Source : Catie.ca/fr
Changements dans la masse grasse et la masse musculaire après 24 semaines d’exercice chez des personnes séropositives et des personnes séronégatives
- Une étude a mesuré l’impact de l’exercice sur des personnes séropositives et des personnes séronégatives âgées
- Les personnes séropositives étaient plus susceptibles de perdre de la graisse abdominale, mais moins susceptibles d’accroître leur masse musculaire
- Les chercheurs laissent entendre que l’ajout d’exercices contre résistance pourrait être utile aux personnes âgées vivant avec le VIH
L’amorce d’une combinaison de traitements anti-VIH puissants (TAR) entraîne habituellement une réduction significative de la quantité de VIH dans le sang. Le maintien d’une bonne observance thérapeutique du TAR donne lieu à une suppression virale durable. Cette suppression du VIH permet au système immunitaire d’effectuer des réparations partielles. Chez la vaste majorité des utilisateurs du TAR, ces réparations suffisent à prévenir les infections liées au sida. Qui plus est, les chercheurs prévoient que de nombreuses personnes sous TAR connaîtront une espérance de vie quasi normale.
Vieillissement
Comme tout le monde, il arrive que les personnes séropositives deviennent moins actives en vieillissant. Elles risquent également de connaître une baisse des taux d’hormones (testostérone chez l’homme et estrogène chez la femme) et d’accumuler de la graisse abdominale tout en perdant de la masse musculaire. Cette perte de masse musculaire peut causer une baisse de la force et une réduction de la capacité de fonctionner pleinement sur le plan physique.
Exercice
Aux États-Unis, une équipe de chercheurs a mené une étude sur l’exercice d’intensité modérée à élevée auprès de volontaires séropositifs et séronégatifs. Une analyse précédente de cette étude avait révélé que l’exercice améliorait le fonctionnement physique.
Lors de la plus récente analyse des données, les chercheurs se sont concentrés sur les changements dans la composition corporelle — la masse grasse et la masse musculaire — qui se sont produits à la suite d’un programme d’exercice de 24 semaines consistant en trois séances hebdomadaires. Ils ont trouvé que l’exercice aidait à réduire la quantité totale de graisse dans le corps des personnes séropositives, et plus particulièrement la quantité de graisse abdominale. Les chercheurs ont toutefois décrit comme « minimes » les gains de masse musculaire chez les personnes séropositives. « Il pourrait être nécessaire d’insister davantage sur les exercices contre résistance afin d’accroître plus efficacement la masse musculaire [chez les personnes séropositives] », ont-ils affirmé.
Détails de l’étude
Avant de s’inscrire à l’étude, les participants étaient sédentaires depuis six mois. Les chercheurs ont défini le terme sédentaire comme le fait de faire moins de 60 minutes d’activité physique par semaine. Notons aussi que les participants séropositifs suivaient un TAR et avaient une charge virale indétectable depuis deux ans.
Voici la répartition des participants :
- 27 personnes séropositives
- 28 personnes séronégatives
Les participants ont pris part à trois séances d’exercice supervisées hebdomadaires pendant 24 semaines consécutives. On a augmenté graduellement la durée des séances pour atteindre 50 minutes par séance. Lors de chaque séance, les participants marchaient rapidement sur un tapis roulant puis faisaient des exercices contre résistance sur des appareils (comme le développé couché, la presse à cuisses et le tirage vertical).
Pendant les 12 premières semaines, tous les participants faisaient les exercices avec une intensité modérée. Après cette période, on les a affectés au hasard aux deux volets d’intervention suivants :
- 12 semaines d’exercice d’intensité modérée en continu
- 12 semaines d’exercice d’intensité élevée
Les chercheurs encourageaient les participants à adopter une « alimentation saine », mais n’offraient pas de conseils nutritionnels.
Les participants séropositifs avaient le profil moyen suivant au moment de leur admission à l’étude :
- 93 % d’hommes, 7 % de femmes
- âge : entre 50 et 70 ans
- durée de l’infection au VIH : 23 ans
- durée du TAR : 17 ans
- compte de CD4+ : 546 cellules/mm3
- utilisation actuelle ou antérieure d’un genre d’analogue nucléosidique appelé analogue de la thymidine (AZT, d4T) : 68 %
- indice de masse corporelle (IMC) : 27 kg/m2
- 15 % de fumeurs actuels
- 20 % prenaient des compléments de testostérone
- près de 50 % prenaient des « statines », soit des médicaments pour réduire le cholestérol
En général, les participants séronégatifs étaient d’âge semblable, et les proportions d’hommes et d’utilisateurs de statines étaient les mêmes. Les hommes séronégatifs différaient cependant des hommes séropositifs des façons suivantes : ils étaient légèrement plus pesants, avaient davantage de masse grasse et étaient moins susceptibles d’utiliser des compléments de testostérone.
Les participants ont subi de nombreuses évaluations, y compris des radiographies à faible dose pour déterminer leur composition corporelle.
Résultats
Le taux d’observance des régimes d’exercice était élevé, soit près de 90 % dans les deux groupes.
Indice de masse corporelle
Les personnes séropositives ont connu une baisse modeste de leur IMC (à peu près un demi-point), tout comme les personnes séronégatives.
