la sortie de confinement, et compte tenu de la saturation des laboratoires d’analyses médicales, nous n’observons pas un retour aux chiffres attendus sur les taux de dépistage », explique Rosemary Dray-Spira.

Même constat concernant la Prep. Une forte baisse des délivrances de Prep a été constatée pendant et après la période de confinement liée à la crise de la Covid-19. Ainsi pendant la période de confinement, les délivrances de Prep ont chuté de 36 % par rapport à ce qui était attendu (estimation sur la base des chiffres de la même période en 2018 et 2019), passant de quelque 5 500 délivrances (par période de deux semaines) avant le confinement à environ 3 000, fin mars. Cette baisse était toujours visible entre la fin du confinement le 11 mai et le 13 septembre, avec -19 % de délivrances de Prep par rapport à l’attendu. Sur l’ensemble de la période, il y a donc eu un déficit de 27 435 délivrances de Prep par rapport à ce qui était escompté. En outre, alors que les initiations Prep étaient, avant le confinement, en hausse de 32 % par rapport à celles observées en 2019, une chute de 47 % par rapport à 2019 a été constatée pendant le confinement. Les initiations de Prep ont ensuite repris avec le déconfinement, mais n’ont pas récupéré la dynamique pré-confinement, puisque la hausse n’était que de 14 % par rapport à la même période en 2019. « L’épidémie de Covid-19 a profondément et durablement déstabilisé l’utilisation de la Prep et le recours aux tests VIH en laboratoire », a conclu Rosemary Dray-Spira.

Il ne faut pas reculer

Une table ronde a traité de « Covid et impacts socio/médico-économiques ». Florence Thune, directrice générale de Sidaction, a insisté sur le fait que l’épidémie de Covid-19 avait touché de façon disproportionnée certaines populations plus vulnérables comme les travailleurs-ses du sexe et elle a ajouté : « On s’est aussi posé beaucoup de questions sur ce qui se passait en milieu carcéral ».

Marjorie Mailland (Réseau Santé Marseille Sud) a expliqué, de son côté, les difficultés rencontrées avec certains services publics totalement inaccessibles pendant le confinement et les conséquences dramatiques chez certaines personnes : « Actuellement les services de mise à l’abri à l’hôtel sont saturés. Nous avons des personnes qui ont commencé un traitement et qui sont à la rue ».

Pierre Laporte, vice-président chargé de la solidarité au Conseil général de Seine-Saint-Denis a expliqué que son département était actuellement le plus impacté par le VIH en France, avec une augmentation du nombre de cas chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH) nés à l’étranger et une forte prévalence chez les personnes issues d’Afrique sub-saharienne. « Certaines de nos compétences départementales (sur la tuberculose, les IST, le VIH) ont été régionalisées. Le département a pris contact avec Vers Paris sans sida pour entreprendre des actions auprès des HSH et des personnes issues d’Afrique sub-saharienne et des Caraïbes », a indiqué l’élu.

France Lert, présidente de Vers Paris sans sida, a souhaité recentré la discussion autour de la lutte contre le VIH. Selon elle, même si la Covid-19 pèse sur nos vies, 6 000 nouveaux diagnostics de VIH par an c’est encore trop et il ne faut pas reculer alors qu’on a tous les outils nécessaires pour mettre fin à cette épidémie. « La prévention combinée permet à la fois de soigner, mais aussi de limiter la transmission. La baisse du dépistage du VIH signifie que des personnes ne vont pas accéder aux soins ou risque d’y accéder tardivement. On ne doit pas se censurer parce qu’il ne s’agit pas d’une priorité actuelle. Le dépistage, c’est une course contre le temps pour l’individu, mais aussi pour la société. Nous avons les moyens d’agir »,  a assené la présidente de Vers Paris sans sida. Elle a ajouté qu’à l’approche du 1er décembre il est « urgent » de (re)parler du VIH au grand public.

La difficulté d’obtenir des chiffres de l’épidémie de VIH

La présentation intitulée « Les incontournables de la surveillance épidémiologique pour disposer d’indicateurs utiles à une politique de santé sexuelle » a surtout donné l’occasion à Florence Lot de Santé publique France d’expliquer toute la difficulté d’obtenir des chiffres fiables de l’épidémie de VIH en France et ce principalement du fait de la sous déclaration des découvertes VIH par les infectiologues et laboratoires. La fameuse déclaration obligatoire (2) ne semble, en réalité, pas si obligatoire que cela, puisque dans certaines régions on atteint péniblement de taux de déclaration de 50 %. Un vrai sujet qui revient chaque année et qui est encore plus problématique d’après Florence Flot. « Les laboratoires ont été très impactés par le dépistage de la Covid d’où une difficulté à participer à l’étude Labovih. On a entamé des démarches pour mettre en place une interopérabilité entre les logiciels hospitaliers et les logiciels de déclaration obligatoire mais ce genre de procédure prend du temps », a annoncé la responsable de Santé publique France.

