Les troubles neurocognitifs (TNC) associés au VIH sont d’origine multifactorielle, liés directement au VIH mais également à la réponse immunitaire. Si il existe un lien bien établi entre la charge virale VIH retrouvée dans le liquide céphalo-rachidien (LCR) et la démence associée au VIH, ce lien est moins clair pour les formes plus modérées de TNC. On considère généralement que l’étude du LCR ne retrouve pas d’anomalie spécifique et que la ponction lombaire (PL) n’a pas d’intérêt dans le dépistage, autre que de rechercher d’autres causes de TNC.
Dans cette étude les auteurs ont cherché à aborder la question du rôle respectif de la charge virale et des paramètres immunologiques dans les TNC. Les patients analysés faisaient partie d’une cohorte prospective de patients naïfs de traitement antirétroviral, sans comorbidité neurologique, cirrhose ou consommation abusive d’alcool. Chaque patient avait une ponction lombaire et un prélèvement sanguin concomitant pour mesurer la charge virale VIH et réaliser un phénotype lymphocytaire T avec marqueurs d’activation et de maturation. Ils avaient parallèlement une évaluation neuropsychologique et du retentissement sur les activités de la vie quotidienne, par un médecin spécialiste. Les TNC étaient définis selon les critères de la conférence de Frascati. Les 155 patients analysés étaient majoritairement des hommes (92%), âgés de 39 ans en médiane. Le taux médian de CD4 à l’évaluation était de 340/mm3 et 26% avaient moins de 200/mm3. La charge virale médiane était de 4,7 log c/ml dans le plasma et de 3,6 log dans le LCR, avec un ratio LCR/plasma> 1 chez 24 patients. L’évaluation neuropsychologique n’a pas mis en évidence de démence, mais des TNC chez 50 patients (32%), légers chez 10 et asymptomatiques chez 40. Les patients présentant des TNC n’étaient pas différents des autres en terme d’âge, de sexe, de coinfections HBV ou HCV et de durée de l’infection VIH. Par contre, ils présentaient un nadir de CD4 plus bas et plus souvent un SIDA. La charge virale dans le LCR et la ratio de charge virale ne différaient pas en médiane, mais plus de patients avec TNC avaient un ratio >1. Le phénotype lymphocytaire des patients avec TNC montraient un % inférieur de CD4 centrales mémoires (CD4+CD127+) et de CD4 naïves (CD4+CD45RA+) comparés aux individus sans TNC. En analyse multivariée, les facteurs indépendamment associés à une atteinte neurocognitive était un diagnostic de SIDA (OR, 3,4) et un ratio d’ARN VIH LCR/plasma> 1 (OR, 3,1).
Dans cette étude des TNC légers ont été retrouvés chez un tiers des patients non traités pour le VIH. Ces troubles étaient associés au SIDA et à une charge virale dans le LCR supérieure à la charge virale plasmatique, après ajustement sur le nadir de CD4<200/mm3. Le fait que la charge virale dans le LCR ne soit pas corrélée aux TNC dans cette étude est possiblement lié au caractère très modéré des symptômes neurologiques et au déficit immunitaire peu marqué. Ces résultats sont en faveur du rôle de la réplication virale dans le SNC plus que dans le plasma dans la pathogénèse des TNC. Les auteurs proposent que le ratio LCR/plasma soit utilisé en routine pour le dépistage des TNC dans le bilan initial. Reste à savoir si une PL systématique est acceptable dans ce contexte et si le dépistage précoce des TNC apporte un bénéfice.
Surtout à l’heure du traitement universel…
Sources : info-VIH.com