Masse musculaire
Chez les personnes séropositives, la masse musculaire s’est maintenue ou a augmenté modestement (0,5 kg environ), alors que les personnes séronégatives ont connu une augmentation plus importante (0,8 kg environ).
Masse grasse
Les personnes séropositives ont perdu environ 2 kg de graisse, alors que les personnes séronégatives en ont perdu 1 kg. Les personnes séropositives ont perdu 18 cm2 de graisse abdominale viscérale, alors que les personnes séronégatives en ont perdu 10 cm2.
Testostérone
Historiquement, avant l’avènement du TAR, l’infection au VIH était associée à des taux de testostérone inférieurs à la normale, particulièrement chez les hommes. Dans certains cas, des pertes persistantes de masse musculaire ont été documentées. À l’époque actuelle où le TAR est largement accessible, des études d’envergure portent à croire que la déficience en testostérone est moins courante chez les hommes séropositifs qu’à l’époque d’avant le TAR.
Certaines hormones existent sous deux formes dans l’organisme; une forme est liée à une protéine et l’autre ne l’est pas. On appelle celle-ci la forme « libre » de l’hormone en question, et c’est cette forme que l’organisme peut utiliser. Comme la testostérone fait partie des hormones de ce genre, de nombreux médecins demandent que les laboratoires mesurent ou calculent la quantité de testostérone libre dans les échantillons de sang de leurs patients.
Dans la présente étude, il n’y avait pas de différence significative entre les taux de testostérone libre chez les hommes séropositifs et les hommes séronégatifs. Les chercheurs ont fait cette observation après avoir retiré de leur analyse les hommes qui prenaient des compléments de testostérone.
Comme les taux de testostérone atteignent une concentration élevée le matin de bonne heure, les endocrinologues ont tendance à recommander que les prélèvements de sang servant aux analyses soient effectués à ce moment. Cela dit, il n’est pas clair si les prélèvements de sang servant aux mesures de la testostérone ont été effectués à cette heure durant cette étude.
Changements favorables
La bonne nouvelle à tirer de cette étude est que l’exercice trois fois par semaine a réduit la graisse corporelle, notamment la graisse abdominale viscérale, chez des participants âgés, majoritairement de sexe masculin. Cette perte de graisse s’est produite sans égard au statut VIH des participants. Si cette réduction devait se maintenir, elle pourrait améliorer la santé cardiovasculaire et la santé générale. Même si les personnes séropositives ont perdu de la graisse, elles n’ont pas perdu de masse musculaire, laquelle s’est stabilisée ou a augmenté modestement.
Masse musculaire
Il n’est pas clair pourquoi les personnes séropositives n’ont pas pris autant de masse musculaire que les personnes séronégatives dans cette étude. Selon les chercheurs, il est plausible que l’exposition antérieure à l’AZT ou à la d4T ait causé des lésions musculaires persistantes qui auraient pu compromettre la croissance musculaire. Notons cependant qu’aucune biopsie des tissus musculaires n’a été effectuée durant cette étude.
Le TAR a un énorme impact positif sur la survie, mais il ne corrige pas tous les changements provoqués par l’infection au VIH. À titre d’exemple, notons que le TAR peut réduire énormément le taux d’inflammation liée au VIH, mais sans pour autant le ramener aux niveaux observés chez les personnes séronégatives en bonne santé. Il est plausible que l’inflammation ait compromis partiellement la capacité des personnes séropositives à accroître leur masse musculaire. Durant cette étude, les personnes séropositives n’ont pas connu de baisse significative de leur taux sanguin de protéine C-réactive de haute sensibilité (hs-CRP), une mesure de l’inflammation couramment utilisée.
Il est également possible que les cellules infectées par le VIH aient libéré des protéines qui auraient pu nuire à l’activité, à la croissance et au développement des cellules musculaires. Des recherches antérieures avaient découvert des lésions musculaires chez certaines personnes séropositives qui n’avaient jamais été exposées aux analogues nucléosidiques. Ce résultat porte à croire que le VIH lui-même pourrait jouer un rôle défavorable dans la santé musculaire.
Dans la présente étude, le nombre de personnes séropositives était trop faible pour faire des comparaisons significatives entre les effets éventuels de différentes combinaisons de médicaments sur les changements dans la masse musculaire.
Pour surmonter ce que les chercheurs ont appelé une « augmentation émoussée » de la croissance musculaire due à l’exercice, ils ont laissé entendre que les personnes séropositives âgées « pourraient avoir besoin d’insister davantage sur les exercices contre résistance ».
À l’avenir
L’exercice procure de nombreux bienfaits pour la santé, et la présente étude constitue un bon pas en avant. Il demeure cependant nécessaire de mener d’autres études de ce genre pour mieux comprendre l’impact de différents régimes d’exercice sur les personnes séropositives, y compris les femmes.
––Sean R. Hosein
Ressources
L’exercice comme médecine – TraitementActualités 234
Une étude trouve que la graisse s’accumule et que le muscle diminue avec le temps– TraitementActualités 235
Une étude pilote trouve que l’exercice intensif est bon pour les hommes séropositifs plus âgés – TraitementActualités 228
La combinaison de l’exercice et des statines améliore les bienfaits – TraitementActualités 217
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