Pas de nouveaux chiffres donc lors de ce congrès, ils seront annoncés à l’occasion du 1er décembre, mais Santé publique France prévient déjà qu’il s’agira d’une estimation fondée sur des projections en raison d’un manque flagrant de données consolidées. Dommage.

Impact psychologique : tous-tes concernés-es

La dernière table ronde proposée le 8 octobre était intitulée « Covid et impacts psychologiques chez les personnes vivant avec le VIH et prepeurs et chez les soignants : peurs, angoisses, confinement/déconfinement, épuisement, solitude, addictions, soutien … ». Vaste sujet donc et six intervenants-es qui avaient tous-tes des témoignages forts. On pourrait regretter toutefois l’absence de personnes directement concernées par le VIH et la Prep, ce qui aurait pu apporter une balance entre soignants-es et usagers-ères. Sélection de quelques témoignages :

– Josiane Phalip Lebesnerais (psychologue clinicienne à Saint-Denis) : « L’ensemble des services se sont fermés ou reconvertis en unité Covid. Certains patients étaient rassurés d’être enfin hospitalisés après avoir entendu : « Restez chez vous ». On a mis en place une cellule d’aide pour les soignants avec des maraudes dans tous les services qui étaient surpris au départ, mais se sont très vite mis à parler ».
– Patrick Papazian (médecin et sexologue à Paris) : « On a monté la Ligne C (3) en trois jours avec une quarantaine de personnes. On a failli s’épuiser au bout de six semaines car on travaillait dessus, 24h sur 24, avec une charge émotionnelle incroyable qui nous a mis au bord de l’épuisement nerveux et physique. Mais cette expérience m’a donné beaucoup d’espoir et une foi fantastique dans l’avenir, quand j’ai vu ce que des personnes qualifiées de « fragiles » avaient réussi à monter en un temps record ».
– Serge Hefez (psychiatre à Paris) : « Nous avons mis en place des téléconsultations qui nous ont appris une nouvelle forme d’écoute où je me suis retrouvé avec des patients qui étaient aussi dans mon oreille dans un rapport d’intimité ».
– Isabelle Massonat (psychologue à Lyon) : « Le manque de contact de la peau a été très important pour certains qui ont rompu le confinement pour combler ce besoin. Pour les chemsexeurs, l’occasion d’arrêter la consommation a vite été compliquée parce que les livraisons ne se sont pas arrêtées. Certains sont arrivés à des situations très dégradées ».
– Alexandre Aslan (infectiologue et sexologue à Paris) : « Mon impression est que le confinement a été plus facile à accepter que le déconfinement. Pour une fois, tout le monde était logé à la même enseigne. Certains ont consommé beaucoup de porno pendant un mois, suivi d’un grand vide. Chez les chemsexeurs, j’ai vu une recrudescence des risques et des consommations, avec des limitations sociales, comme le travail, qui n’existaient plus. Les difficultés de couple ont été parfois exacerbées et ont pu donner lieu à des violences psychologiques ».

Le temps étant limité, les échanges n’ont pas été possibles à l’issue de ces différents témoignages et on a pu sentir une certaine frustration de la part des intervenants-es.

Ce qui ressort de ce début de congrès c’est que l’impact de la crise sanitaire liée à la Covid-19 n’a pas seulement concerné les personnes vivant avec le VIH ou exposées au VIH. Clairement les soignants-es et les acteurs-rices de terrain ont eux aussi vécu cette période inédite comme un challenge, parfois une épreuve avec tout le stress et le trauma que cela induit. Leur besoin de témoigner pendant les différentes tables rondes a montré l’effet cathartique de l’exercice.

Vous pouvez retrouver les différentes présentations et discussions en replay, pendant trois mois à compter de la date du congrès, sur le site de la SFLS.

(1) : Le groupe d’intérêt scientifique (GIS) Epiphare est une structure d’expertise publique en pharmaco-épidémiologie des produits de santé et sécurité sanitaire.
(2) : La déclaration obligatoire des nouveaux diagnostics de VIH permet le recueil et la surveillance épidémiologique.
(3) : Ligne C : ligne téléphonique destinée aux personnes vivant avec une maladie chronique inquiètes par les risques liés à la Covid-19. Numéro de téléphone : 01 41 83 43 06 (prix d’un appel local) de 9h à 17h, 7 jours sur 7. Entretien anonyme et gratuit.

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