source : sfcp

Notre pays est confronté à une épidémie d’une ampleur inédite depuis un siècle. La dissémination du nouveau virus SARS-CoV-2 dans la population s’annonce massive, avec des retentissements multiples. La Société Française de Santé Publique apporte tout son soutien aux acteurs engagés dans cette bataille éprouvante. Elle a invité ses membres, et plus largement tou.te.s les professionnel.le.s de la santé publique, à engager leurs forces dans les initiatives qui sollicitent leur concours. L’onde de choc que nous vivons appelle la mobilisation du plus grand nombre.

Dans la réponse à cette pandémie, la santé publique doit mobiliser toutes ses valeurs, à travers :

  1. Une pédagogie approfondie. Face à une situation extraordinaire qui a été insuffisamment anticipée, il faut expliquer le confinement à la population : il est la moins mauvaise solution face à la pénurie de moyens de dépistage et d’équipements de protection et donc à l’impossibilité de dépister les personnes infectées asymptomatiques. Le temps viendra où il faudra revenir sur l’insuffisance de préparation à la réponse aux crises sanitaires dans notre pays.
  2. Des stratégies de prévention individuelles et collectives. Pour diminuer la pression liée à la « vague » d’hospitalisations qui menace de submerger les ressources du système de soins, il faut mobiliser la prévention. Soutenons tous nos dispositifs collectifs : PMI, santé au travail, centres de planification familiale, de prévention des addictions ou de santé sexuelle…. Sans oublier les initiatives qui fleurissent, à l’échelle locale, en lien avec la diversité des mobilisations communautaires ou des autorités locales pour tenter d’endiguer le flot. Pour ce faire, il faut développer largement l’accès de toute la population aux équipements de protection ! Nous y invitons dans la note figurant en annexe.
  3. La promotion de la santé et la santé communautaire. Le confinement invite à promouvoir la capacité de chacun à prendre en main sa vie et sa santé pour se protéger et protéger les autres. Les citoyens respectent les mesures de prévention lorsqu’ils ont compris leur importance ; pour cela, il faut leur parler comme à des adultes capables de prendre des décisions éclairées. C’est l’adhésion qui fonctionne et non la répression. Ce changement massif de comportement nécessite des messages clairs et appropriables : au lieu d’émettre des injonctions perçues comme paternalistes, il faut miser sur les compétences existantes dans la population. La capacité d’agir n’est pas qu’individuelle, elle se nourrit de compétences collectives. Tous les acteurs sociaux sont concernés et mobilisés : soutenons le monde associatif, le secteur social, les acteurs de l’éducation… C’est aussi largement hors de l’hôpital que la pandémie est combattue.
  4. Une attention renforcée aux situations de vulnérabilité. Certains groupes de population subissent de façon brutale l’impact de l’épidémie et des mesures prises pour la contrôler. Ce sont des publics invisibles ou « relégués » : personnes malades chroniques, personnes en situation de handicap, malades psychiatriques, personnes incarcérées, sans domicile fixe, usager.e.s de drogues, travailleur.euse.s du sexe, étranger.e.s sans papiers… Nous sommes également inquiets pour les femmes ou les mineurs victimes de violences intrafamiliales. Il faut soutenir les soins de premiers recours et les dispositifs d’action sociale et médico-sociale, qui font un travail irremplaçable avec des moyens de protection dérisoires.
  5. L’élaboration d’une réponse pour ici et là-bas. La pandémie va frapper des systèmes de santé parfois fragiles ou fragilisés par de précédentes épidémies, comme Ebola. Certains pays bénéficieront peut-être des leçons apprises au cours de ces batailles passées. Une pandémie nous rappelle la communauté de destin de l’humanité tout entière. C’est ensemble que nous devons faire face, en partageant les réussites et les échecs de nos stratégies. C’est aussi à l’échelle mondiale que nous devons penser l’approvisionnement et l’accessibilité aux ressources indispensables pour la prévention et pour le soin. L’Union européenne a un rôle central à jouer dans les prochains mois.

En situation de crise sanitaire, nous avons plus que jamais besoin d’une approche démocratique de la santé. L’importance du retentissement, sur la société, de l’épidémie et des mesures de réponse, la perspective de leur prolongement dans le temps et la préparation de la sortie de crise appellent l’implication de tous les acteurs sociaux, à commencer par les citoyens. Cette pratique démocratique peut permettre de limiter l’impact social de l’épidémie et de penser l’après, qui amènera son lot de transformations. Elle doit être la pierre angulaire de l’élaboration de nos réponses collectives, maintenant et dans l’avenir.